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Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien

Читать бесплатно Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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Il avait laissé à Luzancy sa fausse bonhomie, sa rondeur, son sourire un peu contraint et, traits tirés, le regard sournois, il attendait.

Maigret s’occupa encore dans la pièce en feignant de se désintéresser de lui, mit des dossiers en ordre, téléphona à son chef pour lui demander un renseignement qui n’avait aucun rapport avec l’affaire.

Enfin, se campant devant Van Damme, il prononça :

— Où, quand et comment avez-vous connu le suicidé de Brême, voyageant avec un passeport au nom de Louis Jeunet ?…

L’autre tressaillit à peine. Mais il leva la tête en un geste décidé, répliqua :

— A quel titre suis-je ici ?

— Vous refusez de répondre à ma question ?

Van Damme rit, d’un rire nouveau, ironique, méchant.

— Je connais les lois aussi bien que vous, commissaire. Ou bien vous m’inculpez et j’attends de voir le mandat d’arrêt, ou bien vous ne m’inculpez pas et rien ne m’oblige à vous répondre.

» Dans le premier cas, le code prévoit que je puis attendre, pour parler, d’être assisté d’un avocat.

Maigret ne se fâcha pas, ne parut même pas contrarié par cette attitude. Au contraire ! Il regarda son compagnon avec curiosité, avec peut-être une certaine satisfaction.

Grâce à l’incident de Luzancy, Joseph Van Damme avait été forcé d’abandonner ses attitudes artificielles. Non seulement celles qu’il prenait devant Maigret, mais celles qu’il prenait devant le monde et jusque devant lui-même !

Il ne restait à peu près rien de l’homme d’affaires joyeux et superficiel de Brême, allant des grandes tavernes à son bureau moderne et de son bureau dans les restaurants réputés. Rien de sa légèreté de commerçant heureux en affaires, abattant la besogne et accumulant l’argent avec une allègre énergie, un appétit de gros viveur !

Il n’y avait plus qu’un visage buriné, à la chair sans couleur, et l’on eût juré qu’en une heure des poches avaient eu le temps de se former sous les paupières !

N’est-ce pas qu’une heure avant Van Damme était encore un homme libre qui, s’il avait quelque chose sur la conscience, gardait l’assurance que lui donnaient sa réputation, son argent, sa patente et son habileté ?

Il avait lui-même marqué cette différence.

A Reims, il offrait tournée sur tournée. Il tendait à son compagnon des cigares de luxe. Il commandait et le patron s’affairait pour lui plaire, téléphonait au garage en recommandant d’envoyer la voiture la plus confortable.

Il était quelqu’un !

A Paris, il avait refusé de payer la course. Il parlait du code. On le sentait prêt à discuter, à se défendre pied à pied, âprement, comme on défend sa tête.

Et il était furieux contre lui-même ! Son exclamation, après le geste des bords de la Marne, le prouvait !

Il n’avait rien prémédité. Il ne connaissait pas le chauffeur. Au moment de la panne, même, il n’avait pas pensé tout de suite au parti à en tirer.

Seulement au bord de l’eau… Ces remous… Les arbres qui passaient comme de simples feuilles mortes… Sottement, sans réfléchir, il avait donné ce coup d’épaule…

Il rageait ! Il devinait que son compagnon avait attendu ce geste.

Sans doute comprenait-il même qu’il était perdu et il n’en était que plus décidé à se défendre en désespéré.

Il voulut allumer un nouveau cigare et Maigret le lui prit de la bouche, le lança dans la charbonnière, en profita pour enlever le chapeau que Van Damme avait gardé sur la tête.

