Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Lombre chinoise

Читать бесплатно Simenon, Georges - Lombre chinoise. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

« Ah ! c’est vous… »

Il y avait progrès. La pièce ne sentait pas l’éther. Les vêtements étaient par terre, en tas.

« … que vous voulez ? »

Il s’assit sur son lit, prit le verre d’eau sur la table de nuit et le vida d’un trait.

« On a trouvé le testament ! déclara Maigret en recouvrant une cuisse nue de Céline, qui était couchée en chien de fusil.

— Alors ? »

Roger ne manifestait aucune passion. À peine une vague curiosité.

« Alors ? C’est un drôle de testament ! Il fera certainement couler beaucoup d’encre et gagner beaucoup d’argent aux gens de loi. Imaginez que votre père laisse toute sa fortune à ses trois femmes ! »

Le jeune homme fit un effort pour comprendre.

« Ses trois… ?

— Oui ! Sa femme légitime actuelle. Ensuite votre mère ! Enfin sa petite amie Nine, qui était hier encore votre voisine de chambre ! Il charge le notaire de faire en sorte qu’elles reçoivent chacune une part égale… »

Roger ne bronchait pas. Il avait l’air de réfléchir. Mais non de réfléchir à une affaire le concernant personnellement.

« C’est crevant ! dit-il enfin d’une voix grave qui contrastait avec ses paroles.

— C’est exactement ce que j’ai dit au colonel.

— Quel colonel ?

— Un oncle de Mme Couchet… Il joue auprès d’elle les messieurs de la famille…

— Il doit tirer une bobine !

— Comme vous dites ! »

Le jeune homme sortit ses jambes du lit, saisit un pantalon jeté sur le dossier d’une chaise.

« Vous ne paraissez pas très affecté par cette nouvelle.

— Moi, vous savez… »

Il boutonnait son pantalon, cherchait le peigne, fermait la fenêtre qui laissait pénétrer un air trop frais.

« Vous n’avez pas besoin d’argent ? »

Maigret était soudain sérieux. Son regard se faisait pesant, inquisiteur.

« Je n’en sais rien.

— Vous ne savez pas si vous avez besoin d’argent ? »

Roger braqua sur le commissaire un regard glauque et Maigret se sentit mal à l’aise.

« Je m’en f… !

— Ce n’est pas que vous gagniez trop largement votre vie !

— Je ne gagne pas un sou ! »

Il bâilla, se regarda dans la glace d’un air morne. Maigret s’aperçut que Céline s’était éveillée. Elle ne bougeait pas. Elle avait dû entendre une partie de la conversation, car elle observait les deux hommes avec curiosité.

Elle aussi, pourtant, avait besoin du verre d’eau ! Et l’atmosphère de cette chambre, avec son désordre, son odeur fade, ces deux êtres avachis, était comme la quintessence d’un monde découragé.

« Vous avez de l’argent de côté ? »

Roger commençait à en avoir assez de cette conversation. Il chercha son veston, y prit un mince portefeuille marqué à son chiffre, le lança à Maigret.

« Fouillez ! »

Deux billets de cent francs, quelques coupures, un permis de conduire et un vieux carton de vestiaire.

« Que comptez-vous faire si on vous frustre de l’héritage ?

— Je ne veux pas d’héritage !

— Vous n’attaquerez pas le testament ?

— Non ! »

Cela sonna drôlement. Maigret, qui fixait le tapis, leva la tête.

« Trois cent soixante mille francs vous suffisent ? »

Alors, l’attitude du jeune homme changea. Il marcha vers le commissaire, s’arrêta à moins d’un pas de lui, au point que leurs épaules se touchaient. Et, les poings serrés, il grommela :

« Répétez ! »

À ce moment, il avait quelque chose de canaille dans l’allure ! Cela sentait le faubourg, la rixe de bistrot.

