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Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut

Читать бесплатно Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut. Жанр: Иностранные языки издательство -, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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Tous s’en rirent bonnement, et le roi demanda : « Et que prends-tu, frère, quand tu chasses au gibier de rivière ? – Je prends tout ce que je trouve ; avec mes autours, les loups des bois et les grands ours ; avec mes gerfauts, les sangliers ; avec mes faucons, les chevreuils et les daims ; les renards, avec mes éperviers ; les lièvres, avec mes émerillons. Et quand je rentre chez qui m’héberge, je sais bien jouer de la massue, partager les tisons entre les écuyers, accorder ma harpe et chanter en musique, et aimer les reines, et jeter par les ruisseaux des copeaux bien taillés. En vérité ne suis-je pas bon ménestrel ? Aujourd’hui, vous avez vu comme je sais m’escrimer du bâton. » Et il frappe de sa massue autour de lui. « Allez-vous en d’ici, crie-t-il, seigneurs cornouaillais ! Pourquoi rester encore ? N’avez-vous pas déjà mangé ? N’êtes-vous pas repus ? » Le roi, s’étant diverti du fou, demanda son destrier et ses faucons et emmena en chasse chevaliers et écuyers. « Sire, lui dit Iseut, je me sens lasse et dolente. Permettez que j’aille reposer dans ma chambre ; je ne puis écouter plus longtemps ces folies ».

Elle se retira toute pensive en sa chambre, s’assit sur son lit et mena grand deuil : « Chétive ! pourquoi suis-je née ? J’ai le cœur lourd et marri. Brangien, chère sœur, ma vie est si âpre et si dure que mieux me vaudrait la mort ! Il y a là un fou, tondu en croix, venu céans à la male heure : ce fou, ce jongleur est enchanteur ou devin, car il sait de point en point mon être et ma vie ; il sait des choses que nul ne sait hormis vous, moi et Tristan ; il les sait, le truand, par enchantement et sortilège ». Brangien répondit : « Ne serait-ce pas Tristan lui-même ? – Non, car Tristan est beau et le meilleur des chevaliers ; mais cet homme est hideux et contrefait. Maudit soit-il de Dieu ! Maudite soit l’heure où il est né, et maudite la nef qui l’apporta, au lieu de le noyer là dehors, sous les vagues profondes ! – Apaisez-vous, dame, dit Brangien. Vous savez trop bien, aujourd’hui, maudire et excommunier. Où donc avez-vous appris tel métier ? Mais peut-être cet homme serait-il le messager de Tristan ? – Je ne crois pas, je ne l’ai pas reconnu. Mais allez le trouver, belle amie, parlez-lui, voyez si vous le reconnaîtrez ». Brangien s’en fut vers la salle où le fou, assis sur un banc, était seul resté. Tristan la reconnut, laissa tomber sa massue et lui dit : « Brangien, franche Brangien, je vous conjure par Dieu, ayez pitié de moi ! – Vilain fou, quel diable vous a enseigné mon nom ? – Belle, dès longtemps je l’ai appris ! Par mon chef, qui naguère fut blond, si la raison s’est enfuie de cette tête, c’est vous, belle, qui en êtes cause. N’est-ce