— Je vous préviens que j’ai à faire… Si vous ne vous décidez pas à m’arrêter selon les formes prévues, je vous prie de bien vouloir me rendre la liberté… Dans le cas contraire, je serais forcé de porter plainte pour séquestration arbitraire…

» J’aime mieux vous dire que, pour ce qui est du bain que vous avez pris, je nierai énergiquement… Vous avez fait un faux pas dans la glaise détrempée du chemin de halage… Le chauffeur affirmera que je n’ai pas cherché à m’enfuir, ce que j’aurais fait si j’avais vraiment tenté de vous noyer…

» Quant au reste, j’attends toujours de savoir ce que vous avez à me reprocher… Je suis venu à Paris pour affaires… Je le prouverai… Je suis allé ensuite à Reims voir un vieux camarade aussi honorablement connu que moi-même…

» J’ai eu la naïveté, vous ayant rencontré à Brême, où les Français sont rares, de vous prendre en amitié, de vous offrir à manger et à boire et enfin de vous ramener à Paris en voiture…

» Vous avez montré, à mes amis et à moi, la photographie d’un homme que nous ne connaissons pas… Il s’est tué !… C’est matériellement prouvé… Aucune plainte n’a été déposée, et par conséquent il n’y a pas d’action de justice régulière…

» C’est tout ce que j’ai à vous dire…

Maigret alluma sa pipe à l’aide d’un papier plié qu’il introduisit dans le poêle et laissa tomber :

— Vous êtes absolument libre…

Il ne put contenir un sourire, tant Van Damme fut décontenancé par cette trop facile victoire.

— Que voulez-vous dire ?

— Que vous êtes libre ! C’est tout ! J’ajoute que je suis prêt à vous rendre votre politesse et à vous offrir à dîner…

Il avait rarement été aussi gai. L’autre le regardait avec une stupeur teintée d’effroi, comme si chacune de ces paroles eût été lourde de menace déguisée. Il se leva, hésitant.

— Je suis libre de retourner à Brême ?…

— Pourquoi pas ? Vous venez de dire vous-même que vous ne vous êtes rendu coupable d’aucun délit…

Un instant, on put croire que Van Damme allait reprendre son assurance, sa gaieté, accepter peut-être l’invitation à dîner et expliquer son geste de Luzancy comme une maladresse ou un coup de folie.

Mais le sourire de Maigret fit fondre cette velléité d’optimisme. Il saisit son chapeau, le mit sur sa tête d’un geste sec.

— Combien vous dois-je pour la voiture ?

— Rien du tout… Trop heureux de vous avoir rendu service…

Les lèvres de l’homme ne frémissaient-elles pas ? Il ne savait comment se retirer. Il cherchait quelque chose à dire. Il finit par hausser les épaules et se diriger vers la porte en grommelant, sans qu’on pût savoir au juste à qui ou à quoi ce mot s’appliquait :

— Idiot !…

Dans l’escalier, où le commissaire, accoudé à la rampe, le regardait disparaître, il répétait encore la même chose.

Le brigadier Lucas passait, des dossiers à la main, se dirigeant vers le bureau du chef.

— Vite !… Ton chapeau… Ton pardessus… Suis ce bon-homme-là jusqu’au bout du monde s’il le faut…

Et Maigret prit les dossiers des mains de son subordonné.

Le commissaire venait de remplir un certain nombre de demandes d’information surmontées chacune d’un nom, qui, transmises aux diverses brigades, lui reviendraient avec des renseignements détaillés sur les intéressés, à savoir : Maurice Belloir, sous-directeur de banque, rue de Vesle, à Reims, originaire de Liège ; Jef Lombard, photograveur à Liège ; Gaston Janin, sculpteur, rue Lepic, à Paris, et Joseph Van Damme, commissionnaire en marchandises à Brême.

Il en était à la dernière fiche quand le garçon de bureau lui annonça qu’un homme demandait à être entendu au sujet du suicide de Louis Jeunet.

Il était tard. Les locaux de la Police judiciaire étaient à peu près déserts. Dans le bureau voisin, pourtant, un inspecteur tapait un rapport à la machine.

