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Вадим Вацуро - С.Д.П. Из истории литературного быта пушкинской поры

Читать бесплатно Вадим Вацуро - С.Д.П. Из истории литературного быта пушкинской поры. Жанр: Биографии и Мемуары издательство Языки славянской культуры, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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Qu ’il est pénible, le moment fatal où l’on voit tomber le bandeau rose qui couvrait nos yeux, laissant apercevoir, dans le lointain, un demi-bonheur et des demi-jouissances! Qu’il est pénible, dis-je, cet état où le cœur se voit détrompé! Voici précisément l’état où je me trouve, Madame! Les espérances se sont toutes envolées: un vide affreux que rien ne remplit, règne à présent dans mon cœur… Autrefois il s’ouvrait à la douce amitié, depuis quelque temps il a osé palpiter pour l’amour…

Eh bien, Madame! l ’amour l’ayant trompé et le désir même de l’amitié. Vous, Madame, vous ne le croyez pas, j’ai vu par tout ce que vous m’avez dit que vous n’en croyez rien; ou du moins, si vous condescendez à le croire, ce sentiment ne fait qu’effleurer votre cœur sans y laisser aucune trace, tandis qu’il se grave dans le mien à de traits de feu, à de traits ineffaçables.

Hier j ’ai osé encore me disputer avec vous, et vous, ange de bonté, vous excusez cet excès de folie? Je vous prie, Madame, de me faire la grâce d’impo-ser à l’avenir silence à cette langue hardie qui devient alors comme antipode de mon cœur. Quelques fortes que puissent être mes raisons, il suffit que vous me disiez: C’est mon opinion! et vous verrez que je rentrerai aussitôt dans mon caract ère, dans celui d’un amant humble et soumis, comme je le suis toujours et comme je veux toujours l’être pour

Tout à vous pour la vie O. Somoff. Ce 26 Mai 1821.

Oui, Madame! Vous le voulez; vous voulez mortifier, atterrer un c œur qui vous aime tant! Hier encore j’en ai eu une preuve indubitable: vous avez fait appeler un de ces Messieurs, vous lui avez parlé, vous avez eu l’air de vous intéresser beaucoup à sa conversation… il sort, je m’approche de vous, j’ose vous adresser la parole et vous prétendez que vous voulez vous exercer. Il est beau, le compliment que vous m’avez dit: «que vous ne voulez pas avoir deux plaisirs à la fois: me voir et lire mes lettres». Je l’ai traduit mot par mot en lan-gage du cœur, en langage de vérité: voilà ce qu’il signifie: «aurais-je le temps de penser à toi et à tes lettres». La mine qui accompagnait le compliment l’ex-primait ainsi. — Vous me méprisez, Madame; vous craignez de faire voir aux autres que vous avez même la patience de m’écouter; je ne l’ai que trop compris; vous cherchez toujours des moyens pour éviter un moment d’entretien que je m’empresse de saisir: c’est clair, vous m’avez dit vous-même, ce que je dois faire…

Eh bien, Madame! quelque p énible que soit pour moi le sacrifice, je le consommerais: j’ôterai de vos yeux l’objet de vos dégoûts et de vos mépris, je vous épargnerai la peine de me voir.

Les égards que je vous dois, Mme, à vous et à Mr votre époux m’oblige-ront de paraître de temps en temps chez vous jusqu’à une certaine époque afin d’éviter une interprétatation; mais ces visites seront courtes et ne vous comprometteront point, comme vous avez eu la bonté de me le si gnifier.

La fiert é naturelle à des gens qui n’ont pas le front d’airain, me le com-mande; je ne peux pas supporter qu’on me méprise, je ne veux pas non plus être à charge à personne.

Je me rappelle bien ce que vous avez dit une fois des gens pauvres qui ont du caract ère, au sujet d’une de nos connaissances: «Il est fier, parce qu’il est pauvre». Eh bien, Madame, je suis plus pauvre encore, et je suis fier, bien que la pauvreté ne soit pas un mérite à étaler, comme ce n’est non plus une honte à cacher!

