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Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas

Читать бесплатно Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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— Vous allez le rejoindre ?

Elle haussa les épaules dans un geste qui signifiait :

— Pourquoi pas ?

Elle eut pourtant une sorte de retour de coquetterie. Au moment de quitter Maigret, elle murmura avec un sourire maladroit :

— Je vous remercie, monsieur le commissaire… Vous avez été bon pour moi… Je…

Elle n’osait pas aller jusqu’au bout. C’était une invitation, une promesse.

— Ça va ! Ça va ! grommela-t-il en s’éloignant.

Et il poussa la porte du Rendez-Vous des Terre-Neuvas.

À l’instant où il mettait la main sur le bec-de-cane, on entendait nettement une rumeur à l’intérieur du café, comme si une douzaine d’hommes parlaient à la fois.

L’huis ouvert, ce fut d’un seul coup, sans transition, le silence le plus absolu. Et pourtant ils étaient plus de dix dans la salle, en deux ou trois groupes qui devaient auparavant s’interpeller de table à table.

Le patron vint au-devant de Maigret à qui il serra la main, non sans une certaine gêne.

— C’est vrai, ce que l’on raconte ?… Le Clinche s’est tiré une balle de revolver ?…

Les consommateurs buvaient, par contenance. Il y avait là P’tit Louis, le nègre, le Breton, le chef mécanicien du chalutier, quelques autres encore, que le commissaire avait fini par connaître de vue.

— C’est vrai ! fit Maigret.

Et il remarqua que le chef mécanicien s’agitait, soudain mal à l’aise, sur la banquette de molesquine.

— Une fameuse campagne ! grogna quelqu’un dans un coin, avec un accent normand très prononcé.

Et ces mots-là devaient assez bien traduire l’opinion générale, car des têtes se baissèrent, un poing frappa une table de marbre tandis qu’une voix faisait écho :

— Une campagne de malheur, oui !…

Mais Léon toussa pour rappeler ses clients à la prudence, leur désigna un marin en vareuse rouge qui buvait tout seul dans un coin.

Maigret alla s’asseoir près du comptoir, commanda une fine à l’eau.

On ne parlait plus. Chacun cherchait une contenance. Et Léon, en metteur en scène habile, proposait au groupe le plus important :

— Vous voulez les dominos ?…

C’était un moyen de faire du bruit, d’occuper les mains. Les dominos à dos noir furent mélangés sur le marbre de la table. Le patron s’asseyait près du commissaire.

— Je les ai fait taire, souffla-t-il, parce que le type qui est dans le coin à gauche, près de la fenêtre, est le père du gosse… Vous comprenez ?…

— Quel gosse ?…

— Le mousse… Jean-Marie… Celui qui est passé par-dessus bord, le troisième jour…

L’homme tendait l’oreille. S’il n’avait pas entendu les mots, il avait compris qu’il était question de lui. Il fit signe à la fille de salle de lui remplir son verre et le vida d’un trait, avec un sursaut de dégoût.

Il était déjà ivre. Ses yeux à fleur de tête, d’un bleu clair, étaient glauques. Une chique de tabac gonflait sa joue gauche.

— Il fait Terre-Neuve aussi ?…

— Il l’a fait, autrefois… Maintenant qu’il a sept enfants, il fait le hareng, l’hiver, car les campagnes sont moins longues : un mois d’abord, puis toujours moins à mesure que le poisson descend vers le sud…

— Et l’été ?

— Il pêche pour son compte, pose des tramails, des casiers à homard…

L’homme était sur la même banquette que Maigret, à l’autre bout. Mais le commissaire l’observait dans une glace.

Il était court, large d’épaules. C’était le type même du marin du Nord, trapu, grassouillet, sans cou, la chair rose, le poil blond. Comme la plupart des pêcheurs, il avait les mains couvertes de cicatrices de furoncles.

— Il boit toujours autant ?

— Ils boivent tous… Mais c’est surtout depuis que le gosse est mort qu’il s’enivre… Ça lui a donné un fameux coup de revoir l’Océan

Maintenant l’homme les regardait d’un air effronté.

— Qu’est-ce que vous me voulez ? bégaya-t-il à l’adresse de Maigret.

— Rien du tout…

Tous les matelots suivaient la scène, sans cesser leur partie de dominos.

— …Parce qu’il faudrait le dire !… J’ai pas le droit de boire, peut-être ?…

— Mais si !

— Dites que je n’ai pas le droit de boire… répéta-t-il avec une obstination d’ivrogne.

Le regard du commissaire tomba sur le brassard noir qu’il portait sur sa vareuse rouge.

— Alors qu’est-ce que vous avez à rôder et à parler de moi tous les deux ?…

Léon fit signe à Maigret de ne pas répondre, se dirigea vers son client.

— Allons ! Fais pas de scandale, Canut… C’est pas de toi que parle monsieur le commissaire, mais du gars qui s’est tiré une balle dans la peau…

— C’est bien fait pour lui !… Est-ce qu’il est mort ?…

— Non !… Peut-être qu’on le sauvera…

— Tant pis ! Ils devraient tous crever !…

Ces mots firent une forte impression. Tous les visages se tournèrent vers Canut. Et celui-ci éprouva le besoin de crier plus fort :

— Oui, tous, tant que vous êtes !…

Léon était inquiet. Il regardait tout le monde avec deux yeux suppliants, esquissait à l’adresse de Maigret un geste d’impuissance.

