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Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut

Читать бесплатно Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut. Жанр: Иностранные языки издательство -, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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Or, seigneurs, quand Perinis s’en retourna vers Tintagel, il advint qu’il aperçut dans un fourré le même forestier qui, naguère, ayant surpris les amants endormis, les avait dénoncés au roi. Un jour qu’il était ivre, il s’était vanté de sa traîtrise. L’homme, ayant creusé dans la terre un trou profond, le recouvrait habilement de branchages, pour y prendre loups et sangliers. Il vit s’élancer sur lui le valet de la reine et voulut fuir. Mais Perinis l’accula sur le bord du piège : « Espion qui as vendu la reine, pourquoi t’enfuir ? Reste là, près de la tombe, que toi-même as pris le soin de creuser ! »

Son bâton tournoya dans l’air en bourdonnant. Le bâton et le crâne se brisèrent à la fois, et Perinis le Blond, le Fidèle, poussa du pied le corps dans la fosse couverte de branches.

Au jour marqué pour le jugement, le roi Marc, Iseut et les barons de Cornouailles, ayant chevauché jusqu’à la Blanche-Lande, parvinrent en bel arroi devant le fleuve, et, massés au long de l’autre rive, les chevaliers d’Arthur les saluèrent de leurs bannières brillantes. Devant eux, assis sur la berge, un pèlerin miséreux, enveloppé dans sa chape, où pendaient des coquilles, tendait sa sébile de bois et demandait l’aumône d’une voix aiguë et dolente. À force de rames, les barques de Cornouailles approchaient. Quand elles furent près d’atterrir, Iseut demanda aux chevaliers qui l’entouraient : « Seigneurs, comment pourrai-je atteindre à la terre ferme, sans souiller mes longs vêtements dans cette fange ? Il faudrait qu’un passeur vint m’aider ».

L’un des chevaliers héla le pèlerin : « Ami, retrousse ta chape, descends dans l’eau et porte la reine, si pourtant tu ne crains pas, cassé comme je te vois, de fléchir à mi-route ».

L’homme prit la reine dans ses bras. Elle lui dit tout bas : « Ami ! » Puis, tout bas encore : « Laisse-toi choir sur le sable ». Parvenu au rivage, il trébucha et tomba, tenant la reine pressée entre ses bras. Écuyers et mariniers, saisissant les rames et les gaffes, pourchassaient le pauvre hère. « Laissez-le, dit la reine ; sans doute un long pèlerinage l’avait affaibli ». Et détachant un fermail d’or fin, elle le jeta au pèlerin.

Devant le pavillon d’Arthur, un riche drap de soie de Nicée[54] était tendu sur l’herbe verte, et les reliques des saints, retirées des écrins et des châsses[55], y étaient déjà disposées. Monseigneur Gauvain, Girflet et Ké le sénéchal les gardaient. La reine, ayant supplié Dieu, retira les joyaux de son cou et de ses mains et les donna aux pauvres mendiants ; elle détacha son manteau de pourpre et sa guimpe fine, et les donna ; elle donna son chainse et son bliaut et ses chaussures enrichies de pierreries. Elle garda seulement sur son corps une tunique sans manches, et, les bras et les pieds nus, s’avança devant les deux rois. À l’entour, les barons la contemplaient en silence, et pleuraient. Près des reliques brûlait un brasier. Tremblante, elle étendit la main droite vers les ossements des saints et dit : « Roi de Logres et roi de Cornouailles, sire Gauvain, sire Ké, sire Girflet, et vous tous qui serez mes garants, par ces corps saints et par tous les corps saints qui sont en ce monde, je jure que jamais un homme né de femme ne m’a tenue entre ses bras, hormis le roi Marc, mon seigneur, et le pauvre pèlerin qui, tout à l’heure, s’est laissé choir à vos yeux. Roi Marc, ce serment convient-il ? – Oui, reine, et que Dieu manifeste son vrai jugement ! – Amen ! » dit Iseut.

Elle s’approcha du brasier, pâle et chancelante. Tous se taisaient : le fer était rouge. Alors, elle plongea ses bras nus dans la braise, saisit la barre de fer, marcha neuf pas en la portant, puis l’ayant rejetée, étendit ses bras en croix, les paumes ouvertes. Et chacun vit que sa chair était plus saine que prune de prunier.

Alors de toutes les poitrines un grand cri de louange monta vers Dieu.

