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Simenon, Georges - Le chien jaune

Читать бесплатно Simenon, Georges - Le chien jaune. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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— A votre santé, commissaire, fit, non sans une certaine gêne, celui dont on parlait.

Maigret remarqua au même instant que le docteur Michoux, qui avait à peine desserré les dents, se penchait pour regarder son verre en transparence. Son front était plissé. Son visage, naturellement décoloré, avait une expression saisissante d’inquiétude.

— Un instant !… lança-t-il soudain, après avoir longtemps hésité.

Il approcha le verre de ses narines, y trempa un doigt qu’il frôla du bout de la langue. Servières éclata d’un gros rire.

— Bon !… Le voilà qui se laisse terroriser par l’histoire de Mostaguen…

— Eh bien ? questionna Maigret.

— Je crois qu’il vaut mieux ne pas boire… Emma !… Va dire au pharmacien d’à côté d’accourir… Même s’il est à table !…

Cela jeta un froid. La salle parut plus vide, plus morne encore. Le Pommeret tirailla ses moustaches avec nervosité. Le journaliste lui-même s’agita sur sa chaise.

— Qu’est-ce que tu crois ?…

Le docteur était sombre. Il fixait toujours son verre. Il se leva et prit lui-même dans le placard la bouteille de pernod, la mania dans la lumière, et Maigret distingua deux ou trois petits grains blancs qui flottaient sur le liquide.

La fille de salle rentrait, suivie du pharmacien, qui avait la bouche pleine.

— Ecoutez, Kervidon… Il faut immédiatement nous analyser le contenu de cette bouteille et des verres…

— Aujourd’hui ?

— A l’instant !…

— Quelle réaction dois-je essayer ?… Qu’est-ce que vous pensez ?…

Jamais Maigret n’avait vu poindre aussi vite l’ombre pâle de la peur. Quelques instants avaient suffi. Toute chaleur avait disparu des regards et la couperose semblait artificielle sur les joues de Le Pommeret.

La fille de salle s’était accoudée à la caisse et mouillait la mine d’un crayon pour aligner des chiffres dans un carnet recouvert de toile cirée noire.

— Tu es fou !… essaya de lancer Servières.

Cela sonna faux. Le pharmacien avait la bouteille dans une main, un verre dans l’autre.

— Strychnine… souffla le docteur.

Et il poussa l’autre dehors, revint, tête basse, le teint jaunâtre.

— Qu’est-ce qui vous fait penser… commença Maigret.

— Je ne sais pas… Un hasard… J’ai vu un grain de poudre blanche dans mon verre… L’odeur m’a paru bizarre…

— Autosuggestion collective !… affirma le journaliste. Que je raconte ça demain dans mon canard, et c’est la ruine de tous les bistrots du Finistère…

— Vous buvez toujours du pernod ?…

— Tous les soirs avant le dîner… Emma est tellement habituée qu’elle apporte dès qu’elle constate que notre demi est vide… Nous avons nos petites habitudes… Le soir, c’est du calvados…

Maigret alla se camper devant l’armoire aux liqueurs, avisa une bouteille de calvados.

— Pas celui-là !… Le flacon à grosse panse…

Il le prit, le mania devant la lumière, aperçut quelques grains de poudre blanche. Mais il ne dit rien. Ce n’était pas nécessaire. Les autres avaient compris.

L’inspecteur Leroy entrait, annonçait d’une voix indifférente :

— La gendarmerie n’a rien remarqué de suspect. Pas de rôdeurs dans le pays… On ne comprend pas…

Il s’étonna du silence qui régnait, de l’angoisse compacte qui prenait à la gorge. De la fumée de tabac s’étirait autour des lampes électriques. Le billard montrait son drap verdâtre comme un gazon pelé. Il y avait des bouts de cigares par terre, ainsi que quelques crachats, dans la sciure.

— … Sept et je retiens un… épelait Emma en mouillant la pointe de son crayon.