— Faites entrer !…

Le personnage qu’on introduisit s’arrêta à la porte, l’air gauche ou anxieux, et peut-être regrettait-il déjà sa démarche.

— Entrez !… Asseyez-vous…

Maigret l’avait jaugé. Il était grand et maigre, avec des cheveux très blonds, un visage mal rasé, des vêtements usés qui n’étaient pas sans rappeler ceux de Louis Jeunet. Un bouton manquait au pardessus, dont le col était gras, les revers poussiéreux.

A d’autres petits riens encore, à une certaine façon d’être, de s’asseoir, de regarder, le commissaire reconnaissait l’irrégulier qui, même s’il est en règle, ne peut surmonter son angoisse en face de la police.

— Vous venez à la suite de la publication du portrait par les journaux ?… Pourquoi ne vous êtes-vous pas présenté immédiatement ?… Il y a deux jours que la photographie a paru…

— Je ne lis pas les journaux… commença l’homme. C’est par hasard que ma femme en a rapporté un bout qui enveloppait ses commissions…

Maigret avait déjà été frappé quelque part par cette mobilité des traits, par ce frémissement continu des narines et surtout par ce regard inquiet, d’une inquiétude maladive.

— Vous connaissiez Louis Jeunet ?…

— Je ne sais pas… Le portrait est mauvais… Mais il me semble… Je crois que c’est mon frère…

Maigret poussa malgré lui un soupir de soulagement. Il lui sembla que, cette fois, tout le mystère allait s’éclaircir d’un seul coup. Et il alla se camper le dos au poêle, dans une pose qui lui était familière lorsqu’il était de bonne humeur.

— Dans ce cas, vous vous appelez Jeunet ?

— Non… Justement… C’est ce qui m’a fait hésiter à venir… C’est pourtant bien mon frère !… J’en suis sûr, maintenant que je vois une meilleure photo sur le bureau… Cette cicatrice, tenez !… Mais je ne comprends pas pourquoi il s’est tué, ni surtout pourquoi il a changé de nom…

— Quel est le vôtre ?…

— Armand Lecocq d’Arneville… J’ai apporté mes papiers…

Et cela encore, ce geste vers la poche pour y prendre un passeport crasseux, trahissait son irrégulier, habitué à être suspecté et à exhiber ses pièces d’identité.

— D’Arneville avec une minuscule ?… En deux mots ?…

— Oui…

— Vous êtes né à Liège… poursuivit le commissaire en jetant un-coup d’œil au passeport. Vous avez trente-cinq ans… Quelle est votre profession ?…

— Pour le moment, je suis garçon de bureau dans une usine d’Issy-les-Moulineaux… Nous habitons Grenelle, ma femme et moi…

— Vous êtes inscrit comme mécanicien…

— Je l’ai été… J’ai fait de tout…

— Même de la prison ! affirma Maigret en tournant les pages du livret. Vous êtes déserteur…

— Il y a eu amnistie… Je vais vous expliquer. Mon père avait de l’argent… Il dirigeait une affaire de pneus… Mais je n’avais que six ans quand il a abandonné ma mère, qui venait de donner le jour à mon frère Jean… Tout est venu de là !…

» Nous nous sommes installés dans un petit logement, rue de la Province, à Liège… Les premiers temps, mon père versait assez régulièrement une somme pour notre entretien…

» Il faisait la noce. Il avait des maîtresses… Une fois, quand il nous a apporté la mensualité, il y avait une femme dans l’auto qui attendait en bas…

» Il y a eu des scènes… Mon père a cessé de payer, ou bien il ne donnait que des acomptes… Ma mère a fait des ménages et peu à peu elle est devenue à moitié folle…

» Pas folle au point d’être internée… Mais elle abordait les gens pour leur raconter ses malheurs. Elle pleurait en marchant dans la rue…

» Je n’ai guère vu mon frère… Je courais avec les gamins du quartier… Dix fois on nous a conduits au commissariat de police… Puis j’ai été placé dans une quincaillerie…

