Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas

Читать бесплатно Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

— Un hasard, et n’importe qui pouvait entendre, tout apprendre du même coup… Fallut était fou d’angoisse…

— J’ai vu son geste pour happer Jean-Marie par les épaules, mais, au lieu de le saisir, il l’a fait tomber en avant…

— C’est tout… Il y a de ces fatalités… La tête a porté sur un cabestan… J’ai entendu un bruit effrayant, un son mat… Le crâne

Il se passa les deux mains sur le visage. Il était livide. La sueur ruisselait sur son front.

— Un paquet de mer a balayé le pont à ce moment… Si bien que c’est sur une forme toute mouillée que le capitaine s’est penché… En même temps il m’a aperçu… Sans doute oubliai-je de me cacher ?… J’ai fait quelques pas en avant… Je suis arrivé à temps pour voir le corps du gosse se recroqueviller, puis se raidir dans un mouvement que je n’oublierai jamais…

— Mort… Bêtement !… Et nous, nous regardions sans comprendre, sans parvenir à réaliser cette chose épouvantable…

— Personne n’avait rien vu, rien entendu… Fallut n’osait pas toucher l’enfant… C’est moi qui tâtai la poitrine, les mains, la tête fêlée… Pas de sang… Pas de plaie… C’était le crâne qui s’était fendu…

— Nous sommes peut-être restés un quart d’heure là, sans savoir que faire, lugubres, les épaules glacées, tandis que des embruns nous sautaient parfois au visage…

— Le capitaine n’était plus le même homme. On eût dit qu’en lui aussi il y avait quelque chose de cassé…

— Quand il a parlé, il l’a fait d’une voix incisive, sans chaleur.

— Il ne faut pas que l’équipage apprenne la vérité !… Pour la discipline !…

— Et c’est lui, devant moi, qui a soulevé le gamin… Il n’y avait qu’un geste à faire… Tenez ! Je me souviens qu’il lui a tracé, du pouce, une croix sur le front…

— Le corps, emporté par la mer, a heurté deux fois la coque. Nous étions toujours debout l’un et l’autre dans l’obscurité. Nous n’osions pas nous regarder. Nous n’osions pas parler…

Maigret venait d’allumer sa pipe, dont il serrait fortement le tuyau entre ses dents.

Une infirmière entra. Les deux hommes la regardèrent avec des yeux tellement absents, qu’elle se troubla, balbutia :

— C’était pour la température…

— Tout à l’heure !

Et, la porte refermée, le commissaire murmura :

— C’est alors qu’il vous a parlé de sa maîtresse ?

— Dès ce moment, il n’a plus jamais été le même… Il ne devait pas être fou à proprement parler… Mais il y avait quelque chose de faussé… Il a commencé par me toucher l’épaule… Il a murmuré :

— À cause d’une femme, jeune homme !…

— J’avais froid. J’étais fiévreux. Je ne pouvais m’empêcher de regarder la mer du côté où le corps avait été emporté…

— On vous a parlé du capitaine ?… Il était petit et sec, avec un visage énergique… Et il parlait volontiers par petites phrases inachevées…

— Voilà !… Cinquante-cinq ans… La retraite proche… Une réputation solide… Quelques économies… Fini !… Sapé !… En une minute !… En moins d’une minute… À cause d’un gamin qui… Ou plutôt à cause d’une fille…

— Et comme ça, dans la nuit, d’une voix sourde, rageuse, il m’a tout dit, bribe par bribe… Une femme du Havre… Une femme qui ne devait pas valoir grand-chose, il s’en rendait compte… Mais il ne pouvait plus s’en passer…

— Il l’avait emmenée… Et il avait eu au même moment la sensation que sa présence provoquerait des drames…

— Elle était là… Elle dormait…

Le télégraphiste s’agitait.

— Je ne sais pas tout ce qu’il m’a raconté… Car il éprouvait le besoin de parler d’elle… Avec haine et passion tout ensemble…

— Un capitaine n’a pas le droit de déclencher un scandale susceptible de ruiner son autorité…

— J’entends encore ces mots-là… C’était la première fois que je naviguais… Et je considérais maintenant la mer comme un monstre qui allait nous happer tous…

— Fallut me citait des exemples… En telle année, un capitaine qui avait emmené sa maîtresse… Il y avait eu de telles rixes à bord que trois hommes n’étaient pas revenus…

— Il ventait… Les embruns succédaient aux embruns… Parfois une lame venait lécher nos pieds qui glissaient sur le métal gras du pont…

— Il n’était pas fou, non !… Mais il n’était quand même plus Fallut…

— Finir seulement la campagne !… Après, on verra…

— Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Il me paraissait à la fois respectable et fantasque, raccroché au sentiment du devoir.

— Il ne faut pas qu’on sache… Un capitaine ne peut pas avoir tort…

— J’étais malade d’énervement. Je ne pouvais plus penser. Les idées se brouillaient dans ma tête et, à la fin, c’était un vrai cauchemar que je vivais debout…

— Cette femme, dans la cabine, cette femme dont un homme comme le capitaine était incapable de se passer… Cette femme dont le seul nom le faisait haleter…

— Moi, j’écrivais des lettres et des lettres à ma fiancée, mais je m’en étais séparé pour trois mois. Je ne connaissais pas ces transes… Et quand il me disait sa chair… ou son corps… je rougissais sans savoir pourquoi…

Maigret questionna lentement :

— Personne, hormis vous deux, à bord, n’a connu la vérité sur la mort de Jean-Marie ?