— Allons ! va te coucher… Ta femme t’attend…

— M’en fous !…

— Demain, tu n’auras pas encore le courage d’aller lever tes tramails…

L’ivrogne ricana. P’tit Louis en profita pour appeler Julie.

— Ça fait combien ?

— Les deux tournées ?

— Oui, tu les mettras à mon compte… C’est demain que je touche mon avance, avant de partir…

Il se leva, imité automatiquement par le Breton qui ne le quittait pas d’une semelle. Il toucha sa casquette. Il le fit une fois de plus dans la direction de Maigret.

— Des lâches ! grogna l’ivrogne tandis que les deux hommes passaient devant lui. Tous des lâches…

Le Breton serra les poings, faillit répondre, mais P’tit Louis l’entraîna.

— Va te coucher… répétait Léon. D’ailleurs, on va fermer…

— Je m’en irai quand tout le monde s’en ira… Je vaux autant qu’un autre, pas vrai ?…

Et il cherchait Maigret du regard. On eût dit qu’il voulait provoquer une discussion.

— C’est comme ce gros-là… Qu’est-ce qu’il veut y comprendre ?…

C’était du commissaire qu’il parlait. Léon était sur des charbons ardents. Les derniers consommateurs attendaient, sûrs qu’il allait se passer quelque chose.

— Tiens ! j’aime encore mieux m’en aller… Qu’est-ce que je dois ?…

Il fouilla sous sa vareuse, d’où il tira une pochette de cuir, jeta des coupures graisseuses sur la table, se leva, vacilla, gagna la porte qu’il eut de la peine à ouvrir.

Il grommelait des choses indistinctes, des injures ou des menaces. Dehors, il colla d’abord son visage à la vitre, pour regarder Maigret une ; dernière fois, et son nez s’épatait sur la glace embuée.

— Ça lui a porté un coup… soupira Léon en reprenant sa place. Il n’avait qu’un fils… Tous ses autres gosses sont des filles… Autant dire que ça ne compte pas…

— Qu’est-ce qu’on raconte ici ? questionna Maigret.

— Du télégraphiste ?… Ils ne savent pas… Alors ils inventent… Des histoires à dormir debout…

— Quoi ?

— Je ne sais pas… Toujours le mauvais œil

Maigret sentit un regard vif fixé sur lui. C’était celui du chef mécanicien, assis juste à la table d’en face.

— Votre femme n’est plus jalouse ? lui demanda-t-il.

— Du moment qu’on part demain, je voudrais bien voir qu’elle me bouclerait à Yport !…

— L’Océan appareille demain ?

— Avec la marée, oui ! Si vous croyez que les armateurs vont le laisser moisir dans le bassin…

— Ils ont trouvé un capitaine ?

— Un retraité, qui n’a plus navigué depuis huit ans ! Et encore ! Il commandait un trois-mâts barque !… Ce sera joli…

— Et le télégraphiste ?

— Un gamin qu’on est allé chercher à l’école… Aux Arts et Métiers, qu’ils appellent ça…

— Le second officier est revenu ?

— On l’a rappelé par télégraphe… Il arrivera demain matin…

— Les hommes ?…

— Toujours la même chose ! On ramasse ce qui traîne dans le port… C’est toujours bon, n’est-ce pas ?…

— On a trouvé un mousse ?…

L’autre lui lança un regard aigu.

— Oui ! laissa-t-il tomber sèchement.

— Et vous êtes content de partir ?

Pas de réponse. Le chef mécanicien commanda un nouveau grog. Et Léon dit à mi-voix :

— On vient de recevoir des nouvelles du Pacific, qui devait rentrer cette semaine… C’est un bateau de la même série que l’Océan… Il s’est englouti en moins de trois minutes, après s’être éventré sur une roche… Tous les hommes sont perdus. J’ai là-haut la femme du second officier, qui est arrivée de Rouen pour attendre son mari… Elle passe ses journées sur la jetée… Elle ne sait encore rien… La compagnie attend confirmation pour annoncer la nouvelle…

— C’est la série ! grommela le chef mécanicien qui avait entendu.

Le nègre bâillait, se frottait les yeux, mais ne songeait pas à s’en aller. Les dominos abandonnés formaient un dessin compliqué sur le rectangle gris de la table.

— En somme, dit lentement Maigret, personne ne sait pourquoi le télégraphiste a tenté de se tuer ?

Ces mots ne rencontrèrent qu’un silence obstiné. Est-ce que tous ces hommes savaient ? Est-ce qu’ils poussaient à ce point cette sorte de franc-maçonnerie des gens de mer, qui n’aiment pas voir les terriens s’occuper de leurs affaires ?

— Qu’est-ce que je vous dois, Julie ?

