Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien

Читать бесплатно Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

— Et les autres ?…

— J’ai déjà entendu le nom de Van Damme… Il me semble qu’il y avait, rue de la Cathédrale, une grande épicerie de ce nom… Mais c’est déjà si vieux !…

Et Armand Lecocq d’Arneville ajouta après une courte hésitation :

— Je pourrai voir le corps de Jean ?… On l’a ramené ?…

— Il arrivera à Paris demain…

— On est sûr qu’il s’est vraiment tué ?…

Maigret détourna la tête, gêné à l’idée qu’il en était plus que certain, qu’il avait assisté au drame, qu’il l’avait provoqué inconsciemment.

Son interlocuteur tortillait sa casquette, se balançait d’une jambe à l’autre, attendant qu’on lui donnât congé. Et ses yeux enfoncés dans les orbites, ses prunelles pareilles à de gris confetti perdues dans les paupières pâles rappelaient tellement les yeux humbles et anxieux du voyageur de Neuschanz que Maigret sentit dans sa poitrine un âcre pincement qui ressemblait à un remords.

VI

Les pendus

Il était neuf heures du soir. Maigret était chez lui, boulevard Richard-Lenoir, sans faux col, sans veston, et sa femme était occupée à coudre, quand Lucas entra, secoua ses épaules détrempées par la pluie qui tombait à seaux.

— L’homme est parti, dit-il. Comme je ne savais pas si je devais le suivre à l’étranger…

— Liège ?…

— C’est cela ! Vous êtes déjà au courant ? Il avait ses bagages à l’Hôtel du Louvre. Il y a dîné, s’est changé et a pris le rapide de 8h19 pour Liège… Billet simple de première classe… Il a acheté toute une pile de journaux illustrés à la bibliothèque de la gare…

— A croire qu’il le fait exprès de se jeter dans mes jambes ! grommela le commissaire. A Brême, alors que j’ignore même son existence, c’est lui qui se présente à la morgue, m’invite à déjeuner, s’accroche à moi… J’arrive à Paris : il y est quelques heures plus tôt ou plus tard… Probablement plus tôt, car il a voyagé en avion… Je me rends à Reims et il s’y trouve avant moi… Il y a une heure, j’ai décidé d’aller demain à Liège et l’y voilà dès ce soir !… Le plus fort, c’est qu’il sait parfaitement que je vais arriver et que sa présence là-bas est presque une charge contre lui !…

Et Lucas, qui ne connaissait rien de l’affaire, de supposer :

— Il veut peut-être attirer les soupçons sur lui pour sauver quelqu’un d’autre ?…

— Il s’agit d’un crime ? questionna paisiblement Mme Maigret sans cesser de coudre.

Mais son mari se leva en soupirant, regarda le fauteuil où il était si bien installé un instant auparavant.

— A quelle heure y a-t-il encore un train pour la Belgique ?

— Il n’y a plus que le train de nuit, à 21h30. Il arrive à Liège vers six heures du matin…

— Veux-tu préparer ma valise ? dit le commissaire à sa femme. Un verre de quelque chose, Lucas ?… Sers-toi !… Tu connais l’armoire… Je viens de recevoir de la prunelle que ma belle-sœur fait elle-même, en Alsace… C’est la bouteille à long col…

Il s’habilla, tira de la valise de fibre jaune le complet B et le mit, bien enveloppé, dans son sac de voyage. Une demi-heure plus tard, il sortait en compagnie de Lucas, qui questionnait, tandis que tous deux attendaient un taxi :

— Quelle est cette affaire ?… Je n’en ai pas entendu parler dans la maison…

— Et moi, je n’en sais pas beaucoup plus ! affirma le commissaire. Un drôle de gosse est mort, devant moi, bêtement, et il y a autour de ce geste-là un sacré grouillement que j’essaie de démêler… Je fonce là-dedans comme un sanglier et cela ne m’étonnerait pas si je finissais par me faire taper sur les doigts… Voici une voiture… Je te dépose en ville ?…

Il était huit heures du matin quand il quitta l’Hôtel du Chemin-de-Fer, en face de la gare des Guillemins, à Liège. Il avait pris un bain, s’était rasé, et il portait sous le bras un paquet qui contenait, non le complet B tout entier, mais le veston.