XIII

La voix du rossignol

Quand Tristan, rentré dans la cabane du forestier Orri, eut rejeté son bourdon et dépouillé sa chape de pèlerin, il connut clairement en son cœur que le jour était venu de tenir la foi jurée au roi Marc et de s’éloigner du pays de Cornouailles.

Que tardait-il encore ? La reine s’était justifiée, le roi la chérissait, il l’honorait. Arthur au besoin la prendrait en sa sauvegarde, et, désormais, nulle félonie ne prévaudrait contre elle. Pourquoi plus longtemps rôder aux alentours de Tintagel ? Il risquait vainement sa vie, et la vie du forestier, et le repos d’Iseut. Certes, il fallait partir, et c’est pour la dernière fois, sous sa robe de pèlerin, à la Blanche-Lande, qu’il avait senti le beau corps d’Iseut entre ses bras. Trois jours encore, il tarda, ne pouvant se déprendre du pays où vivait la reine. Mais quand vint le quatrième jour, il prit congé du forestier qui l’avait hébergé et dit à Gorvenal : « Beau maître, voici l’heure du long départ : nous irons vers la terre de Galles ».

Ils se mirent à la voie, tristement, dans la nuit. Mais leur route longeait le verger enclos de pieux où Tristan, jadis, attendait son amie. La nuit brillait limpide. Au détour du chemin, non loin de la palissade, il vit se dresser dans la clarté du ciel le tronc robuste du grand pin. « Beau maître, attends sous le bois prochain ; bientôt je serai revenu. – Où vas-tu ? Fou, veux-tu sans répit chercher la mort ? » Mais déjà, d’un bond assuré, Tristan avait franchi la palissade de pieux. Il vint sous le grand pin, près du perron de marbre clair. Que servirait maintenant de jeter à la fontaine des copeaux bien taillés ? Iseut ne viendrait plus ! A pas souples et prudents, par le sentier qu’autrefois suivait la reine, il osa s’approcher du château.

Dans sa chambre, entre les bras de Marc endormi, Iseut veillait. Soudain, par la croisée entr’ouverte où se jouaient les rayons de la lune, entra la voix d’un rossignol. Iseut écoutait la voix sonore qui venait enchanter la nuit ; elle s’élevait plaintive et telle qu’il n’est pas de cœur cruel, pas de cœur de meurtrier qu’elle n’eût attendri. La reine songea : « D’où vient cette mélodie?… ». Soudain elle comprit : « Ah ! C’est Tristan ! Ainsi dans la forêt du Morois il imitait pour me charmer les oiseaux chanteurs. Il part, et voici son dernier adieu. Comme il se plaint ! Tel le rossignol quand il prend congé, en fin d’été, à grande tristesse. Ami, jamais plus je n’entendrai ta voix ! »

La mélodie vibra plus ardente. « Ah ! qu’exiges-tu ? que je vienne ! Non, souviens-toi d’Ogrin l’ermite, et des serments jurés. Tais-toi, la mort nous guette… Qu’importe la mort ! Tu m’appelles, tu me veux, je viens ! »

Elle se délaça des bras du roi, et jeta un manteau fourré de gris sur son corps presque nu. Il lui fallait traverser la salle voisine, où chaque nuit dix chevaliers veillaient à tour de rôle ; tandis que cinq dormaient, les cinq autres, en armes, debout devant les huis et les croisées, guettaient au dehors. Mais, par aventure, ils s’étaient tous endormis, cinq sur des lits, cinq sur les dalles. Iseut franchit leurs corps épars, souleva la barre de la porte : l’anneau sonna, mais sans éveiller aucun des guetteurs. Elle franchit le seuil, et le chanteur se tut.

Sous les arbres, sans une parole, il la pressa contre sa poitrine ; leurs bras se nouèrent fermement autour de leurs corps, et jusqu’à l’aube, comme cousus par des lacs, ils ne se déprirent pas de l’étreinte. Malgré le roi et les guetteurs, les amants mènent leur joie et leurs amours.

Cette nuitée affola les amants ; et les jours qui suivirent, comme le roi avait quitté Tintagel pour tenir ses plaids à Saint-Lubin, Tristan, revenu chez Orri, osa chaque matin, au clair soleil, se glisser par le verger jusqu’aux chambres des femmes.