» Je rentrais le moins possible à la maison, où ma mère pleurait toujours, attirait des vieilles femmes du voisinage pour se lamenter avec elles…

» A seize ans, je me suis engagé dans l’armée, en demandant d’être envoyé au Congo… Je n’y suis resté qu’un mois… Pendant huit jours, je me suis caché à Matadi, puis je me suis embarqué clandestinement à bord d’un paquebot qui rentrait en Europe…

» On m’a découvert… J’ai fait de la prison… Je me suis enfui et je suis venu en France, où j’ai exercé des tas de métiers…

» J’ai crevé de faim… J’ai couché aux Halles… Je n’ai pas toujours été bien reluisant, mais je vous jure que depuis quatre ans je suis sérieux…

» Même que je me suis marié !… Une ouvrière d’usine, qui continue à travailler, car je ne gagne pas lourd et il m’arrive de rester sans travail…

» Je n’ai jamais essayé de retourner en Belgique… Quelqu’un m’a dit que ma mère était morte dans un asile d’aliénés et que mon père vivait encore…

» Mais il n’a jamais voulu s’occuper de nous… Il a un second ménage…

Et l’homme eut un sourire oblique, comme pour s’excuser.

— Et votre frère ?…

— Ce n’est pas la même chose… Jean était sérieux… A l’école, il a obtenu une bourse et il a pu entrer au collège… Quand j’ai quitté la Belgique pour le Congo, il n’avait que treize ans et depuis je ne l’ai pas revu…

» J’ai eu quelquefois des nouvelles, car il m’arrive de rencontrer des Liégeois… Le collège fini, des gens se sont occupés de lui pour lui permettre de suivre les cours de l’Université…

» Il y a dix ans de cela… Par la suite, tous les compatriotes que j’ai vus m’ont dit qu’ils ne savaient rien de lui, qu’il avait dû gagner l’étranger, car on n’en entendait plus parler…

» Cela m’a porté un coup de voir la photographie, et surtout de penser qu’il était mort à Brême, sous un faux nom…

» Vous ne pouvez pas comprendre… Moi, je suis mal parti… J’ai raté… J’ai fait des bêtises…

» Mais, quand je me souviens de Jean, à treize ans… Il me ressemblait, avec quelque chose de plus calme, de plus sérieux… Il lisait déjà des vers… Il passait des nuits à étudier, tout seul, en s’éclairant de bouts de bougie qu’un sacristain lui donnait…

» J’étais sûr qu’il deviendrait quelque chose… Tenez ! tout gamin, il n’aurait pas couru les rues pour tout l’or du monde… Au point que les mauvais garçons du quartier se moquaient de lui !…

» Moi, j’avais toujours besoin d’argent et je n’hésitais pas à en réclamer à ma mère, qui se privait pour m’en donner… Elle nous adorait… A seize ans, on ne comprend pas… Mais je me souviens maintenant d’un jour que j’ai été odieux, parce que j’avais promis à une gamine de la conduire au cinéma…

» Ma mère n’avait pas d’argent… Je pleurais, je menaçais… Une œuvre venait de lui fournir des médicaments et elle est allée les revendre…

» Vous comprenez ?… Et voilà que c’est Jean qui est mort, comme ça, là-bas, sous un autre nom !…

» J’ignore ce qu’il a fait… Je n’arrive pas à croire qu’il a suivi la même route que moi… Vous penseriez ainsi si vous l’aviez connu enfant…

» Est-ce que vous savez quelque chose ?…

Maigret rendit le passeport à son interlocuteur.

— Connaissez-vous, à Liège, des Belloir, des Van Damme, des Janin, des Lombard ? questionna-t-il.

— Un Belloir, oui… Le père était médecin, dans notre quartier… Le fils faisait des études… Mais c’étaient des gens « bien », qui ne me regardaient pas…

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