— Personne !

— Et c’est le capitaine qui, selon la tradition, a récité la prière des morts ?

— Au petit jour… Le temps était brouillé… On glissait dans une grisaille glaciale…

— L’équipage n’a rien dit ?

— Il y avait de drôles de regards, des chuchotements… Mais Fallut était plus volontaire que jamais et sa voix était devenue mordante… Il n’admettait plus la moindre réplique… Il se fâchait pour un regard qui ne lui plaisait pas… Il épiait les hommes, comme pour deviner le soupçon qui pourrait naître en eux…

— Et vous ?…

Le Clinche ne répondit pas. Il tendit le bras pour atteindre un verre d’eau qui se trouvait sur la table de nuit et il but goulûment.

— Vous avez rôdé de plus belle autour de la cabine, n’est-ce pas ?… Vous vouliez voir cette femme qui avait troublé à ce point le capitaine ?… C’est la nuit suivante ?…

— Oui… Je l’ai rencontrée un instant… Ensuite la nuit d’après… J’avais remarqué que la clef du poste de T.S.F. était la même que celle de la cabine… Le capitaine était de quart… Je suis entré, comme un voleur…

— Vous êtes devenu son amant ?…

Les traits du télégraphiste se durcirent.

— Je vous jure que vous ne pouvez pas comprendre !… Il régnait une atmosphère sans aucun rapport avec les réalités de tous les jours… Ce gosse… Et la cérémonie de la veille… N’empêche que quand j’y pensais c’était toujours la même image qui me revenait à l’esprit : celle d’une femme différente des autres, une femme dont le corps, dont la chair pouvaient rendre un homme si différent de lui-même…

— Elle vous a provoqué ?

— Elle était couchée, demi-nue…

Et il rougit violemment… Il détourna la tête.

— Combien de temps êtes-vous resté dans la cabine ?

— Peut-être deux heures… Je ne sais plus… Quand je suis sorti, les oreilles bourdonnantes, le capitaine était devant la porte… Il ne m’a rien dit… Il m’a regardé passer… J’ai failli me jeter à ses genoux, lui crier que ce n’était pas ma faute, lui demander pardon… Mais il avait un visage glacé… J’ai marché… J’ai regagné mon poste…

— J’avais peur… À partir de ce moment, j’ai toujours eu mon revolver chargé en poche, parce que j’étais persuadé qu’il allait me tuer…

— Il ne m’a jamais plus adressé la parole, sauf pour le service… Et encore ! la plupart du temps il me faisait porter des ordres écrits…

— Je voudrais mieux vous expliquer… J’en suis incapable… Chaque jour c’était pis… J’avais l’impression que tout le monde était au courant du drame…

— Le chef mécanicien rôdait, lui aussi, autour de la cabine… Et le capitaine y restait enfermé des heures durant…

— Les hommes nous regardaient avec des yeux interrogateurs, inquiets… Ils devinaient qu’il se passait quelque chose… Cent fois j’ai entendu parler du mauvais œil…

— Et je n’avais qu’une envie…

— Naturellement ! grommela Maigret.

Il y eut un silence. Le Clinche fixait le commissaire avec des yeux chargés de reproche.

— Il y a eu du vilain temps dix jours de suite… J’étais malade… Mais c’est à elle que je pensais… Elle était parfumée… Elle… Je ne peux pas vous dire !… Cela me faisait mal !… Oui !… Un désir capable de faire mal, capable de me faire pleurer de rage !… Surtout quand je voyais le capitaine entrer dans la cabine !… Parce que, maintenant, j’imaginais des choses… Tenez !… Elle m’avait appelé son grand gosse… Avec une voix spéciale, un peu rauque !… Et je répétais ces deux mots-là pour me torturer… Je n’écrivais plus à Marie… J’échafaudais des rêves impossibles : fuir avec cette femme, dès l’arrivée à Fécamp…

— Le capitaine ?…

— Était toujours plus glacé, plus tranchant… Peut-être que, quand même, il y avait de la folie dans son cas… Je ne sais pas… Il a ordonné de pêcher quelque part et tous les vieux marins ont prétendu que jamais on n’avait vu un poisson dans ces parages… Il n’admettait pas de réplique !… Il avait peur de moi… Est-ce qu’il savait que j’étais armé ?… Il l’était aussi… Quand nous nous rencontrions, il portait la main à sa poche… J’ai essayé cent fois de revoir Adèle… Mais il était toujours là !… Avec des yeux cernés, des lèvres tirées !… Et l’odeur de morue… Les hommes qui salaient le poisson dans la cale… Les accidents, coup sur coup…