Il trouva la rue Haute-Sauvenière, une rue en pente, très animée, où il s’informa du tailleur Morcel. C’était une maison mal éclairée où un homme en manches de chemise saisit le veston, le tourna et le retourna longtemps entre ses mains tout en posant des questions.

— C’est un très vieux vêtement ! affirma-t-il après réflexion. Il est déchiré. On ne peut plus rien en tirer…

— Il ne vous rappelle rien ?

— Rien du tout… Le col est mal coupé… C’est de l’imitation de drap anglais, fabriquée à Verviers…

Et l’homme commençait à bavarder.

— Vous êtes Français ?… Ce veston appartient à quelqu’un que vous connaissez ?…

Maigret soupira, reprit l’objet tandis que son interlocuteur parlait toujours et finissait par où il eût dû commencer :

— Vous comprenez ! Moi, je ne suis installé ici que depuis six mois… Si j’avais fait ce costume-là, on n’aurait pas eu le temps de l’user…

— Et M. Morcel ?

— A Robermont !

— C’est loin d’ici ?

Le tailleur rit, ravi de la méprise, expliqua :

— Robermont, c’est le cimetière… M. Morcel est mort au début de l’année et c’est moi qui ai repris l’affaire…

Maigret se retrouva dans la rue, avec son paquet sous le bras. Il gagna la rue Hors-Château, une des plus anciennes de la ville, où au fond d’une cour, une plaque en zinc portait la mention : Photogravure Centrale − Jef Lombard − Travaux rapides en tous genres.

Les fenêtres, dans le style du Vieux-Liège, étaient à petits carreaux. Au milieu de la cour aux petits pavés inégaux se dressait une fontaine sculptée aux armes d’un grand seigneur de jadis.

Le commissaire sonna. Il entendit des pas qui descendaient du premier étage et une vieille femme entrouvrit l’huis, désigna une porte vitrée.

— Vous n’avez qu’à la pousser. L’atelier est tout au fond du corridor.

Une longue pièce, éclairée par une verrière, où deux hommes en blouse bleue circulaient parmi des plaques de zinc, des baquets pleins d’acides tandis que le sol était jonché d’épreuves des clichés, de papiers maculés d’encre grasse.

Des affiches tapissaient les murs. On y avait collé aussi des couvertures de journaux illustrés.

— M. Lombard ?…

— Il est au bureau, avec un monsieur… Passez par ici… Attention de ne pas vous salir !… Vous tournerez à gauche… C’est la première porte…

Ces bâtiments avaient dû être construits morceau par morceau. On montait et l’on descendait des marches. Des portes s’ouvraient sur des pièces abandonnées.

C’était à la fois archaïque et d’une étrange bonhomie, qui se retrouvait d’ailleurs chez la vieille qui, la première, avait accueilli Maigret et chez les ouvriers.

Arrivé dans un couloir mal éclairé, le commissaire entendit des éclats de voix, crut reconnaître le timbre de Joseph Van Damme, essaya de comprendre. Mais c’était trop confus. Il fit encore quelques pas et alors les voix se turent. Une tête passa par l’entrebâillement d’une porte : celle de Jef Lombard.

— C’est pour moi ? cria-t-il sans reconnaître le visiteur dans la pénombre.

Le bureau était une pièce plus petite que les autres, meublée d’une table, de deux chaises et de rayonnages pleins de clichés. Sur la table en désordre, on voyait des factures, des prospectus, des lettres à en-tête de diverses maisons de commerce.

