Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Liberty Bar

Читать бесплатно Simenon, Georges - Liberty Bar. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

Elle gravit l’escalier jusqu’à l’entresol, où on l’entendit aller et venir. Il sembla à Maigret que la grosse Jaja tendait l’oreille.

— Elle fait quelquefois les courses aussi… C’est elle qui a perdu le plus avec la mort de William…

Maigret se leva brusquement, passa dans le bar, ouvrit la porte de la rue. Mais il était trop tard. Joseph s’éloignait à grands pas, sans se retourner, en même temps qu’une fenêtre se refermait à l’entresol.

— Qu’est-ce qui vous a pris ?

— Rien… une idée…

— Encore un verre ?… Vous savez, si le gigot vous plaît…

Sylvie descendait, déjà transformée, méconnaissable dans un costume tailleur bleu marine qui lui donnait un air de jeune fille. Un chemisier de soie blanche rendait vraiment désirables de petits seins tremblants que Maigret avait pourtant vus si longtemps. La jupe moulait un ventre étroit, une croupe nerveuse. Les bas de soie étaient bien tirés sur ses jambes.

— À ce soir !

Et elle aussi embrassait Jaja au front, se tournait vers Maigret, hésitait. Est-ce qu’elle avait envie de sortir sans lui dire au revoir, ou de lui lancer une injure ?

En tout cas, elle précisait son attitude d’ennemie. Elle n’essayait pas de lui donner le change.

— Bonjour… Je suppose que vous n’avez plus besoin de moi ?

Elle était toute raide. Elle attendait un instant et elle s’en allait d’une démarche décidée.

Jaja riait en remplissant les verres.

— Ne faites pas attention… Ces petites-là, ça n’a pas encore de raison. Voulez-vous que je vous donne une assiette, pour que vous goûtiez ma salade ?

Le bar vide, en façade, avec sa seule vitrine donnant sur la ruelle ; là-haut, au-dessus de l’escalier tournant, l’entresol qui devait être en désordre ; le soupirail et la cour d’où le soleil se retirait peu à peu…

Un drôle d’univers, au centre duquel Maigret était installé devant les restes d’une salade odorante, en compagnie de la grosse femme qui semblait s’appuyer sur sa poitrine abondante et qui soupirait :

— Quand j’avais son âge, on me faisait marcher autrement que ça, moi !

Elle n’avait pas besoin de préciser. Il l’imaginait très bien, quelque part aux environs de la Porte Saint-Denis ou du faubourg Montmartre, en robe de soie voyante, surveillée, à travers les vitres de quelque bar, par un ami intransigeant.

— Aujourd’hui…

Elle avait fait trop d’honneur à la bouteille. Ses yeux s’humectèrent en regardant Maigret. Sa bouche enfantine eut une moue qui présageait des larmes.

— Vous me faites penser à William… C’était sa place… Lui aussi posait sa pipe à côté de son assiette pour manger… Il avait les mêmes épaules… Savez-vous que vous lui ressemblez ?

Elle se contenta de s’essuyer les yeux, sans pleurer.

IV

La gentiane

C’était l’heure rose, équivoque, où les moiteurs du soleil couchant se dissipent dans la fraîcheur de la nuit proche. Maigret sortait du Liberty-Bar comme on sort d’un mauvais lieu, les mains enfoncées dans les poches, le chapeau sur les yeux. Pourtant, après une dizaine de pas, il éprouva le besoin de se retourner, comme pour s’assurer de la réalité de cette atmosphère qu’il quittait.

Le bar était bien là, coincé entre deux maisons, avec sa façade étroite, peinte d’un vilain brun, et les lettres jaunes de l’enseigne.

Derrière la vitre, il y avait un pot de fleurs et, tout près, un chat endormi.