« Je vous demande si les trois cent soixante mille francs de Couchet vous… »

Il eut juste le temps d’attraper au vol le bras de son interlocuteur. Sinon il eût reçu un des plus beaux coups de poing de sa vie !

« Calmez-vous ! »

Justement, Roger était calme ! Il ne se débattait pas ! Il était pâle. Son regard était fixe. Il attendait que le commissaire voulût bien le lâcher.

Était-ce pour frapper à nouveau ? Quant à Céline, elle avait sauté du lit, en dépit de sa demi-nudité. On la sentait prête à ouvrir la porte pour appeler au secours.

Tout se passa tranquillement. Maigret ne serra le poignet que quelques secondes et, quand il lui rendit la liberté de ses mouvements, le jeune homme ne bougea pas.

Il y eut un long silence. On eût dit que chacun hésitait à le rompre, comme, dans un combat, chacun hésite à frapper le premier.

Et enfin ce fut Roger qui parla.

« Vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude ! »

Il ramassa par terre une robe de chambre mauve qu’il lança à sa compagne.

« Voulez-vous me dire ce que vous comptez faire, une fois vos deux cents francs dépensés ?

— Qu’est-ce que j’ai fait jusqu’à présent ?

— Il n’y a qu’une petite différence : votre père est mort et vous ne pourrez plus le taper… »

Roger haussa les épaules avec l’air de dire que son interlocuteur n’y comprenait rien du tout.

Il y avait une ambiance indéfinissable. Pas du drame à proprement parler. Autre chose, de poignant ! Peut-être une atmosphère de bohème sans poésie ? Peut-être ce portefeuille et ces deux billets de cent francs ?… Ou encore la femme inquiète qui venait d’avoir la révélation que le lendemain ne serait pas semblable aux jours précédents, qu’il faudrait chercher un nouvel appui ?

Ou plutôt non ! C’était Roger lui-même qui faisait peur ! Parce que ses faits et gestes ne correspondaient pas à son passé, tranchaient avec ce que Maigret savait de son caractère !

Son calme… Et ce n’était pas de la pose !… Il était vraiment calme, calme comme quelqu’un qui…

« Donnez-moi votre revolver ! » dit soudain le commissaire.

Le jeune homme le tira d’une poche de son pantalon, le tendit, avec une ombre de sourire.

« Vous me promettez de… »

Il n’acheva pas, car il voyait la femme prête à crier d’effroi. Elle ne comprenait pas. Mais elle sentait que quelque chose de terrible se passait.

De l’ironie, dans les yeux de Roger.

Ce fut presque une fuite. Maigret, qui n’avait plus rien à dire, aucun geste à esquisser, battit en retraite, heurta en sortant le chambranle de la porte et étouffa un juron.

Dans la rue, il avait perdu son humeur allègre du matin. Il ne trouvait plus du tout à la vie des allures de farce. Il leva la tête pour regarder la fenêtre du couple. Elle était fermée. On ne voyait rien.

Il était mal à l’aise comme on l’est tout à coup quand on cesse de comprendre.

Il y avait eu deux ou trois regards de Roger… Il n’aurait pu les expliquer… Mais enfin ! Ce n’étaient pas les regards auxquels il s’attendait… C’étaient des regards qui ne concordaient pas avec le reste…

Il revint sur ses pas, parce qu’il avait oublié de demander à l’hôtel la nouvelle adresse de Nine.

« Sais pas ! dit le portier. Elle a payé sa chambre et elle est partie avec sa valise ! Pas besoin de taxi… Elle a dû choisir un hôtel meilleur marché dans le quartier…

— Dites donc… si… s’il arrivait quelque chose dans la maison… Oui… quelque chose d’inattendu… je vous prierais de m’avertir personnellement à la Police judiciaire… Commissaire Maigret… »

Il s’en voulait de cette démarche-là. Que pouvait-il arriver ? N’empêche qu’il pensait aux deux billets de cent francs dans le portefeuille, au regard apeuré de Céline.

