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Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien

Читать бесплатно Simenon, Georges - Le pendu de Saint-Pholien. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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» Je ne sais pas comment vous expliquer… Et pourtant j’ai toujours senti que quelque chose n’allait pas !…

» Tenez ! Comme si, par exemple, Louis n’eût pas été de notre monde, comme si cette atmosphère, parfois, l’eût accablé…

» Il était très tendre…

Ses traits se brouillèrent. Elle fut presque belle tandis qu’elle avouait :

— Je ne pense pas que beaucoup d’hommes soient ainsi… Il me prenait tout à coup dans ses bras… Il me regardait dans les yeux, si profondément que cela faisait mal… Quelquefois il me repoussait alors d’un geste inattendu, que je n’ai vu faire que par lui, et il soupirait pour lui-même :

» — Pourtant, je t’aime bien, va, ma petite Jeanne !…

» C’était fini. Il s’occupait d’une chose ou de l’autre, sans se tourner vers moi, passait des heures à arranger un meuble, à me fabriquer un ustensile pratique, à réparer une horloge…

» Ma mère ne l’aimait pas beaucoup, justement parce qu’elle comprenait qu’il n’était pas comme un autre…

— N’avait-il pas, parmi ses effets, des objets qu’il gardait précieusement ?…

— Comment le savez-vous ?…

Elle eut un petit sursaut d’effroi, dit plus vite :

— Un vieux costume !… Une fois, il est rentré alors que je l’avais tiré d’une boîte en carton posée sur la garde-robe et que j’étais occupée à le brosser. J’allais même réparer les déchirures… Le costume aurait encore été bon à mettre dans la maison… Louis me l’a arraché des mains, s’est fâché, a crié des mots méchants, et, ce soir-là, on aurait juré qu’il me détestait…

» C’était un mois après notre mariage… Depuis lors…

Elle soupira, regarda Maigret avec l’air de s’excuser de n’avoir à lui faire qu’un si pauvre récit.

— Il est devenu plus étrange ?…

— Ce n’est pas sa faute, j’en suis sûre !… Je crois qu’il était malade… Il se rongeait… Quand, pendant une heure, nous avions été heureux dans la cuisine où nous nous tenions, je le voyais soudain changer… Il ne parlait plus… Il regardait les objets et moi-même avec un mauvais sourire… Puis il allait se jeter sur son lit sans me dire bonsoir…

— Il n’avait pas d’amis ?…

— Non ! Jamais personne n’est venu le voir…

— Il ne voyageait pas, ne recevait pas de correspondance ?…

— Non ! Et il n’aimait pas rencontrer des gens chez nous… Parfois une voisine qui n’avait pas de machine à coudre venait piquer sur la mienne et c’était le meilleur moyen de mettre Louis en colère…

» Pas une colère comme tout le monde en a… Quelque chose de rentré… Et c’était lui qui semblait souffrir !…

» Quand je lui ai annoncé que nous allions avoir un enfant, il m’a regardée avec des yeux de fou…

» C’est dès ce moment-là, et surtout après la naissance du petit, qu’il s’est mis à boire, par crises, par périodes…

» Et pourtant je sais qu’il l’aimait ! Il le regardait de temps en temps comme il me regardait au début, avec adoration…

» Le lendemain, il rentrait ivre, se couchait, fermait la porte de la chambre à clé et y passait des heures, des journées entières…

» Les premières fois, il m’a demandé pardon, en pleurant… Peut-être que, si maman ne s’en était pas mêlée, je serais parvenue à le garder… Mais ma mère a voulu le sermonner… Il y a eu des scènes…

» Surtout quand Louis restait deux ou trois jours sans aller travailler !…

» Les derniers temps, nous avons été tout à fait malheureux… Vous savez ce que c’est, n’est-ce pas ?… Il devenait de plus en plus méchant… Ma mère l’a mis deux fois à la porte en lui rappelant qu’il n’était pas chez lui…