Un serf le surprit et s’en fut trouver Andret, Denoalen et Gondoïne : « Seigneurs, la bête que vous croyez délogée est revenue au repaire. – Qui ? – Tristan. – Quand l’as-tu vu ? – Ce matin, et je l’ai bien reconnu. Et vous pourrez pareillement demain, à l’aurore, le voir venir, l’épée ceinte, un arc dans une main, deux flèches dans l’autre. – Où le verrons-nous ? – Par telle fenêtre que je sais. Mais, si je vous le montre, combien me donnerez-vous ? – Un marc d’argent, et tu seras un manant riche. – Donc écoutez, dit le serf. On peut voir dans la chambre de la reine par une fenêtre étroite qui la domine, car elle est percée très haut dans la muraille. Mais une grande courtine tendue à travers la chambre masque le pertuis. Que demain, l’un de vous trois pénètre bellement dans le verger ; il coupera une longue branche d’épine et l’aiguisera par le bout ; qu’il se hisse alors jusqu’à la haute fenêtre et pique la branche, comme une broche, dans l’étoffe de la courtine ; il pourra ainsi l’écarter légèrement et vous ferez brûler mon corps, seigneurs, si derrière la tenture vous ne voyez pas alors ce que je vous ai dit ».

Andret, Gondoïne et Denoalen débattirent lequel d’entre eux aurait le premier la joie de ce spectacle, et convinrent enfin de l’octroyer d’abord à Gondoïne. Ils se séparèrent : le lendemain, à l’aube, ils se retrouveraient ; demain, à l’aube, beaux seigneurs, gardez-vous de Tristan !

Le lendemain, dans la nuit encore obscure, Tristan, quittant la cabane d’Orri le forestier, rampa vers le château sous les épais fourrés d’épines. Comme il sortait d’un hallier, il regarda par la clairière et vit Gondoïne qui s’en venait de son manoir. Tristan se rejeta dans les épines et se tapit en embuscade : « Ah ! Dieu ! fais que celui qui s’avance là-bas ne m’aperçoive pas avant l’instant favorable! » L’épée au poing, il l’attendait ; mais, par aventure, Gondoïne prit une autre voie et s’éloigna. Tristan sortit du hallier, déçu, banda son arc, visa ; hélas ! l’homme était déjà hors de portée. À cet instant, voici venir au loin, descendant doucement le sentier, à l’amble d’un petit palefroi noir, Denoalen, suivi de deux grands lévriers. Tristan le guetta, caché derrière un pommier. Il le vit qui excitait ses chiens à lever un sanglier dans un taillis. Mais avant que les lévriers l’aient délogé de sa bauge, leur maître aura reçu telle blessure que nul médecin ne saura la guérir. Quand Denoalen fut près de lui, Tristan rejeta sa chape, bondit, se dressa devant son ennemi. Le traître voulut fuir ; vainement : il n’eut pas le loisir de crier : « Tu me blesses ! » Il tomba de cheval, Tristan lui coupa la tête, trancha les tresses qui pendaient autour de son visage et les mit dans sa chausse : il voulait les montrer à Iseut pour en réjouir le cœur de son amie.

«Hélas ! songeait-il, qu’est devenu Gondoïne ? Il s’est échappé : que n’ai-je pu lui payer même salaire ? » Il essuya son épée, la remit en sa gaine, traîna sur le cadavre un tronc d’arbre, et laissant le corps sanglant, il s’en fut, le chaperon en tête, vers son amie. Au château de Tintagel Gondoïne l’avait devancé : déjà, grimpé sur la haute fenêtre, il avait piqué sa baguette d’épine dans la courtine, écarté légèrement deux pans de l’étoffe, et regardait au travers la chambre bien jonchée. D’abord il n’y vit personne que Perinis ; puis ce fut Brangien qui tenait encore le peigne dont elle venait de peigner la reine aux cheveux d’or. Mais Iseut entra, puis Tristan. Il portait d’une main son arc d’aubier et deux flèches ; dans l’autre il tenait deux longues tresses d’homme. Il laissa tomber sa chape, et son beau corps apparut. Iseut la Blonde s’inclina pour le saluer, et comme elle se redressait, levant la tête vers lui, elle vit, projetée sur la tenture, l’ombre de la tête de Gondoïne.