Un quart d’heure plus tard, il entrait au Moulin-Bleu par la porte des artistes. La salle était vide, obscure, les fauteuils et le rebord des loges couverts de lustrine verte.

Sur la scène, six femmes, frileuses malgré leurs manteaux, répétaient sans cesse le même pas – un pas ridiculement simple – tandis qu’un petit homme grassouillet s’égosillait, hurlant un air de musique.

« Un !… Deux !… tra la la la… Mais non !… Tra la la la… Trois !… Trois, non de D… ! »

Nine était la deuxième des femmes. Elle avait reconnu Maigret, qui se tenait debout près d’une colonne. L’homme l’avait vu aussi, mais ça lui était égal.

« Un !… Deux !… tra la la la… »

Cela dura un quart d’heure. Il faisait plus froid que dehors et Maigret avait les pieds glacés. Enfin le petit homme essuya son front, lança une injure à sa troupe en guise d’adieu.

« C’est pour moi ? cria-t-il de loin à Maigret.

— Non !… C’est pour… »

Nine s’approchait, gênée, se demandait si elle devait tendre la main au commissaire.

« J’ai une nouvelle importante à vous annoncer…

— Pas ici… Nous n’avons pas le droit de recevoir au théâtre… Sauf le soir, parce que cela fait des entrées… »

Ils s’assirent devant le guéridon d’un petit bar voisin.

« On a trouvé le testament de Couchet… Il lègue toute sa fortune à trois femmes… »

Elle le regardait avec étonnement, sans soupçonner la vérité.

« Sa première femme d’abord, bien qu’elle soit remariée… Puis la seconde… Puis vous… »

Elle gardait les yeux fixés sur Maigret qui vit les prunelles s’agrandir, puis s’embuer.

Et enfin elle se cacha le visage dans les mains pour pleurer.

VIII

LE GARDE-MALADE

Il avait une maladie de cœur. Il le savait.

Nine avala une gorgée d’un apéritif couleur de rubis.

« C’est pour cela qu’il se ménageait. Il disait qu’il avait assez travaillé, qu’il était temps pour lui de jouir de la vie…

— Il parlait quelquefois de la mort ?

— Souvent !… Mais pas de… de cette mort-là !… Il pensait à sa maladie de cœur… »

C’était un de ces petits bars où ne fréquentent que des habitués. Le patron regardait Maigret à la dérobée comme un bourgeois en bonne fortune. Devant le zinc, on parlait des courses de l’après-midi.

« Il était triste ?

— C’est difficile à expliquer ! Parce que ce n’était pas un homme comme les autres. Par exemple, on était au théâtre, ou ailleurs. Il s’amusait. Puis, sans raison, il disait avec un gros rire :

« — Saloperie de vie, hein, Ninette !… »

— Il s’occupait de son fils ?

— Non…

— Il en parlait ?

— Presque jamais ! Seulement quand il était venu le taper.

— Et que disait-il ?

— Il soupirait : « Quel pauvre crétin !… »

Maigret l’avait déjà senti ; pour une raison ou pour une autre, Couchet n’avait guère d’affection pour son fils. Il semblait même qu’il eût été écœuré par le jeune homme. Écœuré au point de ne pas essayer de le tirer d’affaire !

Car il ne lui avait jamais fait de morale. Et il lui donnait de l’argent pour s’en débarrasser, ou par pitié.

« Garçon ! Qu’est-ce que je vous dois ?

— Quatre francs soixante ! »

Nine sortit avec lui du bistrot et ils restèrent un instant sur le trottoir de la rue Fontaine.

« Où habitez-vous maintenant ?

— Rue Lepic, le premier hôtel à gauche. Je n’ai pas encore regardé le nom. C’est assez propre…

— Quand vous serez riche, vous pourrez… »

Elle eut un sourire humide.