» Je suis sûre, moi, qu’il n’était pas responsable !… Quelque chose le poussait, le poussait !… Il lui arrivait de me regarder encore, ou bien notre fils, avec des yeux que je vous ai dits…

» Seulement c’était plus rare… Cela ne durait pas… La dernière scène a été odieuse… Maman était là… Louis s’était servi de l’argent du comptoir et elle l’a traité de voleur… Il était tout pâle, avec des yeux rouges, comme dans ses mauvais jours… Il avait un regard de dément…

» Je le vois encore s’approcher de moi comme pour m’étrangler. J’ai crié, terrorisée :

» — Louis !…

» Et il est parti, en refermant la porte si fort que la vitre s’est brisée…

» Il y a deux ans de cela… Des voisines l’ont vu passer de temps en temps… Je me suis renseignée à son usine de Belleville, où l’on m’a répondu qu’il n’y travaillait plus…

» Mais quelqu’un l’a aperçu dans un petit atelier de la rue de la Roquette qui fabrique des pompes à bière…

» Moi, je l’ai revu une fois, voilà peut-être six mois, à travers la vitrine… Maman, qui vit à nouveau avec moi et le petit, était dans la boutique… Elle m’a empêchée de courir à la porte…

» Vous jurez qu’il n’a pas souffert, qu’il est mort sur le coup ?… C’était un malheureux, n’est-ce pas ? Vous devez le comprendre, maintenant…

Elle avait vécu son récit avec une telle intensité, son mari, en outre, avait eu tant d’emprise sur elle, qu’à son insu elle avait, en parlant, les expressions de physionomie qu’elle évoquait.

Comme au début, Maigret fut frappé par une ressemblance gênante entre cette femme et l’homme qui, à Brême, avait fait claquer ses doigts avant de se tirer une balle dans la bouche.

Mieux, cette fièvre dévorante qu’elle venait de décrire semblait l’avoir gagnée. Elle se taisait et tous ses nerfs continuaient à vibrer. Elle haletait à vide. Elle attendait quelque chose, sans savoir quoi.

— Il ne vous a jamais parlé de son passé, de son enfance ?…

— Non… Il ne parlait pas beaucoup… Je sais seulement qu’il est né à Aubervilliers… Et j’ai toujours pensé qu’il avait reçu une éducation au-dessus de sa situation… Il avait une belle écriture… Il connaissait le nom latin de toutes les plantes… Quand la mercière d’à côté avait une lettre difficile à écrire, c’est à lui qu’elle s’adressait…

— Et jamais vous n’avez vu sa famille ?

— Il m’a dit, avant notre mariage, qu’il était orphelin… Je voudrais encore vous demander quelque chose, monsieur le commissaire… Est-ce qu’on va le ramener en France ?…

Comme il hésitait à répondre, elle ajouta en détournant la tête pour cacher sa gêne :

— Maintenant, l’herboristerie est à ma mère… Et l’argent !… Je sais qu’elle ne voudra pas faire de frais pour rapatrier le corps… Ni me donner de quoi aller le voir !… Est-ce que, dans ce cas-là…

Sa gorge se serrait et elle se baissa rapidement pour ramasser son mouchoir tombé sur le plancher.

— Je ferai le nécessaire, madame, pour que votre mari soit ramené.

Elle lui adressa un sourire émouvant, écrasa une larme sur sa joue.

— Vous avez compris, je le sens !… Vous pensez comme moi, monsieur le commissaire !… Il n’était pas responsable !… C’était un malheureux !…

— Disposait-il de grosses sommes d’argent ?

— Rien que sa paie… Au début, il me rendait tout… Puis, quand il s’est mis à boire…

Un petit sourire encore, mais très triste, et pourtant miséricordieux.

Elle partit un peu plus calme, en serrant autour de son cou l’étroite fourrure tandis que sa main gauche étreignait toujours le sac et le journal plié menu.