— Le chef mécanicien rôdait aussi… Si bien que plus personne ne se parlait franchement… Nous étions comme trois fous… Il y a des nuits où je crois que j’aurais tué quelqu’un pour la rejoindre… Comprenez-vous ça ?… Des nuits où je déchirais mon mouchoir avec les dents en répétant, avec sa voix :

— Mon grand gosse !… Grand imbécile !…

— Et c’était long ! Et les jours succédaient aux nuits ! Puis encore les jours !… Avec rien que de l’eau grise autour de nous, des brouillards froids, et des écailles et des entrailles de morue partout…

— Un goût écœurant de saumure dans la gorge…

— Rien qu’une fois !… Je crois que si j’avais pu la rejoindre une seule fois encore j’aurais été guéri !… Mais c’était impossible… Il était là !… Il était toujours là, avec ses yeux de plus en plus enfoncés…

— Ce roulis, tout le temps, cette vie sans horizon… Puis on a aperçu des falaises…

— Est-ce que vous imaginez que cela avait duré trois mois ?… Eh bien, au lieu d’être guéri, j’étais plus malade… Ce n’est que maintenant que je me rends compte que c’était une maladie…

— Je détestais le capitaine qui était toujours sur mon chemin… J’avais horreur de cet homme déjà vieux qui tenait enfermée une femme comme Adèle…

— J’avais peur de rentrer au port… J’avais peur de la perdre pour toujours…

— À la fin, il me faisait l’effet d’un démon ! Oui ! Une sorte de génie malfaisant, qui gardait cette femme pour lui seul…

— Il y a eu des fausses manœuvres à l’arrivée… Les hommes ont sauté à terre, soulagés, se sont précipités vers les bistrots… Je savais bien, moi, que le capitaine n’attendait que la solitude de la nuit pour faire sortir Adèle…

— Je suis rentré dans ma chambre, chez Léon… Il y avait des vieilles lettres, des portraits de ma fiancée et, je ne sais pourquoi, pris de fureur, j’ai brûlé tout ça…

— Je suis sorti… Je la voulais !… Je vous répète que je la voulais !… Est-ce qu’elle ne m’avait pas dit qu’au retour Fallut l’épouserait ?…

— Je me suis heurté à un homme…

Il se laissa tomber lourdement sur l’oreiller et tout son visage crispé exprima une douleur atroce.

— Puisque vous savez… râla-t-il.

— Oui… Le père de Jean-Marie… Le chalutier était à quai… Il n’y avait plus que le capitaine et Adèle à bord… Il allait la faire sortir… Alors…

— Taisez-vous !…

— Alors, vous avez dit à cet homme qui venait regarder le bateau où était mort son enfant que le gosse avait été assassiné… Est-ce vrai ?… Et vous l’avez suivi !… Vous étiez caché derrière un wagon quand il s’est approché du capitaine…

— Taisez-vous !…

— Le crime a eu lieu devant vous…

— Je vous en supplie !

— Non ! Vous y avez assisté ! Vous êtes monté à bord ! Vous avez fait sortir la femme…

— Je ne la voulais déjà plus !

Il y eut dehors un grand coup de sirène. Les lèvres de Le Clinche tremblèrent tandis qu’il bégayait :

— L’Océan

— Oui… Il appareille à marée haute…

Ils se turent. On entendait tous les bruits de l’hôpital, y compris le roulement très doux d’un, brancard qu’on poussait vers la salle d’opération.

— Je ne la voulais plus !… répéta convulsivement le télégraphiste.

— Seulement, il était trop tard…

Le silence à nouveau. Puis la voix de Le Clinche…

— Et pourtant… maintenant… je voudrais tant…

Il n’osa pas prononcer le mot qu’il avait sur la langue.

— Vivre ?…

Et l’autre, alors :

— Vous ne comprenez donc pas ?… J’ai été fou… Je ne comprends pas moi-même… C’était ailleurs, dans un autre monde… On est revenu ici et je me suis rendu compte… Dites !… Il y avait cette cabine noire… On tournait autour… Et plus rien n’existait d’autre… Il me semblait que c’était toute ma vie… Je voulais, entendre répéter encore mon grand gosse… Je ne pourrais même pas dire comment ça c’est passé… J’ai ouvert la porte… Elle est partie… Il y avait un homme en souliers jaunes qui l’attendait et ils se sont jetés dans les bras l’un de l’autre, sur le quai.

— Je me réveillais… C’est le mot le plus juste… Et, depuis lors, je voudrais ne pas mourir… Marie Léonnec est venue, avec vous… Adèle est venue aussi, en compagnie de cet homme…

— Mais qu’est-ce que vous vouliez que je dise ?…

— Il est trop tard, n’est-ce pas ?… On m’a relâché… Je suis allé chercher un revolver à bord… Marie m’attendait sur le quai… Elle ne savait pas…

— Et l’après-midi cette femme qui parlait… Et lui, l’homme aux souliers jaunes…

— Qui est-ce qui est capable de comprendre tout cela ?… J’ai tiré… Il m’a fallu des minutes et des minutes pour me décider… À cause de Marie Léonnec qui était là !…

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Au Rendez-vous des Terre-Neuvas отзывы

Отзывы читателей о книге Au Rendez-vous des Terre-Neuvas, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*