Van Damme était assis sur un coin du bureau et, après un vague signe de tête à l’adresse de Maigret, il resta immobile, regardant droit devant lui d’un air renfrogné.

Jef Lombard était en tenue de travail, les mains sales, de petites taches noirâtres sur la figure.

— Vous désirez ?…

Il débarrassait une chaise encombrée de papiers, la poussait vers le visiteur, cherchait le bout de cigarette qu’il avait posé sur un rayon dont le bois commençait à brûler.

— Un simple renseignement, dit le commissaire sans s’asseoir. Je m’excuse de vous déranger. Je voudrais savoir si vous avez connu, voilà quelques années, un certain Jean Lecocq d’Arneville…

Il y eut nettement comme un déclic. Van Damme tressaillit, mais évita de se tourner vers Maigret. Quant au photograveur, il se baissa d’un geste brusque pour ramasser un papier froissé qui traînait par terre.

— J’ai… je crois que j’ai déjà entendu ce nom-là… murmura-t-il. C’est… c’est un Liégeois, n’est-ce pas ?…

Il était pâle. Il changea de place une pile de clichés.

— Je ne sais pas ce qu’il est devenu… Il… il y a si longtemps !…

— Jef !… Vite, Jef !…

C’était une voix de femme, dans le dédale des corridors. Une femme qui courait, essoufflée, et qui s’arrêta devant la porte ouverte, si émue que ses jambes tremblaient et qu’elle s’épongeait du coin de son tablier. Maigret reconnut la vieille qui l’avait reçu.

— Jef !…

Et lui, pâle d’émotion, les yeux brillants :

— Eh bien ?…

— Une fille !… Vite !…

Il regarda autour de lui, balbutia quelque chose d’indistinct et s’élança dehors en courant.

Les deux hommes restèrent seuls, et Van Damme, tirant un cigare de sa poche, l’alluma lentement, écrasa l’allumette du pied. Il avait les traits durs, comme à la Préfecture, le même pli des lèvres, le même mouvement des mâchoires.

Mais le commissaire feignit de ne pas s’apercevoir de sa présence et, les mains dans les poches, la pipe aux dents, commença à faire le tour du bureau en examinant les murs.

C’est à peine si, de-ci de-là, quelques centimètres de la tapisserie étaient encore visibles, car, partout où il n’y avait pas de rayons, des dessins, des eaux-fortes, des peintures étaient appliqués.

Les peintures n’étaient pas encadrées. C’étaient de simples toiles sur châssis, des paysages assez malhabiles où l’herbe et le feuillage des arbres étaient du même vert épais.

Quelques caricatures, signées Jef, parfois rehaussées d’aquarelle, parfois découpées dans un journal local.

Mais ce qui frappait Maigret, c’était l’abondance de dessins d’un autre genre, qui étaient des variations sur un même thème. Les papiers étaient jaunis. Quelques dates permettaient de situer à une dizaine d’années en arrière l’époque où ces croquis avaient été exécutés.

Ils étaient d’une autre facture, infiniment plus romantique, qui n’était pas sans rappeler la manière de Gustave Doré imitée par un débutant.

Un premier dessin à la plume représentait un pendu qui se balançait à une potence sur laquelle un énorme corbeau était perché. Et la pendaison était le leitmotiv d’une vingtaine d’œuvres au moins, au crayon, à la plume, à l’eau forte.

L’orée d’une forêt, avec un pendu à chaque branche d’arbre… Ailleurs, le clocher d’une église et, aux deux bras de la croix, sous le coq, un corps humain qui se balançait…

Il y avait des pendus de toutes sortes. Certains vêtus à la mode du XVIe siècle et formaient comme une Cour des Miracles où tout le monde se balançait à quelques pieds au-dessus de terre…

Il y avait un pendu loufoque, en haut-de-forme, en habit, la canne à la main, dont la potence était un bec de gaz…

Au-dessous d’un autre croquis, quelques lignes : quatre vers de la Ballade des Pendus, de Villon.