Jaja devait sommeiller aussi, dans l’arrière-boutique, seule près du réveille-matin qui comptait les minutes…

Au bout de la ruelle, on renaissait à la vie normale : des magasins, des gens habillés comme tout le monde, des autos, un tramway, un sergent de ville…

Puis, à droite, la Croisette qui ressemblait vraiment, à cette heure-là, aux aquarelles réclame que le Syndicat d’initiative de Cannes fait reproduire dans les magazines de luxe.

C’était doux, paisible… Des gens marchant sans se presser… Des autos glissant sans bruit, comme sans moteur… Et tous ces yachts clairs sur l’eau du port…

Maigret se sentait fatigué, abruti, et pourtant il n’avait pas envie de rentrer à Antibes. Il allait et venait sans but, s’arrêtant sans savoir pourquoi, repartant dans n’importe quelle direction, comme si la partie consciente de son être fût restée dans l’antre de Jaja, près de la table non desservie où, à midi, était attablé un correct steward suédois, en face de Sylvie aux seins nus.

Dix ans durant, William Brown avait vécu là plusieurs jours par mois, dans une chaude paresse, près de Jaja qui, après quelques verres, pleurnichait, puis s’endormait sur sa chaise.

— La gentiane, parbleu !

Maigret était ravi d’avoir trouvé ce qu’il cherchait depuis un quart d’heure sans même sans rendre compte ! Depuis qu’il était sorti du Liberty-Bar, il s’obstinait à le définir, à le débarrasser de son pittoresque superficiel, pour n’en garder que l’âme. Et il avait trouvé ! Il se souvenait de la phrase d’un ami à qui il offrait l’apéritif.

— Qu’est-ce que tu bois ?

— Une gentiane !

— Quelle est cette nouvelle mode ?

— Ce n’est pas une mode ! C’est la dernière ressource de l’ivrogne, vieux ! Tu connais la gentiane. C’est amer. Ce n’est même pas alcoolisé. Eh bien ! quand, pendant trente ans, on s’est imbibé d’alcools divers, il ne reste plus que ce vice-là, il n’y a que cette amertume à émouvoir les papilles…

C’était bien cela ! Un endroit sans vice, sans méchanceté ! Un bar où l’on entrait immédiatement dans la cuisine et où vous accueillait la familiarité de Jaja !

Et l’on buvait, pendant qu’elle faisait sa popote ! On allait chercher soi-même, chez le boucher voisin, le morceau de barbaque ! Sylvie descendait, les yeux pleins de sommeil, à moitié nue, et on l’embrassait au front, sans même regarder ses seins pauvres.

Il ne faisait pas très propre, pas très clair. On ne parlait pas beaucoup. La conversation se traînait, sans conviction, comme les gens…

Plus de monde extérieur, d’agitation. À peine un rectangle de soleil…

Manger, boire… Sommeiller et boire à nouveau pendant que Sylvie s’habillait, tirait ses bas sur ses cuisses avant d’aller travailler…

— À tout à l’heure, parrain !

N’était-ce pas exactement l’histoire de la gentiane du copain ? Et le Liberty-Bar n’était-il pas le dernier havre, quand on avait tout vu, tout essayé en fait de vices ?

Des femmes sans beauté, sans coquetterie, sans désir, qu’on ne désire pas et qu’on embrasse au front, en leur donnant cent francs pour aller s’acheter des bas, en leur demandant, au retour : « Bien travaillé ? »

Maigret en était un peu oppressé. Il voulait penser à autre chose. Il s’était arrêté devant le port où une légère buée commençait à s’étirer à quelques centimètres de la surface de l’eau.

Il avait dépassé les petits yachts, les voiliers de course. À dix mètres de lui, un matelot amenait le pavillon rouge orné d’un croissant d’un énorme vapeur blanc qui devait appartenir à un pacha quelconque.

Plus près, il lut, en lettres dorées, à l’arrière d’un yacht d’une quarantaine de mètres : Ardena.

Il avait à peine évoqué la figure du Suédois de chez Jaja qu’en levant la tête il l’apercevait sur le pont, ganté de blanc, déposant un plateau avec du thé sur une table de rotin.