pas vous qui deviez garder le breuvage que je bus sur la haute mer ? J’en bus à la grande chaleur, dans un hanap d’argent, et je le tendis à Iseut. Vous seule l’avez su, belle ; ne vous en souvient-il plus ? – Non ! » répondit Brangien, et, toute troublée, elle se rejeta vers la chambre d’Iseut ; mais le fou se précipita derrière elle, criant : « Pitié ! » Il entre, il voit Iseut, s’élance vers elle, les bras tendus, veut la serrer sur sa poitrine ; mais, honteuse, mouillée d’une sueur d’angoisse, elle se rejette en arrière, l’esquive, et, voyant qu’elle évite son approche, Tristan tremble de vergogne et de colère, se recule vers la paroi, près de la porte ; et de sa voix toujours contrefaite : « Certes, dit-il, j’ai vécu trop longtemps, puisque j’ai vu le jour où Iseut me repousse, ne daigne m’aimer, me tient pour vil ! Ah ! Iseut, qui bien aime, tard oublie ! Iseut, c’est une chose belle et précieuse qu’une source abondante qui s’épanche et court à flots larges et clairs : le jour où elle se dessèche, elle ne vaut plus rien : tel un amour qui tarit ». Iseut répondit : « Frère, je vous regarde, je doute, je tremble, je ne sais, je ne reconnais pas Tristan. – Reine Iseut, je suis Tristan, celui qui vous a tant aimée. Ne vous souvient-il pas du nain qui sema la farine entre nos lits ? et du bond que je fis et du sang qui coula de ma blessure ? Et du présent que je vous adressai, le chien Petit-Crû au grelot magique ? Ne vous souvient-il pas des morceaux de bois bien taillés que je jetais au ruisseau ? » Iseut le regarde, soupire, ne sait que dire et que croire, voit bien qu’il sait toutes choses, mais ce serait folie d’avouer qu’il est Tristan ; et Tristan lui dit : « Dame reine, je sais bien que vous vous êtes retirée de moi et je vous accuse de trahison. J’ai connu, pourtant, belle, des jours où vous m’aimiez d’amour. C’était dans la forêt profonde, sous la loge de feuillage. Vous souvient-il encore du jour où je vous donnai mon bon chien Husdent ? Ah ! celui-là m’a toujours aimé, et pour moi il quitterait Iseut la Blonde. Où est-il ? Qu’en avez-vous fait ? Lui, du moins, il me reconnaîtrait. – Il vous reconnaîtrait ? Vous dites folie ; car, depuis que Tristan est parti, il reste là-bas, couché dans sa niche, et s’élance contre tout homme qui s’approche de lui. Brangien, amenez-le moi ». Brangien l’amène. « Viens çà, Husdent, dit Tristan ; tu étais à moi, je te reprends ». Quand Husdent entend sa voix, il fait voler sa laisse des mains de Brangien, court à son maître, se roule à ses pieds, lèche ses mains, aboie de joie. « Husdent, s’écrie le fou, bénie soit, Husdent, la peine que j’ai mise à te nourrir ! Tu m’as fait meilleur accueil que celle que j’aimais tant. Elle ne veut pas me reconnaître : reconnaîtra-t-elle seulement cet anneau qu’elle me donna jadis, avec des pleurs et des baisers, au jour de la séparation ? Ce petit anneau de jaspe ne m’a guère quitté : souvent je lui ai demandé conseil dans mes tourments, souvent j’ai mouillé ce jaspe vert de mes larmes chaudes ».

