Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien

Читать бесплатно Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

— Il paraît que c’est trop tard !

— Tant pis ! Dis-leur que j’ai une fille…

C’était un mélange trouble de joie, de nervosité, peut-être d’angoisse que trahissaient ses yeux, ses gestes, la pâleur de son teint piqueté de petites taches d’acide.

— Si vous voulez me permettre de vous offrir quelque chose ?… Nous irons à la maison…

Ils marchèrent tous trois le long des corridors enchevêtrés, franchirent la porte que la vieille avait ouverte auparavant à Maigret.

Il y avait des carreaux bleus dans le couloir. Et il régnait comme une odeur de propreté, avec, pourtant, des fadeurs imprécises, peut-être des moiteurs de chambre de malade.

— Les deux gosses sont chez mon beau-frère… Par ici…

Il ouvrit la porte de la salle à manger, où les petites vitres des fenêtres ne laissaient filtrer qu’un jour avare. Les meubles étaient sombres avec des reflets sur les cuivres posés un peu partout.

Au mur, un grand portrait de femme, signé Jef, plein de maladresses, mais trahissant une application évidente à idéaliser le modèle.

Maigret comprit que c’était sa femme, chercha ailleurs et, comme il s’y attendait, retrouva des pendus. Les meilleurs ! Ceux qu’on avait jugés dignes d’être encadrés !

— Vous prendrez bien un verre de genièvre ?

Le commissaire sentait peser sur lui le regard farouche de Joseph Van Damme, que chaque détail de cette entrevue avait l’air d’outrer.

— Vous disiez tout à l’heure que vous avez connu Jean Lecocq d’Arneville…

On entendait des pas à l’étage supérieur, où devait être la chambre de l’accouchée.

— Un vague camarade !… répondit distraitement Jef Lombard, l’oreille tendue à un léger vagissement.

Et, levant son verre :

— A la santé de ma petite !… Et de ma femme !…

Il détourna la tête, brusquement, vida son verre d’un trait, alla chercher quelque chose d’inexistant dans le buffet pour cacher son trouble ; mais le commissaire n’en entendit pas moins le sourd déclic d’un sanglot étouffé.

— Il faut que je monte là-haut… Pardonnez-moi… Un jour comme aujourd’hui…

Van Damme et Maigret ne s’étaient pas adressé la parole. Tandis qu’ils traversaient la cour, frôlaient la fontaine, le commissaire observait son compagnon avec ironie, se demandant ce qu’il allait faire.

Mais, une fois dans la rue, Van Damme se contenta de toucher le bord de son chapeau et de s’éloigner à grands pas vers la droite.

A Liège, les taxis sont rares. Maigret, faute de connaître les lignes de tramway, rentra à pied à l’Hôtel du Chemin-de-Fer, déjeuna, se renseigna sur les journaux locaux.

A deux heures, il pénétrait dans l’immeuble du journal La Meuse au moment précis où Joseph Van Damme en sortait. Les deux hommes passèrent à un mètre l’un de l’autre sans se saluer et le commissaire grommela à part lui :

— Il continue à me précéder !…

Il s’adressa à un huissier, demanda à consulter les collections du journal, dut remplir une fiche et attendre l’autorisation d’un administrateur.

Certains détails l’avaient frappé : Armand Lecocq d’Arneville avait appris que son frère avait quitté Liège à l’époque, à peu près, où Jef Lombard dessinait des pendus avec une obstination maladive.

Et le complet B, que le vagabond de Neuschanz et de Brême transportait dans la valise jaune, était très vieux – au moins six ans, disait l’expert allemand – peut-être dix !

Au surplus, la présence de Joseph Van Damme à La Meuse ne suffisait-elle pas à renseigner le commissaire ?

On l’introduisit dans une pièce au parquet ciré comme une patinoire, aux meubles somptueux, solennels, et l’huissier à chaîne d’argent questionna :

— La collection de quelle année désirez-vous consulter ?

Maigret avait déjà repéré les énormes cartonnages contenant chacun les journaux d’une année et rangés tout autour de la pièce.

— Je trouverai seul… dit-il.

Cela sentait l’encaustique, le vieux papier et le luxe officiel. Sur la table tendue de moleskine, il y avait des lutrins destinés à recevoir les encombrants volumes. Tout était si propre, si net, si austère que le commissaire osa à peine tirer sa pipe de sa poche.

Quelques instants plus tard, il feuilletait, jour par jour, les journaux de « l’année des pendus ».

Des milliers de titres défilaient devant ses yeux. Certains rappelaient des événements mondiaux. D’autres avaient trait à des faits locaux : l’incendie d’un grand magasin (une page entière pendant trois jours), la démission d’un échevin, l’augmentation du prix des tramways.

Soudain, des déchirures, au ras de la reliure. Un journal − celui du 15 février – avait été arraché.

Maigret se précipita dans l’antichambre, ramena l’huissier.