Le propriétaire était accoudé à la lisse, en compagnie de deux jeunes femmes. Il riait, montrait des dents admirables. Une passerelle longue de trois mètres les séparait de Maigret, et celui-ci, haussant les épaules, s’y engagea, faillit éclater de rire en voyant le visage du steward se décomposer.

Il y a des moments comme cela où l’on fait une démarche, moins pour son utilité propre que pour faire quelque chose, ou encore pour s’empêcher de penser.

— Pardon, monsieur…

Le propriétaire avait cessé de rire. Il attendait, tourné vers Maigret, ainsi que les deux femmes.

— Un renseignement, s’il vous plaît. Connaissez-vous un certain Brown ?

— Il a un bateau ?

— Il en a eu un… William Brown…

C’est à peine si Maigret attendait la réponse.

Il regardait son interlocuteur, qui devait avoir quarante-cinq ans et qui était vraiment racé, entre les deux femmes demi-nues sous leur robe.

Il se disait : « Brown a été comme lui ! Il s’entourait de jolies femmes aussi, bien habillées, dont chaque détail de toilette est étudié pour provoquer le désir ! Il les conduisait, pour les amuser, dans les petites boîtes et offrait du champagne à tout le monde… »

On lui répondait, avec un fort accent :

— Si c’est le Brown auquel je pense, il avait jadis ce gros bateau qui est le dernier… Le Pacific… Mais il a déjà été vendu deux ou trois fois…

— Je vous remercie.

L’homme et ses deux compagnes ne comprenaient pas très bien le sens de la visite de Maigret. Ils le regardaient s’éloigner, et le commissaire entendit fuser un petit rire de femme.

Le Pacific… Il n’y avait que deux bateaux de sa taille dans le port, dont celui qui battait pavillon turc.

Seulement, le Pacific sentait l’abandon. À maints endroits on voyait la tôle sous la peinture écaillée. Les cuivres étaient verdis.

Un petit écriteau misérable, sur le bastingage : À vendre.

C’était l’heure où les matelots de yacht, bien lavés, roides dans leur uniforme, s’en vont vers la ville, par groupes, comme des soldats.

Quand Maigret repassa devant l’Ardena, il sentit les regards des trois personnages braqués sur lui, et il soupçonna le steward de l’épier de quelque recoin du pont.

Les rues étaient éclairées. Maigret eut quelque peine à retrouver le garage, où il n’avait qu’un renseignement à demander.

— À quelle heure Brown, vendredi, est-il venu chercher sa voiture ?

Il fallut appeler le mécanicien.

À cinq heures moins quelques minutes ! Autrement dit, il avait eu juste le temps nécessaire pour regagner le cap d’Antibes.

— Il était seul ? Personne ne l’attendait dehors ? Et vous êtes sûr qu’il n’était pas blessé ?

William Brown avait quitté le Liberty-Bar vers deux heures. Qu’avait-il fait pendant trois heures ?

Maigret n’avait plus de raison de s’attarder à Cannes. Il attendit l’autocar, se cala dans un coin, laissant errer un regard flou sur la grand-route où les autos, phares allumés, se suivaient en cortège.

Le premier personnage qu’il aperçut, en descendant du car, place Macé, fut l’inspecteur Boutigues, qui était assis à la terrasse du Café Glacier et qui se leva précipitamment.

— On vous cherche depuis ce matin !… Asseyez-vous… Qu’est-ce que vous prenez ?… Garçon !… Deux pernods…

— Pas pour moi !… Une gentiane !… fit Maigret, qui voulait se rendre compte du goût de ce breuvage.

— J’ai d’abord questionné les chauffeurs de taxi. Comme aucun ne vous avait transporté, je me suis adressé aux conducteurs d’autobus. C’est ainsi que j’ai su que vous étiez à Cannes…

Il parlait vite ! Et il y mettait de la passion !