Iseut a vu l’anneau. Elle ouvre ses bras tout grands : « Me voici ! Prends-moi, Tristan ! » Alors Tristan cessa de contrefaire sa voix : « Amie, comment m’as-tu si longtemps pu méconnaître, plus longtemps que ce chien ? Qu’importe cet anneau ? Ne sens-tu pas qu’il m’aurait été plus doux d’être reconnu au seul rappel de nos amours passées ? Qu’importe le son de ma voix ? C’est le son de mon cœur que tu devais entendre. – Ami, dit Iseut, peut-être l’ai-je entendu plus tôt que tu ne penses ; mais nous sommes enveloppés de ruses : devais-je comme ce chien suivre mon désir, au risque de te faire prendre et tuer sous mes yeux ? Je me gardais et je te gardais. Ni le rappel de ta vie passée, ni le son de ta voix, ni cet anneau même ne me prouvent rien, car ce peuvent être les jeux méchants d’un enchanteur. Je me rends pourtant, à la vue de l’anneau : n’ai-je pas juré que, sitôt que je le reverrais, dussé-je me perdre, je ferais toujours ce que tu me manderais, que ce fût sagesse ou folie ? Sagesse ou folie, me voici ; prends-moi, Tristan ! »

Elle tomba pâmée sur la poitrine de son ami. Quand elle revint à elle, Tristan la tenait embrassée et baisait ses yeux et sa face. Il entre avec elle sous la courtine. Entre ses bras il tient la reine. Pour s’amuser du fou, les valets l’hébergèrent sous les degrés de la salle, comme un chien dans un chenil. Il endurait doucement leurs railleries et leurs coups, car parfois, reprenant sa forme et sa beauté, il passait de son taudis à la chambre de la reine. Mais, après quelques jours écoulés, deux chambrières soupçonnèrent la fraude ; elles avertirent Andret, qui aposta devant les chambres des femmes trois espions bien armés. Quand Tristan voulut franchir la porte : « Arrière, fou, crièrent-ils, retourne te coucher sur ta botte de paille ! – Eh quoi, beaux seigneurs, dit le fou, ne faut-il pas que j’aille ce soir embrasser la reine ? Ne savez-vous pas qu’elle m’aime et qu’elle m’attend ? » Tristan brandit sa massue ; ils eurent peur et le laissèrent entrer. Il prit Iseut entre ses bras : « Amie, il me faut fuir déjà, car bientôt je serais découvert. Il me faut fuir et jamais sans doute je ne reviendrai. Ma mort est prochaine : loin de vous, je mourrai de mon désir. – Ami, ferme tes bras et accole-moi si étroitement que, dans cet embrassement, nos deux cœurs se rompent et nos âmes s’en aillent ! Emmène-moi au pays fortuné dont tu parlais jadis : au pays dont nul ne retourne, où des musiciens insignes chantent des chants sans fin. Emmène-moi ! – Oui, je t’emmènerai au pays fortuné des Vivants. Le temps approche ; n’avons-nous pas bu déjà toute misère et toute joie ? Le temps approche ; quand il sera tout accompli, si je t’appelle, Iseut, viendras-tu ? – Ami, appelle-moi ! Tu le sais, que je viendrai ! – Amie ! Que Dieu t’en récompense! » Lorsqu’il franchit le seuil, les espions se jetèrent contre lui. Mais le fou éclata de rire, fit tourner sa massue, et dit : « Vous me chassez, beaux seigneurs ; à quoi bon ? Je n’ai plus que faire céans, puisque ma dame m’envoie au loin préparer la maison claire que je lui ai promise, la maison de cristal, fleurie de roses, lumineuse au matin quand reluit le soleil ! – Va-t’en donc, fou, à la male heure ! » Les valets s’écartèrent, et le fou, sans se hâter, s’en fut en dansant.

XIX

La mort

A peine était-il revenu en Petite-Bretagne, à Carhaix, il advint que Tristan, pour porter aide à son cher compagnon Kaherdin, guerroya un baron nommé Bedalis. Il tomba dans une embuscade dressée par Bedalis et ses frères. Tristan tua les sept frères. Mais lui-même fut blessé d’un coup de lance, et la lance était empoisonnée. Il revint à grand’peine jusqu’au château de Carhaix et fit appareiller ses plaies. Les médecins vinrent en nombre, mais nul ne sut le guérir du venin, car ils ne le découvrirent même pas. Ils ne surent faire aucun emplâtre pour attirer le poison au dehors ; vainement ils battent et broient leurs racines, cueillent des herbes, composent des breuvages : Tristan ne fait qu’empirer, le venin s’épand par son corps, il blêmit et ses os commencent à se découvrir. Il sentit que sa vie se perdait, il comprit qu’il fallait mourir. Alors, il voulut revoir Iseut la Blonde. Mais comment aller vers elle ? Il est si faible que la mer le tuerait ; et si même il parvenait en Cornouailles, comment y échapper à ses ennemis ? Il se lamente, le venin l’angoisse, il attend la mort. Il manda Kaherdin en secret pour lui découvrir sa douleur, car tous deux s’aimaient de loyal amour. Il voulut que personne ne restât dans sa chambre, hormis Kaherdin, et même que nul ne se tînt dans les salles voisines. Iseut, sa femme, s’émerveilla en son cœur de cette étrange volonté. Elle en fut toute effrayée et voulut entendre l’entretien. Elle vint s’appuyer en dehors de la chambre, contre la paroi qui touchait au lit de Tristan. Elle écoute ; un de ses fidèles, pour que nul ne la surprenne, guette au dehors. Tristan rassemble ses forces, se redresse, s’appuie contre la muraille, Kaherdin s’assied près de lui, et tous deux pleurent ensemble, tendrement. Ils pleurent leur bon compagnonnage d’armes, si tôt rompu, leur grande amitié et leurs amours ; et l’un se lamente sur l’autre.

« Beau doux ami, dit Tristan, je suis sur une terre étrangère, où je n’ai ni parent, ni ami, vous seul excepté ; vous seul, en cette contrée, m’avez donné joie et consolation. Je perds ma vie, je voudrais revoir Iseut la Blonde. Mais comment, par quelle ruse lui faire connaître mon besoin ? Ah ! Si je savais un messager qui voulût aller vers elle, elle viendrait, tant elle m’aime ! Kaherdin, beau compagnon, par notre amitié, par la noblesse de votre cœur, par notre compagnonnage, je vous en requiers : tentez pour moi cette aventure, et si vous emportez mon message, je deviendrai votre homme-lige et vous aimerai par-dessus tous les hommes ».

