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Шарль Бодлер - Цветы зла

Читать бесплатно Шарль Бодлер - Цветы зла. Жанр: Поэзия издательство -, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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XCVI

LE JEU

Dans des fauteuils fanés des courtisanes vieilles,Pâles, le sourcil peint, œil câlin et fatal,Minaudant, et faisant de leurs maigres oreillesTomber un cliquetis de pierre et de métal;

Autour des verts tapis des visages sans lèvre,Des lèvres sans couleur, des mâchoires sans dent,Et des doigts convulsés d'une infernale fièvre,Fouillant la poche vide ou le sein palpitant;

Sous de sales plafonds un rang de pâles lustresEt d'énormes quinquets projetant leurs lueursSur des fronts ténébreux de poètes illustresQui viennent gaspiller leurs sanglantes sueurs;

Voilà le noir tableau qu'en un rêve nocturneJe vis se dérouler sous mon œil clairvoyant.Moi-même, dans un coin de l'antre taciturne,Je me vis accoudé, froid, muet, enviant,

Enviant de ces gens la passion tenace,De ces vieilles putains la funèbre gaieté,Et tous gaillardement trafiquant à ma face,L'un de son vieil honneur, l'autre de sa beauté!

Et mon cœur s'effraya d'envier maint pauvre hommeCourant avec ferveur à l'abîme béant,Et qui, soûl de son sang, préférerait en sommeLa douleur à la mort et l'enfer au néant!

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XCVII

DANSE MACABRE

À Ernest Christophe.

Fière, autant qu'un vivant, de sa noble stature,Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants,Elle a la nonchalance et la désinvoltureD'une coquette maigre aux airs extravagants.

Vit-on jamais au bal une taille plus mince?Sa robe exagérée, en sa royale ampleur,S'écroule abondamment sur un pied sec que pinceUn soulier pomponné, joli comme une fleur.

La ruche qui se joue au bord des clavicules,Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher,Défend pudiquement des lazzi ridiculesLes funèbres appas qu'elle tient à cacher.

Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres,Et son crâne, de fleurs artistement coiffé,Oscille mollement sur ses frêles vertèbres,Ô charme d'un néant follement attifé!

Aucuns t'appelleront une caricature,Qui ne comprennent pas, amants ivres de chair,L'élégance sans nom de l'humaine armature.Tu réponds, grand squelette, à mon goût le plus cher!

Viens-tu troubler, avec ta puissante grimace,La fête de la Vie? Ou quelque vieux désir,Éperonnant encor ta vivante carcasse,Te pousse-t-il, crédule, au sabbat du Plaisir?

Au chant des violons, aux flammes des bougies,Espères-tu chasser ton cauchemar moqueur,Et viens-tu demander au torrent des orgiesDe rafraîchir l'enfer allumé dans ton cœur?

Inépuisable puits de sottise et de fautes!De l'antique douleur éternel alambic!À travers le treillis recourbé de tes côtesJe vois, errant encor, l'insatiable aspic.

Pour dire vrai, je crains que ta coquetterieNe trouve pas un prix digne de ses efforts;Qui, de ces cœurs mortels, entend la raillerie?Les charmes de l'horreur n'enivrent que les forts!

Le gouffre de tes yeux, plein d'horribles pensées,Exhale le vertige, et les danseurs prudentsNe contempleront pas sans d'amères nauséesLe sourire éternel de tes trente-deux dents.

Pourtant, qui n'a serré dans ses bras un squelette,Et qui ne s'est nourri des choses du tombeau?Qu'importe le parfum, l'habit ou la toilette?Qui fait le dégoûté montre qu'il se croit beau.

Bayadère sans nez, irrésistible gouge,Dis donc à ces danseurs qui font les offusqués:"Fiers mignons, malgré l'art des poudres et du rouge,Vous sentez tous la mort! Ô squelettes musqués,

Antinoüs flétris, dandys à face glabre,Cadavres vernissés, lovelaces chenus,Le branle universel de la danse macabreVous entraîne en des lieux qui ne sont pas connus!

Des quais froids de la Seine aux bords brûlants du Gange,Le troupeau mortel saute et se pâme, sans voirDans un trou du plafond la trompette de l'AngeSinistrement béante ainsi qu'un tromblon noir.

En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admireEn tes contorsions, risible Humanité,Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,Mêle son ironie à ton insanité!"

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XCVIII

L'AMOUR DU MENSONGE

Quand je te vois passer, ô ma chère indolente,Au chant des instruments qui se brise au plafondSuspendant ton allure harmonieuse et lente,Et promenant l'ennui de ton regard profond;

Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore,Ton front pâle, embelli par un morbide attrait,Où les torches du soir allument une aurore,Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait,

Je me dis: Qu'elle est belle! Et bizarrement fraîche!Le souvenir massif, royale et lourde tour,La couronne, et son cœur, meurtri comme une pêche,Est mûr, comme son corps, pour le savant amour.