Et, levant la tête, elle criait à la cantonade :

— Je viens, madame !…

Maigret bourrait sa pipe. Le docteur Michoux fixait obstinément le sol et son nez paraissait plus de travers qu’auparavant. Les souliers de Le Pommeret étaient luisants comme s’ils n’eussent jamais servi à marcher. Jean Servières haussait de temps en temps les épaules en discutant avec lui-même.

Tous les regards se tournèrent vers le pharmacien quand il revint avec la bouteille et un verre vide.

Il avait couru. Il était à court de souffle. A la porte, il donna un coup de pied dans le vide pour chasser quelque chose, grommela :

— Sale chien !…

Et, à peine dans le café :

— C’est une plaisanterie, n’est-ce pas ? Personne n’a bu ?…

— Eh bien ?…

— De la strychnine, oui !… On a dû la mettre dans la bouteille il y a une demi-heure à peine…

Il regarda avec effroi les verres encore pleins, les cinq hommes silencieux.

— Qu’est-ce que cela veut dire ?… C’est inouï !… J’ai bien le droit de savoir !… Cette nuit, un homme qu’on tue à côté de chez moi… Et aujourd’hui…

Maigret lui prit la bouteille des mains. Emma revenait, indifférente, montrait au-dessus de la caisse son long visage aux yeux cernés, aux lèvres minces, ses cheveux mal peignés où le bonnet breton glissait toujours vers la gauche bien qu’elle le remît en place à chaque instant.

Le Pommeret allait et venait à grands pas en contemplant les reflets de ses chaussures. Jean Servières, immobile, fixait les verres et éclatait soudain, d’une voix qu’assourdissait un sanglot d’effroi :

— Tonnerre de Dieu !…

Le docteur rentrait les épaules.

II

Le docteur en pantoufles

L’inspecteur Leroy, qui avait vingt-cinq ans, ressemblait davantage à ce que l’on appelle un jeune homme bien élevé qu’à un inspecteur de police.

Il sortait de l’école. C’était sa première affaire, et depuis quelques instants il observait Maigret d’un air désolé, essayait d’attirer discrètement son attention. Il finit par lui souffler en rougissant :

— Excusez-moi, commissaire… Mais… les empreintes…

Il dut penser que son chef était de la vieille école et ignorait la valeur des investigations scientifiques car Maigret, tout en tirant une bouffée de sa pipe, laissa tomber :

— Si vous voulez…

On ne vit plus l’inspecteur Leroy, qui porta avec précaution la bouteille et les verres dans sa chambre et passa la soirée à confectionner un emballage modèle, dont il avait le schéma en poche, étudié pour faire voyager les objets sans effacer les empreintes.

Maigret s’était assis dans un coin du café. Le patron, en blouse blanche et bonnet de cuisinier, regardait sa maison du même œil que si elle eût été dévastée par un cyclone.

Le pharmacien avait parlé. On entendait des gens chuchoter dehors. Jean Servières, le premier, mit son chapeau sur sa tête.

— Ce n’est pas tout ça ! Je suis marié, moi, et Mme Servières m’attend !… A tout à l’heure, commissaire…

Le Pommeret interrompit sa promenade.

— Attends-moi ! Je vais dîner aussi… Tu restes, Michoux ?…

Le docteur ne répondit que par un haussement d’épaules. Le pharmacien tenait à jouer un rôle de premier plan. Maigret l’entendit qui disait au patron :

— … et qu’il est nécessaire, bien entendu, d’analyser le contenu de toutes les bouteilles !… Puisqu’il y a ici quelqu’un de la police, il lui suffit de m’en donner l’ordre…

Il y avait plus de soixante bouteilles d’apéritifs divers et de liqueurs dans le placard.

