Simenon, Georges - Le fou de Bergerac
— C’est fini, monsieur le procureur.
— Mais…
— C’était un couple ardent, voyez-vous ! Un couple qui n’admettait pas d’obstacles ! Rivaud avait la femme qu’il lui fallait : Françoise qui, pour lui, acceptait votre étreinte…
Il ne parlait plus qu’à un pauvre bonhomme incapable de réactions.
— Le couple est mort… Il reste une femme qui n’a jamais été bien intelligente, ni bien dangereuse : Mme Rivaud, qui recevra une pension… Elle ira vivre avec sa mère dans un logement de Bordeaux ou d’ailleurs… Ces deux-là ne parleront pas…
Il prit son chapeau sur une chaise.
— Moi, il est temps que je rentre à Paris, car mon congé est fini…
Il fit quelques pas vers le bureau, tendit la main.
— Adieu, monsieur le procureur…
Et, comme son interlocuteur se précipitait sur cette main avec une reconnaissance qui menaçait de se manifester par un flot de paroles, il trancha :
— Sans rancune !
Il sortit derrière le valet de chambre en gilet rayé, retrouva la place mijotant dans le soleil, atteignit non sans peine l’Hôtel d’Angleterre où il dit au patron :
— Pour aujourd’hui, enfin, des truffes en serviette, du foie gras du pays… Et l’addition !… On fout le camp !
La Rochelle, « Hôtel de France », mars 1932.
FIN