Au 18, rue de la Roquette, Maigret trouva un hôtel de dernier ordre.

Cette partie de la rue se trouve à moins de cinquante mètres de la place de la Bastille. La rue de Lappe, avec ses bals musette et ses bouges, y débouche.

Chaque rez-de-chaussée est un bistrot, chaque maison un hôtel que hantent des rôdeurs, d’éternels sans-travail, des émigrants et des filles.

Cependant, dans cet inquiétant refuge de la pègre, quelques ateliers sont encastrés où, toutes portes ouvertes, on manie le marteau, le chalumeau oxhydrique, dans un va-et-vient de lourds camions.

Et c’est un contraste violent entre la vie active, les ouvriers réguliers, les employés qui s’affairent, lettres de voiture à la main, et les silhouettes sordides ou insolentes qui flânent alentour.

— Jeunet ! grommela le commissaire en poussant la porte du bureau de l’hôtel, situé à l’entresol.

— N’est pas ici !

— Il a toujours sa chambre ?

On avait flairé la police. On répondait avec mauvaise humeur.

— Le 19, oui !

— A la semaine ?… Au mois ?…

— Au mois !

— Vous avez du courrier pour lui ?

On commença par ruser. En fin de compte, on remit à Maigret le paquet que Jeunet s’était envoyé à lui-même de Bruxelles.

— Il en recevait beaucoup de semblables ?

— Des fois…

— Jamais d’autre correspondance ?…

— Non !… Peut-être qu’en tout il a reçu trois paquets… Un homme tranquille… Je ne vois pas pourquoi la police lui cherche des misères…

— Il travaillait ?…

— Au 65, dans la rue…

— Régulièrement ?…

— Cela dépendait… Des semaines oui… Des semaines non…

Maigret exigea la clé de la chambre. Mais il n’y trouva rien, qu’une paire de chaussures hors d’usage – la semelle s’était complètement séparée de l’empeigne – un tube qui avait contenu de l’aspirine et une combinaison de mécanicien jetée dans un coin.

En descendant, il questionna à nouveau le gérant, apprit que Louis Jeunet ne recevait personne, qu’il ne fréquentait pas les femmes et qu’à peu de chose près il avait une existence monotone, hormis quelques voyages qui duraient trois ou quatre jours.

Mais on ne loge pas dans un de ces hôtels, dans ce quartier, s’il n’y a pas une fissure quelconque ! Le gérant le savait aussi bien que Maigret. Il grogna en fin de compte :

— Ce n’est pas ce que vous pensez… Lui, c’était la boisson !… Et encore par crises… Des neuvaines, comme nous disions, ma femme et moi… Il était trois semaines sérieux à aller à son travail tous les jours… Puis, pendant tout un temps, il buvait jusqu’à en tomber raide sur son lit…

— Il n’y avait rien de suspect dans son attitude ?

Mais l’homme haussa les épaules, comme pour dire que, dans son établissement, il ne venait que des gens suspects.

Au 65, on fabriquait des machines à soutirer la bière, dans un vaste atelier ouvert sur la rue. Maigret fut reçu par un contremaître qui avait déjà vu le portrait de Jeunet dans le journal.

— J’allais justement écrire à la police, dit-il. Il travaillait encore ici la semaine dernière… Un garçon qui gagnait huit francs cinquante par heure !

— Quand il travaillait !

— Vous êtes au courant ?… Quand il travaillait, oui !… Il y en a beaucoup comme ça… Mais, en général, les autres boivent régulièrement un coup de trop, ou bien se paient une bonne cuite le samedi… Lui, c’était tout à coup, sans qu’on puisse le prévoir, qu’il se soûlait des huit jours d’affilée… Une fois qu’il y avait du travail urgent, je suis allé le voir dans sa chambre… Eh bien ! il buvait, là, tout seul, à même la bouteille posée par terre à côté du lit… Ça n’était pas gai, je vous jure !