« Vous savez bien que je ne serai jamais riche ! Je n’ai pas une tête à cela… »

Le plus étrange c’est que Maigret avait exactement cette impression ! Nine n’avait pas une tête à être riche un jour ! Il n’aurait pu dire pourquoi.

« Je vous accompagne jusqu’à la place Pigalle, où je vais prendre mon tramway… »

Ils marchèrent lentement, lui énorme, pesant, elle toute mièvre à côté du large dos de son compagnon.

« Si vous saviez comme cela me déroute d’être seule ! Heureusement qu’il y a le théâtre, avec deux répétitions par jour en attendant que la nouvelle revue soit prête… »

Elle devait faire deux pas pour un pas de Maigret, si bien qu’elle courait presque. À l’angle de la rue Pigalle, elle s’arrêta soudain, cependant que le commissaire fronçait les sourcils, grommelait entre ses dents :

« L’imbécile ! »

On ne pouvait pourtant rien voir. En face de l’hôtel Pigalle, il y avait un rassemblement d’une quarantaine de personnes. Un agent, sur le seuil, essayait de faire circuler la foule.

C’était tout ! Mais il y avait cette atmosphère spéciale, ce silence qu’on n’obtient dans la rue que lors des catastrophes.

« Qu’est-ce que c’est ? bégaya Nine… À mon hôtel !…

— Non ! Ce n’est rien ! Rentrez chez vous…

— Mais… si…

— Rentrez chez vous ! » commanda-t-il sèchement.

Et elle obéit, intimidée, tandis que le commissaire se frayait un passage dans la foule. Il fonçait comme un bélier. Des femmes l’injuriaient. Le sergent de ville le reconnut et le fit entrer dans le corridor de l’hôtel.

Le commissaire du quartier était déjà là, en conversation avec le portier qui s’écria en désignant Maigret :

« C’est lui. Je le reconnais… »

Les deux policiers se serrèrent la main. On entendait des sanglots, des gémissements et des murmures confus dans un petit salon qui donnait sur le hall.

« Comment a-t-il fait ? questionna Maigret.

— La fille qui vit avec lui déclare qu’il était devant la fenêtre, très calme. Elle s’habillait. Il la regardait en sifflant… Il ne s’est interrompu que pour lui dire qu’elle avait de jolies cuisses, mais que les mollets étaient trop maigres… Puis il s’est remis à siffler… Et soudain elle n’a plus rien entendu… Elle a été angoissée par une sensation de vide… Il n’était plus là !… Il n’avait pas pu sortir par la porte…

— Compris ! Il n’a blessé personne en tombant sur le trottoir ?

— Personne ! Tué net ! La colonne vertébrale brisée en deux endroits… »

« Les voici ! » vint annoncer le sergent de ville.

Et le commissaire du quartier expliqua à Maigret :

« L’ambulance… Il n’y a rien à faire d’autre… Est-ce que vous savez s’il y a des parents à prévenir ?… Quand vous êtes arrivé, le portier me disait justement que le jeune homme avait reçu ce matin une visite… Un homme grand et fort… Il me donnait le signalement de cet homme, au moment où je vous ai vu… C’était vous ! Est-ce que je dois quand même faire un rapport, ou vous occupez-vous de tout ?

— Faites un rapport.

— Et pour la famille ?

— Je m’en occuperai. »

Il poussa la porte du salon, vit une forme étendue par terre, entièrement recouverte par une couverture prise à un des lits.

Céline, affalée dans un fauteuil, faisait entendre maintenant un ululement régulier, tandis qu’une grosse femme, la patronne ou la gérante, lui prodiguait des consolations.

« Ce n’est pas comme s’il s’était tué pour vous, n’est-ce pas ?… Vous n’y pouvez rien… Vous ne lui avez jamais rien refusé… »

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Lombre chinoise отзывы

Отзывы читателей о книге Lombre chinoise, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*