Maigret le regardait malgré lui avec des yeux ronds, ce qui n’empêchait pas le petit inspecteur de poursuivre :

— Il n’y a que cinq ou six restaurants où l’on puisse manger proprement… J’ai téléphoné à chacun d’eux… Où diable avez-vous pu déjeuner ?…

Boutigues aurait été bien étonné si Maigret lui avait dit la vérité, lui avait parlé du gigot et de la salade à l’ail, dans la cuisine de Jaja, et des petits verres, et de Sylvie…

— Le juge d’instruction ne veut rien faire sans vous avoir consulté… Or, il y a du nouveau… Le fils est arrivé…

— Le fils de qui ?

Et Maigret faisait la grimace, parce qu’il venait de boire une gorgée de gentiane.

— Le fils de Brown… Il était à Amsterdam quand…

Décidément, Maigret avait mal à la tête. Il essayait de concentrer son esprit, mais n’y parvenait qu’avec peine.

— Brown a un fils ?

— Il en a plusieurs… De sa vraie femme, qui habite l’Australie… Un seul est en Europe, où il s’occupe des laines…

— Les laines ?

À ce moment, Boutigues dut avoir une piètre opinion de Maigret. Mais aussi celui-ci était-il toujours au Liberty-Bar ! Plus exactement, il était en train d’évoquer le garçon de café qui jouait aux courses et à qui Sylvie avait parlé par la fenêtre…

— Oui ! Les Brown sont les plus gros propriétaires d’Australie. Ils élèvent des moutons et expédient la laine en Europe… Un des fils surveille les terres… L’autre, à Sydney, s’occupe des expéditions… Le troisième, en Europe, va d’un port à l’autre, selon que les laines sont destinées à Liverpool, au Havre, à Amsterdam ou à Hambourg… C’est lui qui…

— Et qu’est-ce qu’il dit ?

— Qu’il faut enterrer son père le plus vite possible et qu’il paiera… Il est très pressé… Il doit reprendre l’avion demain soir…

— Il est à Antibes ?

— Non ! À Juan-les-Pins… Il voulait un palace, avec un appartement pour lui seul… Il paraît qu’il doit être relié téléphoniquement toute la nuit à Nice, pour pouvoir téléphoner à Anvers, à Amsterdam et je ne sais où encore…

— Il a visité la villa ?

— Je le lui ai proposé. Il a refusé.

— Alors, qu’est-ce qu’il a fait, en somme ?

— Il a vu le juge. C’est tout ! Il a insisté pour que les choses aillent vite ! Et il a demandé combien !

— Combien quoi ?

— Combien cela coûterait.

Maigret regardait la place Macé d’un air absent. Boutigues continuait :

— Le juge vous a attendu tout l’après-midi à son bureau. Il ne peut guère refuser le permis d’inhumer, maintenant que l’autopsie a été pratiquée… Le fils Brown a téléphoné trois fois et, en fin de compte, on lui a promis que l’enterrement pourrait avoir lieu demain à la première heure…

— À la première heure ?

— Oui, pour éviter la foule… C’est pourquoi je vous cherche… On fermera le cercueil ce soir… Si bien que, si vous voulez voir Brown avant que…

— Non !

Vraiment ! Maigret n’avait pas envie de voir le cadavre ! Il connaissait assez William Brown sans cela !

Il y avait du monde à la terrasse. Boutigues remarqua qu’on les observait de plusieurs tables, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Néanmoins il murmura :

— Parlons plus bas…

— Où veut-on l’enterrer ?

— Mais… au cimetière d’Antibes… Le corbillard sera à la morgue à sept heures du matin… Il ne me reste qu’à confirmer la chose au fils Brown…

— Et les deux femmes ?

— On n’a rien décidé… Peut-être le fils préférerait-il…

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Liberty Bar отзывы

Отзывы читателей о книге Liberty Bar, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*