— Quelqu’un est venu avant moi, n’est-ce pas ?… C’est bien cette collection qu’il a demandée ?…

— Oui… Il n’est resté que cinq minutes ici…

— Vous êtes de Liège ?… Vous vous souvenez de ce qui peut s’être passé à cette date ?…

— Attendez… Dix ans… C’est l’année de la mort de ma belle-sœur… J’y suis !… Il y avait les grandes inondations !… Même qu’on a dû attendre huit jours pour l’enterrement, parce qu’on ne circulait plus qu’en barque dans les rues proches de la Meuse… D’ailleurs, lisez les articles… Le roi et la reine visitent les sinistrés… Il y a des photos… Tiens ! Il manque un numéro !… C’est extraordinaire… Il faudra que je le signale au directeur…

Maigret se pencha pour ramasser sur le parquet un fragment de papier journal qui était tombé quand Joseph Van Damme, sans nul doute, arrachait les pages correspondant au 15 février.

VII

Les trois

Il existe à Liège quatre journaux quotidiens. Maigret mit deux heures à faire le tour des rédactions et, comme il s’y attendait, il trouva partout un numéro qui manquait à la collection : celui du 15 février.

La vie de la ville battait son plein dans un quadrilatère de rues qu’on appelle le Carré, où se trouvent les magasins de luxe, les grandes brasseries, les cinémas et les dancings.

C’est là que tout le monde se rencontre et, trois fois pour le moins, le commissaire aperçut Joseph Van Damme qui se promenait, la canne à la main.

Quand il rentra à l’Hôtel du Chemin-de-Fer, deux messages l’attendaient. Un télégramme de Lucas, d’abord, qu’au moment de partir il avait chargé de certaines besognes.

Cendres trouvées dans poêle chambre Louis Jeunet, rue Roquette, examinées par expert. Stop. Reconnu restes billets de banque belges et français. Stop. Quantité fait supposer forte somme.

L’autre message était une lettre, apportée à l’hôtel par un commissionnaire. Elle était tapée à la machine, sur du papier sans marque dont les dactylos se servent pour les copies. Elle disait :

Monsieur le Commissaire,

J’ai l’honneur de vous faire savoir que je suis disposé à vous donner tous éclaircissements utiles à l’enquête que vous avez entreprise.

Pour certaines raisons, je suis tenu à la prudence et je vous serais obligé, si ma proposition vous intéresse, de vous trouver ce soir, vers onze heures, au Café de la Bourse, situé derrière le Théâtre Royal.

Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire, les assurances de mes sentiments les plus distingués.

Pas de signature. Par contre, des formules assez inattendues, par leur banalité commerciale même, dans un billet de cette sorte : j’ai l’honneur de vous faire savoir… je vous serais obligé… si ma proposition vous intéresse… dans cette attente… assurances de mes sentiments les plus distingués…

Maigret dîna tout seul à une table et s’aperçut que, presque à son insu, le cours de ses préoccupations avait changé. Il pensait moins à Jean Lecocq d’Arneville, dit Louis Jeunet, qui s’était tué à Brême, dans une chambre d’hôtel.

Mais il était hanté par les œuvres de Jef Lombard, par ces pendus accrochés partout, à la croix d’une église, aux arbres d’un bois, au clou d’une mansarde, pendus grotesques ou sinistres, cramoisis ou livides, en costume de toutes les époques.

A dix heures et demie, il se mit en route vers le Théâtre Royal et il était onze heures moins cinq quand il poussa la porte du Café de la Bourse, un petit café tranquille, fréquenté par des habitués et surtout par des joueurs de cartes.

Une surprise l’attendait. Dans un coin, près du comptoir, trois hommes étaient attablés : Maurice Belloir, Jef Lombard et Joseph Van Damme.

Il y eut un moment d’hésitation de part et d’autre pendant que le garçon aidait le commissaire à se débarrasser de son pardessus. Belloir, machinalement, se leva à demi pour saluer. Van Damme ne bougea pas. Lombard, dont le visage était d’une nervosité inouïe, s’agita sur sa chaise en attendant que ses compagnons prissent une attitude.

Est-ce que Maigret allait s’approcher d’eux, leur tendre la main, s’installer à leur table ? Il les connaissait. Il avait déjeuné avec l’homme d’affaires de Brême. Belloir lui avait offert un verre de fine, chez lui, à Reims… Et Jef l’avait reçu le matin même…

— Bonsoir, messieurs…

Il serra les mains avec la vigueur qu’il mettait toujours dans ce geste et qui, à certains moments, prenait un sens menaçant.

— Quel hasard de vous rencontrer à nouveau !

Il y avait une place libre sur la banquette, à côté de Van Damme, il s’y laissa tomber, et dit au garçon :

— Un demi blonde !

Puis ce fut le silence, un silence épais, contraint. Van Damme regardait fixement devant lui, les mâchoires serrées. Jef Lombard s’agitait toujours comme si des vêtements trop étroits l’eussent gêné aux entournures. Belloir, correct et froid, contemplait ses ongles, passait un bout d’allumette sous celui de l’index où une poussière s’était glissée.