Il se leva, paya, gagna lourdement la porte. Dix regards le suivaient. Il se retourna mais ne rencontra que des visages hermétiques ou hargneux. Léon lui-même, malgré toute sa bonne volonté de bistrot, faisait corps avec ses clients.

La marée était basse. Du chalutier, on ne voyait que la cheminée et les mâts de charge. Les wagons avaient disparu. Le quai était désert.

Une barque de pêche, son feu blanc balancé au bout du mat, s’éloignait lentement vers les jetées et l’on entendait deux hommes qui parlaient.

Maigret bourra une dernière pipe, regarda la ville, les tours de la Bénédictine au pied desquelles les murs sombres étaient ceux de l’hôpital.

Les fenêtres du Rendez-Vous des Terre-Neuvas trouaient le quai de deux rectangles lumineux.

La mer était calme. On n’entendait qu’un faible murmure d’eau vive léchant les galets et les pilotis des jetées.

Le commissaire était tout au bord du quai. D’épaisses aussières, celles-là mêmes qui retenaient l’Océan, étaient lovées autour des bittes de bronze.

Il se pencha. Des hommes fermaient les panneaux des cales où, pendant la journée, on avait emmagasiné le sel. Il y en avait un tout jeune, plus jeune que Le Clinche, en costume de ville, qui regardait travailler les marins, accoudé à la cabine de télégraphiste.

Ce devait être le successeur de celui qui, tout à l’heure, s’était tiré une balle dans le ventre. Il fumait une cigarette, à petites bouffées nerveuses.

Il arrivait de Paris, de l’École. Il était ému. Peut-être faisait-il des rêves d’aventures.

Maigret ne parvenait pas à s’en aller. Il était retenu par le sentiment que le mystère était tout près, à sa portée, qu’il n’y avait plus qu’un effort à faire…

Soudain, il se retourna, parce qu’il sentait une présence étrangère derrière lui. Dans l’obscurité, il aperçut une vareuse rouge, un brassard noir.

L’homme ne l’avait pas vu, ou bien n’avait pas fait attention à lui. Il marchait jusqu’à l’extrême bord du quai et c’était miracle que, dans son état, il ne tombât pas dans le vide.

Le commissaire ne le voyait plus que de dos. Il avait l’impression que, pris de vertige, l’ivrogne allait se jeter sur le pont du chalutier.

Mais non ! Il parlait tout seul. Il ricanait. Il tendait le poing.

Puis il crachait, une fois, deux fois, trois fois sur le navire. Il crachait pour exprimer tout son dégoût.

Après quoi, soulagé sans doute, il s’en allait, non vers sa maison qui se trouvait dans le quartier des pêcheurs, mais vers la basse ville où l’on devinait un bouge encore éclairé.

9

Deux hommes sur le pont

Il y eut une note grêle, du côté de la falaise : l’horloge de la Bénédictine qui sonnait une heure.

Maigret marchait vers l’Hôtel de la Plage, les mains derrière le dos, mais, à mesure qu’il avançait, son pas devenait plus lent et il finit par s’arrêter tout à fait, au beau milieu du quai.

Devant c’était l’hôtel, sa chambre, son lit, un ensemble paisible et rassurant.

Derrière… Il se retourna. Il revit la cheminée du chalutier qui fumait doucement, car on avait allumé les feux. Fécamp était endormi. Il y avait une grande flaque de lune au milieu du bassin. La brise se levait, arrivait du large, presque glacée, comme l’haleine de la mer.

Alors Maigret fit demi-tour, lourdement, à regret. Il enjamba à nouveau des cordages lovés aux bittes, se retrouva debout au bord du quai, les yeux braqués sur l’Océan.

Ses yeux étaient tout petits, sa bouche menaçante, ses poings au fond des poches.

C’était le Maigret solitaire, mécontent, replié sur lui-même qui s’obstine, sans souci du ridicule.

La marée était basse. Le pont du chalutier était à quatre ou cinq mètres en dessous du niveau du sol. Mais une planche avait été jetée du quai à la passerelle de commandement. Une planche mince, étroite.

Le bruit du ressac devenait plus distinct. Le flux devait commencer, tandis que l’eau blanchâtre rongeait peu à peu les galets de la plage.

Maigret s’engagea sur la planche qui forma un arc de cercle quand il pesa en son milieu. Ses semelles crissèrent sur la passerelle de fer. Mais il n’alla pas plus loin. Il se laissa tomber sur le banc de quart, face à la roue du gouvernail, au compas duquel pendaient les grosses mitaines de mer du capitaine Fallut.

Ainsi des chiens viennent se camper, maussades, obstinés, devant un terrier où ils ont flairé quelque chose.

La lettre de Jorissen, son amitié pour Le Clinche, les démarches de Marie Léonnec n’étaient plus en cause. C’était maintenant une affaire personnelle.

Maigret avait recréé, pour lui, le capitaine Fallut. Il avait fait la connaissance du télégraphiste, d’Adèle, du chef mécanicien. Il s’était ingénié à sentir la vie du chalutier tout entier.

Et voilà que cela ne suffisait pas, que quelque chose lui échappait, qu’il avait l’impression de tout comprendre sauf, précisément, l’essence même du drame.

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