Александр Пушкин - Переписка 1826-1837
Plus l'emploi que je prends sur moi est difficile, plus il est digne de moi. Je suis prêt à devenir son lecteur, son bibliothécaire, sa Vsadnik, son écuyer, le tout pour la servir sans en attendre ni oui, ni non.
Que l'on passe l'éponge sur tout ce qui s'est passé, qu'une nouvelle ère recommence, que l'on soit persuadé que si on me la confie pour un [long] voyage de long haleine, je veillerai sur elle comme sur la prune le de mes yeux, que pour mieux la défendre je me mettrai incessamment à réapprendre à tirer les armes, étant persuadé qu'elle-même y prendra une part active et qu'elle ne se laissera pas prendre toute vive en temps et lieu, que je parerai les coups qui lui seront portés et que l'on me verra plutot affronter mille morts que de la céder. Ma santé exigeant que je dois absolument me fier à mon expérience des eaux de Wisbaden que j'ai à m'y rendre le plutôt possible, il serait fort à désirer que l'on nous mariât secrètement, pour me faire jouer ce rôle par intérim en attendant qu'il se présente quelqu'un digne de l'affection d'une telle créature. Dans ce cas nous pourrions nous mettre en route et il est possible qu'en voyageant mes amours, me connaissant mieux, consente à me prendre tout de bon, alors nous nous arrêterions chez quelque bon curé pour subir le restant de la cérémonie, sanctionnant le mariage tout de bon sans nulle omission. Adieu donc.
P. S. Il y a trois ou quatre jours que j'étais gai comme un pinson et je sautais de joie comme un autre Archymède. Je ne me possédais pas de joie en pensant à un moyen tout simple fait pour avancer nos affaires sans retards ni remises. C'est bien, mon illustre, de courir les chances des armes et au lieu de serrer le bouton à un innocent de mettre le père au pied du mur et la fille au pied du lit, car tous deux ont trop à se reprocher envers nous deux, surtout envers moi, pour leur passer toutes leurs irrésolutions, simagrées[?], mignardises etc. — Citoyen, aux armes, trève aux poursuites, trève aux procédés délicats, aux armes, citoyen, il est temps de terminer. [248]
411. П. Я. Чаадаев — Пушкину. Март — апрель 1829 г. Москва.Mon vœu le plus ardent, mon ami, est de vous voir initié au mystère du temps. Il n'y a pas de spectacle plus affligeant dans le monde moral que celui d'un homme de génieméconnaissant son siècle et sa mission. Quand on voit celui qui doit dominer les esprits, se laisser dominer lui-même par les habitudes et les routines de la populace, on se sent soi-même arrêté dans sa marche; on se dit, pourquoi cet homme m'empêche-t-il de marcher, lui qui doit me conduire? C'est vraiment ce qui m'arrive, toutes les fois que je songe à Vous, et j'y songe si souvent que j'en suis tout fatigué. Laissez-moi donc marcher, je vous prie. Si vous n'avez pas la patience de Vous instruire de ce qui se passe dans le monde, rentrez en vous-même et tirez de votre propre intérieur la lumière qui se trouve inmanquablement dans toute âme faite comme la vôtre. Je suis convaincu que vous pouvez faire un bien infini à cette pauvre Russie égarée sur la terre. Ne trompez pas votre destinée, mon ami. Depuis quelque temps on lit le russe partout; vous savez que M. Boulgarine a été traduit, et placé à la suite de M. de Joui; quant à vous, il n'y a pas de cahier de la Revue où il ne s'agisse de vous; je trouve le nom de mon ami Goulianof prononcé avec respect dans un gros volume, et le fameux Klaproth lui décer-nant une couronne Egyptienne; je crois vraiment qu'il a fait chanceler les pyramides sur leurs bases. Voyez ce que vous pouvez Vous faire de gloire. Jettez, un cri vers le ciel, — il vous répondra.
Je vous dis tout cela, comme vous voyez, à l'occasion d'un livre que je vous envoie. Comme il y a là un peu de tout, il réveillera peut-être en vous quelques bonnes idées. Bonjour, mon ami. Je vous dis comme ce Mahomet disait à ses Arabes, — ah si vous saviez!
Адрес: Monsieur Pouchkine. [249]
412. И. А. Яковлеву. Вторая половина марта — апрель 1829 г.(?) Москва.Любезный Иван Алексеевич.