— Mme Lombard va bien ?…

Jef regarda autour de lui, comme pour trouver un point d’appui, balbutia en fixant le poêle :

— Très bien… Merci…

Il y avait une horloge au-dessus du comptoir et Maigret compta cinq minutes pleines sans qu’une parole fût prononcée. Van Damme avait laissé éteindre son cigare et il était le seul à permettre à ses traits d’exprimer une haine non déguisée.

Jef était le plus intéressant à observer. Les événements de la journée avaient sans doute contribué à lui mettre les nerfs à nu. Et il n’y avait pas un muscle de son visage, si infime fût-il, qui ne tressaillît.

La table des quatre hommes était une véritable oasis de silence dans le café où tout le monde parlait à voix haute.

— Et rebelote ! triomphait quelqu’un à droite.

— Tierce haute ! prononçait avec hésitation un bonhomme de gauche. C’est bon ?

— Trois demis ! Trois !… criait le garçon.

Et tout vivait, vibrait, sauf la table des quatre, qu’un mur invisible semblait peu à peu entourer.

Ce fut Jef qui rompit le charme. Il venait de se mordre la lèvre inférieure et il se leva soudain en bégayant :

— Tant pis !…

On le vit regarder ses compagnons, d’un regard bref, aigu, douloureux, décrocher son manteau et son chapeau et gagner la porte qu’il ouvrit brutalement.

— Je parie qu’il va éclater en sanglots, à peine seul dans la rue, prononça rêveusement Maigret.

Il l’avait senti, ce sanglot de rage, de désespoir, qui montait le long de la gorge du photograveur et faisait vibrer la pomme d’Adam.

Il se tourna vers Van Damme, qui contemplait le marbre de la table, avala la moitié de son demi et s’essuya les lèvres du revers de la main.

C’était, en dix fois plus concentré, l’atmosphère de la maison de Reims, où Maigret avait déjà imposé sa présence aux mêmes personnages. Et toute la masse du commissaire contribuait à donner à cette présence forcée une signification menaçante.

Il était grand et large, large surtout, épais, solide, et ses vêtements sans recherche soulignaient ce qu’il y avait de plébéien dans sa structure. Un visage lourd, où les yeux étaient capables de garder une immobilité bovine.

Il ressemblait ainsi à certains personnages des cauchemars d’enfant, à ces figures monstrueusement grossies et sans expression qui avancent vers le dormeur comme pour l’écraser.

Quelque chose d’implacable, d’inhumain, évoquant un pachyderme en marche vers un but dont rien ne le détournera.

Il buvait, fumait sa pipe, regardait avec satisfaction l’aiguille de l’horloge qui avançait d’une saccade à chaque minute, avec un déclic métallique. Une horloge blême !

Il ne paraissait s’occuper de personne et pourtant il guettait les moindres manifestations de vie à sa droite et à sa gauche.

Ce fut une des heures les plus extraordinaires de sa carrière. Car cela dura près d’une heure ! Cinquante-deux minutes exactement ! Une lutte de nerfs !

Jef Lombard avait été mis hors de combat dès le début. Mais les deux autres tenaient bon.

Il était là, entre eux, comme un juge, mais un juge qui n’accusait pas et dont on ne pouvait deviner la pensée. Que savait-il ? Pourquoi était-il venu ? Qu’espérait-il ? Attendait-il un mot, un geste qui vînt préciser ses soupçons ? Avait-il déjà découvert toute la vérité ou son assurance n’était-elle qu’un bluff ?

Et quels mots prononcer ? Parler encore de hasard, d’une rencontre fortuite ?

C’était le silence. On attendait sans même pressentir ce qu’on attendait. On attendait quelque chose et il ne se passait rien !

L’aiguille de l’horloge frémissait à chaque minute. Il y avait un léger grincement du mécanisme. Au début, on ne l’avait pas entendu. Maintenant, c’était un vacarme. Et même, le mouvement se décomposait en trois temps : un premier déclic ; l’aiguille qui se mettait en marche ; puis un déclic encore, comme pour la fixer à sa nouvelle place. Et la figure de l’horloge changeait ; l’angle obtus devenait peu à peu un angle aigu. Les deux aiguilles allaient se rejoindre.

Le garçon lançait des regards étonnés à cette table lugubre. Maurice Belloir, de temps en temps, avalait sa salive et Maigret n’avait pas besoin de le voir pour en avoir la certitude. Il l’entendait vivre, respirer, se crisper, bouger parfois les semelles avec précaution, comme dans une chapelle.

Les clients se raréfiaient. Les tapis rouges et les cartes disparaissaient des tables qui montraient leur marbre blafard. Le garçon sortit pour tirer les volets, tandis que la patronne rangeait les jetons par petites piles, selon leur valeur.

— Vous restez ?… questionna enfin Belloir d’une voix dont on reconnut à peine le timbre.

— Et vous ?…

— Je… je ne sais pas…

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Le pendu de Saint-Pholien отзывы

Отзывы читателей о книге Le pendu de Saint-Pholien, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*