Tristan lui disait : « Vois-tu ces belles tresses ? Ce sont celles de Denoalen. Je t’ai vengée de lui. Jamais plus il n’achètera ni ne vendra écu ni lance ! – C’est bien, seigneur ; mais tendez cet arc, je vous prie : je voudrais voir s’il est commode à bander ». Tristan le tendit, étonné, comprenant à demi. Iseut prit l’une des deux flèches, l’encocha, regarda si la corde était bonne, et dit à voix basse et rapide : « Je vois chose qui me déplaît. Vise bien, Tristan ! »

Il prit la pose, leva la tête et vit, tout au haut de la courtine, l’ombre de la tête de Gondoïne. « Que Dieu, fait-il, dirige cette flèche! » Il dit, se retourne vers la paroi, tire. La longue flèche siffle dans l’air, émerillon ni hirondelle ne vole si vite, crève l’œil du traître, traverse sa cervelle comme la chair d’une pomme, et s’arrête, vibrante, contre le crâne. Sans un cri, Gondoïne s’abattit et tomba sur un pieu.

Alors Iseut dit à Tristan : « Fuis maintenant, ami ! Tu le vois, les félons connaissent ton refuge ! Andret survit, il l’enseignera au roi ; il n’est plus de sûreté pour toi dans la cabane du forestier ! Fuis, ami, Perinis le Fidèle cachera ce corps dans la forêt, si bien que le roi n’en saura jamais nulles nouvelles. Mais toi, fuis de ce pays, pour ton salut, pour le mien ! »

Tristan dit : « Comment pourrais-je vivre ? – Oui, ami Tristan, nos vies sont enlacées et tissées l’une à l’autre. Et moi, comment pourrais-je vivre ? Mon corps reste ici, tu as mon cœur. – Iseut, amie, je pars, je ne sais pour quel pays. Mais, si jamais tu revois l’anneau de jaspe vert, feras-tu ce que je te demanderai par lui ? – Oui, tu le sais : si je revois l’anneau de jaspe vert, ni tour, ni fort château, ni défense royale ne m’empêcheront de faire la volonté de mon ami, que ce soit folie ou sagesse ! – Amie, que le Dieu né en Béthléem t’en sache gré ! – Ami, que Dieu te garde ! »

XIV

Le grelot merveilleux

Tristan se réfugia en Galles, sur la terre du noble duc Gilain. Le duc était jeune, puissant, débonnaire ; il l’accueillit comme un hôte bienvenu. Pour lui faire honneur et joie, il n’épargna nulle peine ; mais ni les aventures ni les fêtes ne purent apaiser l’angoisse de Tristan.

Un jour qu’il était assis aux côtés du jeune duc, son cœur était si douloureux qu’il soupirait sans même s’en apercevoir. Le duc, pour adoucir sa peine, commanda d’apporter dans sa chambre privée son jeu favori qui, par sortilège, aux heures tristes, charmait ses yeux et son cœur. Sur une table recouverted’une pourpre noble et riche, on plaça son chien Petit-Crû[56]. C’était un chien enchanté : il venait au duc de l’île d’Avallon ; une fée le lui avait envoyé comme un présent d’amour. Nul ne saurait par des paroles assez habiles décrire sa nature et sa beauté. Son poil était coloré de nuances si merveilleusement disposées que l’on ne savait nommer sa couleur ; son encolure semblait d’abord plus blanche que neige, sa croupe plus verte que feuille de trèfle, l’un de ses flancs rouge comme l’écarlate, l’autre jaune comme le safran, son ventre bleu comme le lapis-lazuli, son dos rosé ; mais quand on le regardait plus longtemps, toutes ces couleurs dansaient aux yeux et muaient, tour à tour blanches et vertes, jaunes, bleues, pourprées, sombres ou fraîches. Il portait au cou, suspendu à une chaînette d’or, un grelot au tintement si gai, si clair, si doux, qu’à l’ouïr le cœur de Tristan s’attendrit, s’apaisa, et que sa peine se fondit. Il ne lui souvint plus de tant de misères endurées pour la reine ; car telle était la merveilleuse vertu du grelot : le cœur, à l’entendre sonner si doux, si gai, si clair, oubliait toute peine. Et tandis que Tristan, ému par le sortilège, caressait la petite bête enchantée qui lui prenait tout son chagrin et dont la robe, au toucher de sa main, semblait plus douce qu’une étoffe de samit, il songeait que ce serait là un beau présent pour Iseut. Mais que faire ? Le duc Gilain aimait Petit-Crû par-dessus toute chose, et nul n’aurait pu l’obtenir de lui, ni par ruse, ni par prière.

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