— Qu’est-ce que vous en pensez, commissaire ?…

— C’est une idée… Oui, c’est peut-être prudent…

Le pharmacien était petit, maigre et nerveux. Il s’agitait trois fois plus qu’il n’était nécessaire. On dut lui chercher un panier à bouteilles. Puis il téléphona à un café de la vieille ville afin qu’on aille dire à son commis qu’il avait besoin de lui.

Tête nue, il fit cinq ou six fois le chemin de l’Hôtel de l’Amiral à son officine, affairé, trouvant le temps de lancer quelques mots aux curieux groupés sur le trottoir.

— Qu’est-ce que je vais devenir, moi, si on m’emporte toute la boisson ? gémissait le patron. Et personne ne pense à manger !… Vous ne dînez pas, commissaire ?… Et vous, docteur ?… Vous rentrez chez vous ?…

— Non… Ma mère est à Paris… La servante est en congé…

— Vous couchez ici, alors ?…

Il pleuvait. Les rues étaient pleines d’une boue noire. Le vent agitait les persiennes du premier étage. Maigret avait dîné dans la salle à manger, non loin de la table où le docteur s’était installé, funèbre.

A travers les petits carreaux verts, on devinait dehors des têtes curieuses qui, parfois, se collaient aux vitres. La fille de salle fut une demi-heure absente, le temps de dîner à son tour. Puis elle reprit sa place habituelle à droite de la caisse, un coude sur celle-ci, une serviette à la main.

— Vous me donnerez une bouteille de bière, dit Maigret.

Il sentit très bien que le docteur l’observait tandis qu’il buvait, puis après, comme pour deviner les symptômes de l’empoisonnement.

Jean Servières ne revint pas, ainsi qu’il l’avait annoncé. Le Pommeret non plus. Si bien que le café resta désert, car les gens préféraient ne pas entrer et surtout ne pas boire. Dehors, on affirmait que toutes les bouteilles étaient empoisonnées.

— De quoi tuer la ville entière !…

Le maire, de sa villa des Sables-Blancs, téléphona pour savoir au juste ce qui se passait. Puis ce fut le morne silence. Le docteur Michoux, dans un coin, feuilletait des journaux sans les lire. La fille de salle ne bougeait pas. Maigret fumait, placide, et de temps en temps le patron venait s’assurer d’un coup d’œil qu’il n’y avait pas de nouveau drame.

On entendait l’horloge de la vieille ville sonner les heures et les demies. Les piétinements et les conciliabules cessèrent sur le trottoir, et il n’y eut plus que la plainte monotone du vent, la pluie qui battait les vitres.

— Vous dormez ici ? demanda Maigret au docteur.

Le silence était tel que le seul fait de parler à haute voix jeta un trouble.

— Oui… Cela m’arrive quelquefois… Je vis avec ma mère, à trois kilomètres de la ville… Une villa énorme… Ma mère est allée passer quelques jours à Paris et la domestique m’a demandé congé pour assister au mariage de son frère…

Il se leva, hésita, dit assez vite :

— Bonsoir…

Et il disparut dans l’escalier. On l’entendit qui enlevait ses chaussures, au premier, juste au-dessus de la tête de Maigret. Il ne resta plus dans le café que la fille de salle et le commissaire.

— Viens ici ! lui dit-il en se renversant sur sa chaise.

Et il ajouta, comme elle restait debout dans une attitude compassée :

— Assieds-toi !… Quel âge as-tu ?…

— Vingt-quatre ans…

Il y avait en elle une humilité exagérée. Ses yeux battus, sa façon de se glisser sans bruit, sans rien heurter, de frémir avec inquiétude au moindre mot, cadraient assez bien avec l’idée qu’on se fait du souillon habitué à toutes les duretés. Et pourtant on sentait sous ces apparences comme des pointes d’orgueil qu’elle s’efforçait de ne pas laisser percer.

Elle était anémique. Sa poitrine plate n’était pas faite pour éveiller la sensualité. Néanmoins elle attirait, par ce qu’il y avait de trouble en elle, de découragé, de maladif.