Des dates. Toujours la même époque ! Tous ces dessins macabres, faits dix ans plus tôt, voisinaient maintenant avec des croquis à légende pour journaux amusants, avec des dessins d’almanach, des paysages des Ardennes et des affiches publicitaires.

Le thème du clocher revenait, lui aussi. Et l’église tout entière ! Vue de face, de profil, d’en bas… Le portail, tout seul… Les gargouilles… Le parvis, avec ses six marches que la perspective rendait immenses…

La même église ! Et, pendant que Maigret allait d’un mur à l’autre, il sentait que Van Damme s’agitait, mal à l’aise, tourmenté peut-être par la même tentation qu’à l’écluse de Luzancy.

Un quart d’heure s’écoula ainsi, et Jef Lombard revint, les prunelles humides, en se passant la main sur le front que couvrait une mèche de cheveux.

— Vous m’excuserez… dit-il. Ma femme vient d’accoucher… Une fille…

Il y avait une pointe d’orgueil dans sa voix mais, tandis qu’il parlait, son regard allait avec angoisse de Maigret à Van Damme.

— C’est le troisième enfant… Et pourtant je suis aussi bouleversé que la première fois !… Vous avez vu ma belle-mère, qui en a eu onze et qui est en train de sangloter de joie… Elle est allée crier la bonne nouvelle aux ouvriers… Elle voulait les emmener voir la petite…

Son regard suivit le regard de Maigret, fixé sur les deux pendus du clocher, et il devint plus nerveux, il murmura avec une gêne visible :

— Des péchés de jeunesse… C’est très mauvais… Mais je croyais alors que je deviendrais un grand artiste…

— C’est une église de Liège ?…

Jef ne répondit pas tout de suite. Il dit enfin, comme à regret :

— Elle n’existe plus, depuis sept ans… On l’a abattue pour construire une église neuve… Elle n’était pas belle… Elle n’avait même aucun style… Mais elle était très vieille, avec quelque chose de mystérieux dans toutes ses lignes, dans les ruelles qui l’entouraient et qui ont été rasées depuis…

— Comment s’appelait-elle ?

— L’église Saint-Pholien… La nouvelle, qui se dresse à sa place, porte le même nom…

Joseph Van Damme s’agitait comme si tous ses nerfs lui eussent fait mal. Une agitation intérieure, qui ne se trahissait que par des mouvements à peine perceptibles, par une irrégularité dans la respiration, un frémissement des doigts, un balancement de la jambe appuyée au bureau.

— Vous étiez marié à cette époque ? questionna Maigret.

Lombard rit.

— J’avais dix-neuf ans !… Je suivais les cours de l’Académie… Tenez !…

Et il désigna, avec un regard nostalgique, un portrait raté, aux teintes mornes, où on le reconnaissait néanmoins, grâce à l’irrégularité caractéristique de ses traits. Ses cheveux lui tombaient sur la nuque. Il portait une tunique noire, boutonnée jusqu’au cou, sur laquelle une lavallière s’étalait.

Le tableau était d’un romantisme échevelé et il n’y manquait même pas la tête de mort traditionnelle dans le fond.

— Si vous m’aviez dit alors que je deviendrais photograveur !… ironisa Jef Lombard.

Il semblait aussi gêné par la présence de Van Damme que par celle de Maigret. Mais il ne savait évidemment pas comment leur donner congé.

Un ouvrier vint lui demander un renseignement au sujet d’un cliché qui n’était pas prêt.

— Qu’on revienne après midi !…

— Il paraît que c’est trop tard !

— Tant pis ! Dis-leur que j’ai une fille…

C’était un mélange trouble de joie, de nervosité, peut-être d’angoisse que trahissaient ses yeux, ses gestes, la pâleur de son teint piqueté de petites taches d’acide.

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Le pendu de Saint-Pholien отзывы

Отзывы читателей о книге Le pendu de Saint-Pholien, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*