Es-tu le fruit d'automne aux saveurs souveraines?Es-tu vase funèbre attendant quelques pleurs,Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines,Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs?

Je sais qu'il est des yeux, des plus mélancoliques,Qui ne recèlent point de secret précieux;Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques,Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô cieux!

Mais ne suffit-il pas que tu sois l'apparence,Pour réjouir un cœur qui fuit la vérité?Qu'importe ta bêtise ou ton indifférence?Masque ou décor, salut! J'adore ta beauté.

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XCIX

Je n'ai pas oublié, voisine de la ville,Notre blanche maison, petite mais tranquille;Sa Pomone de plâtre et sa vieille VénusDans un bosquet chétif cachant leurs membres nus,Et le soleil, le soir, ruisselant et superbeQui, derrière la vitre où se brisait sa gerbe,Semblait, grand œil ouvert dans le ciel curieux,Contempler nos dîners longs et silencieux,Répandant largement ses beaux reflets de ciergeSur la nappe frugale et les rideaux de serge.

русский

C

La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,À dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,Tandis que, dévorés de noires songeries,Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiverEt le siècle couler, sans qu'amis ni familleRemplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,Calme, dans le fauteuil je la voyais s'asseoir,Si, par une nuit bleue et froide de décembre,Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,Grave, et venant du fond de son lit éternelCouver l'enfant grandi de son œil maternel,Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse?

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CI

BRUMES ET PLUIES

Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,Endormeuses saisons! Je vous aime et vous loueD'envelopper ainsi mon cœur et mon cerveauD'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,Où par les longues nuits la girouette s'enroue,Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveauOuvrira largement ses ailes de corbeau.

Rien n'est plus doux au cœur plein de choses funèbres,Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,Ô blafardes saisons, reines de nos climats,

Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,— Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.

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CII

RÊVE PARISIEN

À Constantin Guys.

I De ce terrible paysage,Tel que jamais mortel n'en vit,Ce matin encore l'image,Vague et lointaine, me ravit.

Le sommeil est plein de miracles!Par un caprice singulierJ'avais banni de ces spectaclesLe végétal irrégulier,

Et, peintre fier de mon génie,Je savourais dans mon tableauL'enivrante monotonieDu métal, du marbre et de l'eau.

Babel d'escaliers et d'arcades,C'était un palais infini,Plein de bassins et de cascadesTombant dans l'or mat ou bruni;

Et des cataractes pesantes,Comme des rideaux de cristal,Se suspendaient, éblouissantes,À des murailles de métal.

Non d'arbres, mais de colonnadesLes étangs dormants s'entouraient,Où de gigantesques naïades,Comme des femmes, se miraient.

Des nappes d'eau s'épanchaient, bleues,Entre des quais roses et verts,Pendant des millions de lieues,Vers les confins de l'univers;

C'étaient des pierres inouïesEt des flots magiques; c'étaientD'immenses glaces éblouiesPar tout ce qu'elles reflétaient!

Insouciants et taciturnes,Des Ganges, dans le firmament,Versaient le trésor de leurs urnesDans des gouffres de diamant.

Architecte de mes féeries,Je faisais, à ma volonté,Sous un tunnel de pierreriesPasser un océan dompté;

Et tout, même la couleur noire,Semblait fourbi, clair, irisé;Le liquide enchâssait sa gloireDans le rayon cristallisé.

Nul astre d'ailleurs, nuls vestigesDe soleil, même au bas du ciel,Pour illuminer ces prodiges,Qui brillaient d'un feu personnel!

Et sur ces mouvantes merveillesPlanait (terrible nouveauté!Tout pour œil, rien pour les oreilles!)Un silence d'éternité.

II En rouvrant mes yeux pleins de flammeJ'ai vu l'horreur de mon taudis,Et senti, rentrant dans mon âme,La pointe des soucis maudits;

La pendule aux accents funèbresSonnait brutalement midi,Et le ciel versait des ténèbresSur le triste monde engourdi.

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CIII

LE CRÉPUSCULE DU MATIN

La diane chantait dans les cours des casernes,Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisantsTord sur leurs oreillers les bruns adolescents;Où, comme un œil sanglant qui palpite et qui bouge,La lampe sur le jour fait une tache rouge;Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd,Imite les combats de la lampe et du jour.Comme un visage en pleurs que les brises essuient,L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient,Et l'homme est las d'écrire et la femme d'aimer.

Les maisons çà et là commençaient à fumer.Les femmes de plaisir, la paupière livide,Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide;Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids,Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts.C'était l'heure où parmi le froid et la lésineS'aggravent les douleurs des femmes en gésine;Comme un sanglot coupé par un sang écumeuxLe chant du coq au loin déchirait l'air brumeux;Une mer de brouillards baignait les édifices,Et les agonisants dans le fond des hospicesPoussaient leur dernier râle en hoquets inégaux.Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux.

L'aurore grelottante en robe rose et verteS'avançait lentement sur la Seine déserte,Et le sombre Paris, en se frottant les yeux,Empoignait ses outils, vieillard laborieux.

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