— Que faisais-tu avant de travailler ici ?…

— Je suis orpheline. Mon père et mon frère ont péri en mer, sur le dundee Trois-Mages… Ma mère est déjà morte depuis longtemps… J’ai été d’abord vendeuse à la papeterie, place de la Poste…

Que cherchait son regard inquiet ?

— Tu as un amant ?

Elle détourna la tête sans rien dire, et Maigret, les yeux rivés à son visage, fuma plus lentement, but une gorgée de bière.

— Il y a des clients qui doivent te faire la cour !… Ceux qui étaient tout à l’heure ici sont des habitués… Ils viennent chaque soir… Ils aiment les belles filles… Allons ! Lequel d’entre eux ?…

Plus pâle, elle articula avec une moue de lassitude :

— Surtout le docteur…

— Tu es sa maîtresse ?

Elle le regarda avec des velléités de confiance.

— Il en a d’autres… Quelquefois moi, quand ça lui prend… Il couche ici… Il me dit de le rejoindre dans sa chambre…

Rarement Maigret avait recueilli confession aussi plate.

— Il te donne quelque chose ?…

— Oui… Pas toujours… Deux ou trois fois, quand c’est mon jour de sortie, il m’a fait aller chez lui… Encore avant-hier… Il profite de ce que sa mère est en voyage… Mais il a d’autres filles…

— Et M. Le Pommeret ?…

— C’est la même chose… Sauf que je ne suis allée qu’une fois chez lui, il y a longtemps… Il y avait là une ouvrière de la sardinerie et… et je n’ai pas voulu ! Ils en ont de nouvelles toutes les semaines…

— M. Servières aussi ?…

— Ce n’est pas la même chose… Il est marié… Il paraît qu’il va faire la noce à Brest… Ici, il se contente de plaisanter, de me pincer au passage…

Il pleuvait toujours. Très loin hululait la corne de brume d’un bateau qui devait chercher l’entrée du port.

— Et c’est toute l’année ainsi ?…

— Pas toute l’année… L’hiver, ils sont seuls… Quelquefois ils boivent une bouteille avec un voyageur de commerce… Mais l’été il y a du monde… L’hôtel est plein… Le soir, ils sont toujours dix ou quinze à boire le champagne ou à faire la bombe dans les villas… Il y a des autos, des jolies femmes… Nous, on a du travail… L’été, ce n’est pas moi qui sers, mais des garçons… Alors je suis en bas, à la plonge…

Que cherchait-elle donc autour d’elle ? Elle était mal d’aplomb sur le bord de sa chaise et elle semblait prête à se dresser d’une détente.

Une sonnerie grêle retentit. Elle regarda Maigret, puis le tableau électrique placé derrière la caisse.

— Vous permettez ?…

Elle monta. Le commissaire entendit des pas, un murmure confus de voix au premier, dans la chambre du docteur.

Le pharmacien entra, un peu ivre.

— C’est fait, commissaire ! Quarante-huit bouteilles analysées ! Et sérieusement, je vous jure ! Aucune trace de poison ailleurs que dans le pernod et le calvados… Le patron n’aura qu’à faire reprendre son matériel… Dites donc, votre avis, entre nous ? Des anarchistes, pas vrai ?…

Emma revenait, gagnait la rue pour poser les volets, attendait de pouvoir fermer la porte.

— Eh bien ?… fit Maigret quand ils furent à nouveau seuls.

Elle détourna la tête sans répondre, avec une pudeur inattendue, et le commissaire eut l’impression que s’il la poussait un peu elle fondrait en larmes.

— Bonne nuit, mon petit !… lui dit-il.

Quand le commissaire descendit, il se croyait le premier levé, tant le ciel était obscurci par les nuages. De sa fenêtre, il avait aperçu le port désert, où une grue solitaire déchargeait un bateau de sable. Dans les rues, quelques parapluies, des cirés fuyant au ras des maisons.

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