Тяжело мне быть перед тобою виноватым, тяжело и извиняться, тем более, что знаю твою delicacy of gentlemen [250]. Ты едешь на днях, а я всё еще в долгу. Должники мои мне не платят, и дай бог, чтобы они вовсе не были банкроты, а я (между нами) проиграл уже около 20 т.[ысяч]. Во всяком случае ты первый получишь свои деньги. Надеюсь еще их заплатить перед твоим отъездом. Не то позволь вручить их Алексею Ивановичу, твоему батюшке; а ты предупреди, сделай милость, что эти 6 т.[ысяч] даны тобою мне в займы. В конце мая и в начале июня денег у меня будет кучка, но покамест я на мели и карабкаюсь.
Весь твой А. П.
Адрес: Его высокоблагородию м. г. Ивану Алексеевичу Яковлеву.
413. H. И. Гончаровой. 1 мая 1829 г. Москва.C'est à genoux, c'est en versant des larmes de reconnaissance que l'aurais dû Vous écrire, à présent que le Comte Tolstoy m'a rapporté Votre réponse: cette réponse n'est pas un refus, Vous me permettez l'espérance. Cependant si je murmure encore, si de la tristesse et de l'amertume se mêlent à des sentiments de bonheur, ne m'accusez point d'ingratitude; je conçois la prudence et la tendresse d'une Mère! — Mais pardonnez à l'impatience d'un cœur malade et [ivre] [?] [251] de bonheur. Je pars à l'instant, j'emporte au fond de l'âme l'image de l'être céleste qui Vous doit le jour. — Si Vous avez quelques ordres à me donner, veuillez les adresser au Comte de Tolstoy, qui me les fera parvenir.
Daignez, Madame, accepter l'hommage de ma profonde considération
Pouchkine.
1r Mai
1829. [252]
414. Б. Г. Чиляеву. 24 мая 1829 г. Коби. (Черновое)Несколько путеше[ственников] след[ующих] по каз.[енной] надоб.[ности] находятся здесь в самом затрудн[ительном] положе[нии] и зная по слухам Вашу снисходитель[ность], решились прибегнуть к Вашему покрови[тельству].
Сделайте милость послать к старш[ине] ароб[щиков]. О сем просят убедительнейше арт[иллерии] под[полковник] Бауман, гр.[аф] Му.[син]-Пушкин и я.
Прими[те]
415. Ф. И. Толстому. 27 мая — 10 июня 1829 г. Тифлис. (Черновое)Сей час узнаю, что было здесь на мое имя письмо, полагаю, любезный граф, что от тебя. Крайне жалею, что оно уже отпра[влено] в дей[ствующий] отря[д], куда еще я не так легко и не так скоро попаду — делать нечего. Путешествие мое было довольно скучно. Начать, что поехав на Орел а не прямо на Воро[неж], сделал я около 200 [верст лишних], зато видел Ермо[лова]. Хоть ты его не очень жалуешь, принуж[ден] я тебе сказать, что я нашел в нем разительное сходство с тобою не только в обороте мыслей и во мнениях, но даже и в чертах лица и в их выраже[нии]. Он был до крайности мил. Дорога через Кавказ скверная и опасная — днем я тянулся шагом с конвоем пехоты и каждую дн[евку] ночевал — за то видел Казбек и Терек, которые стоят Ермолова. Теперь прею в Тифлисе, ожидая разрешения гр.[афа] Паск[евича].
416. H. H. Раевскому-сыну (?). 30 января или 30 июня 1829 г. Петербург или Арзрум. (Черновое)Voici ma tragédie puisque vous la voulez absolument, mais avant que de la lire j'exige que vous parcouriez le dernier tome de Karamzine. Elle est remplie de bonnes plaisanteries et d'allusions fines à l'hist.[oire] de ce temps-là, [253] comme nos sous-œuvres de Kiov et de Kamenka. Il faut les comprendre sine qua non.
