Очерки истории Франции XX–XXI веков. Статьи Н. Н. Наумовой и ее учеников - Коллектив авторов
Après les élections législatives de 1951, la Pravda, fidèle à sa capacité de falsifier les faits et de les présenter sous un jour conforme aux intérêts de la propagande soviétique, notait avec satisfaction le fait que «les hâbleurs du parti de De Gaulle, tels que Michelet (ex-ministre de Guerre) et Terrenoire s’étaient trouvés en dehors du Parlement» et que la réaction française n’avait pas réussi à «éliminer les communistes du Parlement ce qu’exigeaient de la France les occupants américains afin de rendre l’Assemblée nationale pareille au Reichstag hitlérien avec de Gaulle en tête»[604].
D’autres journaux soviétiques reprennent les invectives de l’organe du CC du PCUS. Entre autres, la Literatournaia gazeta très lue dans les milieux intellectuels soviétiques affirmait en mai-juin 1951 que de Gaulle, «fauteur de guerre», voulait «devenir un Hitler français»[605].
Si la presse soviétique ne justifie généralement pas ses opinions négatives au sujet du RPF et ne cite jamais le programme de ce parti, les archives appartenant naguère au PCUS[606]témoignent d’une autre approche. Ayant des contacts constants et suffisamment étroits avec les responsables du mouvement communiste français, les fonctionnaires de la section internationale du CC du PCUS suivent avec attention les activités du RPF, étudient les orientations de son programme. Néanmoins, la guerre froide, le regain de la répression en URSS, l’hystérie anti-impérialiste toujours plus intense, l’hostilité à l’égard de tout «parti bourgeois», «défenseur du régime capitaliste», toutes ces particularités du moment contribuent au fait que les documents du Parti de même que la presse soviétique officielle attribuent à l’activité de De Gaulle et de son Rassemblement des caractéristiques défavorables, le plus souvent injustes et fausses, basées sur les informations largement subjectives fournies au CC du PCUS par les dirigeants du Parti communiste français. Suivant le principe que «celui qui ne se range pas du côté du PCF est l’ennemi du socialisme», le mouvement gaulliste était présenté comme la menace principale à l’indépendance nationale de la France et au maintien du régime républicain. L’intention de De Gaulle d’instaurer «un pouvoir fort» est considérée comme sa volonté d’établir la dictature; l’idée gaulliste de «grandeur nationale» est interprétée comme une preuve de la «politique impérialiste d’expansion»; les réformes sociales avancées par le RPF – comme celles n’ayant pour but que de détruire la solidarité de classe des travailleurs français afin «d’intensifier par la suite leur asservissement par le grand capital»[607].
Analysant les informations fournies par les leaders du PCF, dont Étienne Fajon à la section internationale du CC du PCUS les responsables soviétiques précisent dans les documents secrets, en septembre 1947, que «l’activité actuelle de la fraction gaulliste et de son chef donne un éclat nouveau à la diffusion des thèmes idéologiques du néo-fascisme: le culte de «l’État fort» et de l’homme providentiel, l’anathème contre les partis, le paternalisme, le corporatisme»[608]. Les documents du parti datés du mois de septembre 1947 signalent que «les partis gouvernementaux de la Troisième Force cherchent à frayer le chemin au RPF, à créer la base de «réconciliation», à faire naître une large coalition anticommuniste et à réunir les forces des partis américains»[609]. Le RPF y figure en tant que «mouvement de caractère fasciste au service de l’impérialisme américain»[610]. En se fondant sur les jugements de Georges Soria, membre du PCF, chef de la rubrique internationale du journal parisien Ce soir, le président de la direction de la VOKS[611], V. Kemenov, note le 16 septembre 1948: «La vie idéologique en France est menacée de deux dangers: primo, le fascisme militant de Malraux avec son pathos de faux héroïsme (idéologie gaulliste); secundo, la philosophie de désintégration et de décadence de Sartre[612]».
Youri Jokov, éditorialiste connu, correspondant de la Pravda à Paris, présente, le 11 juin, à l’intention des membres du CC du PCUS la relation intitulée: «Caractéristiques de la situation politique en France à la veille des élections législatives du 17 juin 1951». Le journaliste fait remarquer «qu’on peut s’attendre à ce que la réaction française fouettée par Washington essayera de mettre à son profit les élections législatives pour réaliser de fait, à cette étape même, le coup d’État fasciste en remettant le pouvoir à de Gaulle. Au début tout fait croire que ce projet doit réussir. Pourtant aujourd’hui l’éventualité de l’arrivée au pouvoir de De Gaulle est commentée avec beaucoup moins d’assurance que, disons-le, il y a un mois…»[613]. L’arrivée éventuelle de De Gaulle au pouvoir signifie, aux yeux des leaders communistes français et soviétiques, la victoire «du fascisme et de la guerre», et le RPF est qualifié d’«adversaire principal» du PCF[614]. Ce n’est pas par hasard que la veille des législatives les communistes français précisent qu’une des tâches tactiques primordiales de leur Parti est de «prouver aux électeurs que le complot entre les dirigeants du MRP, de la SFIO et ceux des radicaux et des indépendants, suppôts de De Gaulle, prépare son arrivée au pouvoir, c’est-à-dire l’instauration de la dictature fasciste en France, et l’intensification ultérieure de la politique pro-américaine et antisoviétique visant à une nouvelle guerre»[615].
Or, les élections législatives n’apportent pas la victoire réelle au RPF: le Rassemblement n’arrive pas à obtenir la majorité absolue au Parlement qui aurait permis de modifier la Constitution de 1946; et, lors des élections, de Gaulle n’a pas voulu présenter de candidats en faisant union avec d’autres partis. Même devant ces faits, les responsables des partis communistes français et soviétique signalant dans les documents secrets un certain recul du RPF, soutiennent l’idée que «le danger de l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle reste toujours réel» [616]. Au printemps 1952, Youri Joukov présentant son rapport à L. Ilitchev, rédacteur en chef de la Pravda, précise que «de Gaulle malgré la victoire de «l’indépendant» Pinay veut toujours prendre le pouvoir entre des mains… et, après l’échec de ses avances aux amis de Pétain, il essaie une fois de plus de mettre le masque de «l’homme du 18 juin»