Kaherdin voit Tristan pleurer, se déconforter, se plaindre ; son cœur s’amollit de tendresse ; il répond doucement, par amour : « Beau compagnon, ne pleurez plus ; je ferai tout votre désir. Certes, ami, pour l’amour de vous je me mettrais en aventure de mort. Nulle détresse, nulle angoisse ne m’empêchera de faire selon mon pouvoir. Dites ce que vous voulez mander à la reine, et je fais mes apprêts ». Tristan répondit : « Ami, soyez remercié ! Or, écoutez ma prière. Prenez cet anneau : c’est une enseigne entre elle et moi. Et quand vous arriverez en sa terre, faites-vous passer à la cour pour un marchand. Présentez-lui des étoffes de soie, faites qu’elle voie cet anneau : aussitôt elle cherchera une ruse pour vous parler en secret. Alors dites-lui que mon cœur la salue ; que, seule, elle peut me porter réconfort ; dites-lui que, si elle ne vient pas, je meurs ; dites-lui qu’il lui souvienne de nos plaisirs passés, et des grandes peines, et des grandes tristesses, et des joies, et des douceurs de notre amour loyal et tendre ; qu’il lui souvienne du breuvage que nous bûmes ensemble sur la mer ; ah ! C’est notre mort que nous avons bue ! Qu’il lui souvienne du serment que je lui fis de n’aimer jamais qu’elle : j’ai tenu cette promesse ! »

Derrière la paroi, Iseut aux Blanches Mains entendit ces paroles ; elle défaillit presque.

«Hâtez-vous, compagnon, et revenez bientôt vers moi ; si vous tardez, vous ne me reverrez plus. Prenez un terme de quarante jours et ramenez Iseut la Blonde. Cachez votre départ à votre sœur, ou dites que vous allez quérir un médecin. Vous emmènerez ma belle nef ; prenez avec vous deux voiles, l’une blanche, l’autre noire. Si vous ramenez la reine Iseut, dressez au retour la voile blanche ; et si vous ne la ramenez pas, cinglez avec la voile noire. Ami, je n’ai plus rien à vous dire : que Dieu vous guide et vous ramène sain et sauf ! »

Il soupire, pleure et se lamente, et Kaherdin pleure pareillement, baise Tristan et prend congé. Au premier vent il se mit en mer. Les mariniers halèrent les ancres, dressèrent la voile, cinglèrent par un vent léger, et leur proue trancha les vagues hautes et profondes. Ils emportaient de riches marchandises : des draps de soie teints de couleurs rares, de la belle vaisselle de Tours, des vins de Poitou, des gerfauts d’Espagne, et par cette ruse Kaherdin pensait parvenir auprès d’Iseut. Huit jours et huit nuits, ils fendirent les vagues et voguèrent à pleines voiles vers la Cornouailles.

Colère de femme est chose redoutable, et que chacun s’en garde ! Là où une femme aura le plus aimé, là aussi elle se vengera le plus cruellement. L’amour des femmes vient vite, et vite vient leur haine ; et leur inimitié, une fois venue, dure plus que l’amitié. Elles savent tempérer l’amour, mais non la haine. Debout contre la paroi, Iseut aux Blanches Mains avait entendu chaque parole. Elle avait tant aimé Tristan!… Elle connaissait enfin son amour pour une autre. Elle retint les choses entendues ; si elle le peut un jour, comme elle se vengera sur ce qu’elle aime le plus au monde ! Pourtant, elle n’en fit nul semblant, et dès qu’on rouvrit les portes, elle entra dans la chambre de Tristan, et, cachant son courroux, continua de le servir et de lui faire belle chère, ainsi qu’il sied à une amante. Elle lui parlait doucement, le baisait sur les lèvres, et lui demandait si Kaherdin reviendrait bientôt avec le médecin qui devait le guérir… Mais toujours elle cherchait sa vengeance. Kaherdin ne cessa de naviguer, tant qu’il jeta l’ancre dans le port de Tintagel.

Il prit sur son poing un grand autour, il prit un drap de couleur rare, une coupe bien ciselée : il en fit présent au roi Marc et lui demanda courtoisement sa sauvegarde et sa paix, afin qu’il pût trafiquer en sa terre, sans craindre nul dommage de chambellan ni de vicomte. Et le roi le lui octroya devant tous les hommes de son palais. Alors, Kaherdin offrit à la reine un fermail ouvré d’or fin : « Reine, dit-il, l’or en est bon », et, retirant de son doigt l’anneau de Tristan, il le mit à côté du joyau. « Voyez, reine ; l’or de ce fermail est plus riche et pourtant l’or de cet anneau a bien son prix ».

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