A l'exemple de Sheks.[peare] je me suis borné à développer une époque et des personnages historiques sans rechercher les effets théâtrals, le pathétique romanesque etc… Le style en est mélangé. Il est trivial et bas, là où j'ai été obligé de faire intervenir des personnages vulgaires et grossiers — quant aux grosses indécences n'y faites pas attention: cela a été écrit au courant de la plume, et disparaîtra à la première copie. Une tragédie sans amour souriait à mon imagination. Mais outre que l'amour entrait beaucoup dans le caractère romanesque et passionné de mon aventurier, j'ai rendu Дмитрий amoureux de Marina pour mieux faire ressortir l'étrange caractère de cette dernière. Il n'est encore qu'esquissé dans Karamzine. Mais certes c'était [254] une drôle [255] de jolie femme. Elle n'a eu qu'une passion et ce fut l'ambition, mais à un degré d'énergie, de rage qu'on a peine à se figurer. Après avoir gouté de la royauté, voyez-la, ivre d'une chimère, se prostituer d'aventuriers en aventuriers — partager tantôt [256] le lit dégoûtant d'un juif, tantôt [257] la tente d'un cosaque, [et] toujours prête à se livrer à [celui qui] quiconque 47 peut lui présenter [une] la faible espérance d'un trône qui n'existait plus. Voyez-la braver la guerre, la misère, la honte, en même temps [258] traiter avec le roi de Pologne de [puissance à puissance] couronne à couronne — et finir misérablement l'existence la plus orageuse et la plus extraordinaire. Je n'ai qu'une scène pour elle, mais j'y reviendrai, si Dieu me prête vie. Elle me trouble comme une passion. Elle est horriblement polonaise, comme le disait [la cousine de M-de Lubaumirska].
Гаврила Пушкин est un de mes ancêtres, je l'ai peint tel que je l'ai trouvé dans l'histoire et dans les papiers de ma famille. Il a eu de grands talents, homme de guerre, homme de cour, homme de conspiration surtout. C'est lui et Плещеев qui ont assuré le succès du Самозванец par une audace inouïe. Après je l'ai retrouvé à Moscou, [parmi] l'un des 7 chefs qui la défendaient [259] en 1612, puis en 1616 [260] dans la Дума siégeant à côté de Козьма Minine, puis воевод[а] [261] à Нижний, puis parmi les députés qui couronnèrent Romanof, puis ambassadeur. Il a été tout, même incendiaire, comme le prouve une грамота que j'ai trouvé à Погорелое Городище — ville qu'il fit [262] brûler (pour la punir de je ne sais quoi) à la mode des [comissaires] proconsuls de la Convention Nationale…
Je compte revenir aussi sur Шуйский. Il montre dans l'histoire un singulier mélange d'audace, [263] de souplesse et de force de caractère. Valet de Godounof, il est un des premiers Boyards à passer du côté de Дмитрий. Il est le premier [qui l'accuse [264]] qui conspire, [qui] et c'est lui-même, notez cela, qui se charge de retirer les marrons du feu, c'est lui-même qui vocifère, qui accuse, qui de chef devient enfant perdu. Il est prêt à perdre la tête, Дмитрий lui fait grâce déjà sur l'échafaud, il l'exile et avec cette générosité étourdie qui caractérisait cet aimable aventurier il le rappelle à sa cour, il le comble de biens et d'honneurs. Que fait Шуйский qui avait frisé [le supplice] [et] de si près la hache et le billot? [265] il n'a rien de plus pressé que de conspirer de nouveau, de réussir, de se faire élire Tsar, de tomber et de 48 garder dans sa chute plus de dignité et de force d'âme qu'il n'en eut pendant toute sa vie.
Il y a beaucoup du Henri 4 dans Дмитрий. Il est comme lui brave, généreux et gascon, comme lui indifférent à la religion — tous deux abjurant leur foi pour cause politique, tous deux aimant les plaisirs et la guerre, tous deux donnant dans des [chimères] projets chimériques — [tout] tous deux en butte aux conspirations… Mais Henri 4 n'a pas à se reprocher Ксения — il est vrai que cette horrible accusation n'est pas prouvée et quant à moi je me fais une religion de ne pas y croire. —
Грибоедов a critiqué le personnage de Job — le patriarche, il est vrai, était un homme de beaucoup d'esprit, j'en ai fait un sot par distraction.
En écrivant ma Годунов [266] j'ai réfléchi sur la tragédie et si je me mêlais de faire une préface, je ferais du scandale — c'est peut-être le genre le plus méconnu. On a tâché d'en baser les lois sur la vraisemblance, et c'est justement elle qu'exclut la nature du drame; sans parler déjà du temps, des lieux etc., quel diable de vraisemblance y a-t-il dans une salle coupée en deux dont l'une est occupée par 2000 personnes, censées n'être pas vues par celles qui sont sur les planches?