A Aubervilliers, rien ! Un Louis Jeunet, fils de Gaston Jeunet, journalier, et de Berthe, Marie Dufoin, domestique, était inscrit sur les registres d’état civil. Gaston Jeunet était décédé dix ans plus tôt. Sa femme avait quitté la région.

Quant à Louis Jeunet, on ne savait rien de lui, sinon que six ans auparavant il avait écrit de Paris pour réclamer un extrait d’acte de naissance.

N’empêche que le passeport était faux, que par conséquent l’homme qui s’était tué à Brême, après avoir épousé l’herboriste de la rue Picpus et en avoir eu un fils, n’était pas le vrai Jeunet !

Les sommiers de la Préfecture ne révélèrent rien non plus. Aucune fiche au nom de Jeunet, aucune dont les empreintes digitales correspondissent avec celles du mort, relevées en Allemagne.

Donc, le désespéré n’avait jamais eu de comptes à rendre à la justice, ni en France ni à l’étranger, car on consulta les fiches transmises par la plupart des nations européennes.

On ne pouvait remonter qu’à six ans en arrière. On trouvait alors un Louis Jeunet, fraiseur, qui travaillait et menait l’existence d’un bon ouvrier.

Il se mariait. Il possédait déjà ce complet B qui provoquait sa première scène avec sa femme et qui, des années plus tard, devait être la cause de sa mort.

Il ne fréquentait personne, ne recevait pas de courrier. Il paraissait connaître le latin et par le fait avoir reçu une instruction au-dessus de la moyenne.

Dans son bureau, Maigret rédigea une note pour réclamer le corps à la police allemande, expédia quelques affaires courantes et, l’air buté, saumâtre, ouvrit une fois de plus la valise jaune dont l’expert de Brême avait si soigneusement étiqueté le contenu.

Il y ajouta le paquet des trente billets belges, s’avisa soudain d’en faire sauter la ficelle et copia les numéros des billets, en adressa la liste à la Sûreté bruxelloise, à qui il demanda d’en rechercher la provenance.

Il faisait tout cela lourdement, l’air appliqué, comme s’il eût voulu se donner l’illusion qu’il se livrait à un travail utile.

Mais de temps en temps son regard se posait avec une sorte de rancune sur les photographies étalées, et sa plume restait en suspens tandis qu’il mordillait le tuyau de sa pipe.

Il allait partir à regret, rentrer chez lui et remettre la suite de l’enquête au lendemain, quand on lui annonça que Reims l’appelait au téléphone.

C’était au sujet du portrait publié par les journaux. Le patron du Café de Paris, rue Carnot, affirmait avoir vu l’homme dont il s’agissait dans son établissement, six jours plus tôt, et, s’il s’en souvenait, c’est qu’il avait dû en fin de compte refuser à boire à son client déjà ivre.

Maigret hésita. Pour la seconde fois, il était question de Reims, d’où provenaient les souliers du mort.

Or, ces souliers, très usés, avaient été achetés plusieurs mois auparavant. Donc, ce n’était pas accidentellement que Louis Jeunet se rendait dans cette ville.

Une heure plus tard, le commissaire prenait place dans l’express de Reims, où il arrivait à dix heures du soir. Le Café de Paris, assez luxueux, était rempli de gens de la bonne bourgeoisie. Trois billards étaient occupés. A plusieurs tables, on jouait aux cartes.

C’était le café traditionnel de la province française, où les clients serrent la main de la caissière et où les garçons appellent familièrement les consommateurs par leur nom. Des notables de la ville. Des représentants de commerce.

Et, de place en place, des boules nickelées contenant des torchons.

— Je suis le commissaire à qui vous avez téléphoné tout à l’heure…

Debout près du comptoir, le patron surveillait le personnel, tout en donnant des avis aux joueurs de billard.

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