Une de mes lettres pr écédentes vous aura instruite de la justice que je sais me rendre à moi-même, de la vraie opinion que j’ai de mon individu. Il reste encore un grand défaut que je n’ai point nommé, mais que j’ai fait voir dans plusieurs occasions: c’est l’excès de franchise.

Que vous ai-je fait, Madame? je vous aimais!..

Si vous m ’eussiez vu hier dans l’état angoissé où je me trouvais, mon visage enflammé, mes yeux égarés, si vous eussiez pu sentir les palpitations in-termittentes de mon coeur… etc. Non! je n’ai pas voulu vous offrir ce spectacle (qui vous aurait peut-être attrister: je me suis enfui à toute force). Arrivé près de corps-de-garde, en face de la petite église, je me suis trouvé mal; un bon soldat, qui était en faction, eut pitié de mon état, il a sonné des camarades, qui m ’ont introduit ou plutôt porté dans l’intérieur et m’ont prodigué tous les se-cours qu’ils pouvaient imaginer; grâce aux soins de ces excellents militaires, je me suis un peu remis au bout de quelques moments et je suis parti. Etant rentré chez moi, j’ai eu un accès de fièvre; le sommeil fuyait de mes yeux; mon coeur était serré et ma poitrine oppressée comme si un poids énorme m’écra-sait et me cessait la respiration. Vers dix heures du matin, deux ruisseaux de larmes, de ces larmes brûlantes de désespoir, m’ont un peu soulagé; mais je n’ai pas pu fermer la paupière.

Quand je me souviens que voil à un mois, que j’ai été traité bien autre-ment! Oh! ç’était le jour de mon bonheur, trop <нрзб.>, il est seul dont le s ouvenir me soit doux, dont l’agréable image effleure encore mes lèvres d’un sou-rire des bienheureux, il m’ouvrait les cieux pour me replonger dans l’abyme du néant. Je me dit alors: Oh, de qui dependait mon bonheur? et qui s’est joué du crédule? Confiant, je me livrai entièrement… <незак.>

Simple et confiant, je me sens si faste; malheureux par ma condition, d étrompé du bonheur et des plaisirs de la vie, presque mort dans l’âme… Oh! Si j’étais mort en effet, ce serait pour moi une félicité…[334]

Jouissez, Madame, du bonheur qui doit toujours être votre partage. Oub-liez un malheureux qui n’est pas digne de votre souvenir, arrachez son nom partout où il se trouve, ainsi que tout ce qui peut le rappeler à votre mémoire. Adieu, Madame!

J’ai l’honneur d’être avec une estime sans bornes (je veux cacher au fond de mon âme l’expression des sentiments plus tendres).

Madame!

Votre tr ès humble, très dévoué serviteur Oreste Somoff. Ce 27 mai, à 1 heure après minuit.

Que l ’opinion de l’objet adoré a de puissance sur nous! Elle nous élève l’âme, nous communique une dignité ou nous abaisse et nous atterrie. Peu de jours avant, lorsque j’étais honoré d’un gracieux accueil, lorsque j’avais la permission de vous suivre sans m’attirer votre indignation j’étais aux cieux, je me supposais même plus de mérite que je n’en aie, je prenais un maintien plus sûr et si j’ose le dire, plus noble, afin de pouvoir vous contempler avec plus de dignité… Aujourd’hui méprisé, proscrit, je m’humilie à mes propres yeux, je n’ose presque <оторван край листа> mes regards sur votre personne. Dans ce même instant rentré sous mon humble toit, j’hésitais si je devais allumer la lumi ère; <оторв.> craignais de remarquer quelque chose d’odieux <оторв.> et dans mes propres traits j’avais peur de moi-même.

Ce 28 Mai, à 11 heures du matin.

Le sort en est jet é; cette lettre doit parvenir à sa destination; c’est mon droit de mort… Quel supplice! mon âme est déchirée, mon cœur en proie aux mille tourments qui le torturent, ma tête s’égare!.. Soutiens-moi, juste Ciel! prête-moi assez de forces po ur pouvoir remettre cette lettre fatale.

à midi.

Ah! un mot de salut, Madame! et vous m ’arrêtez sur le bout du précipice.

Ce 31 mai 1821.

Je sais que je ne devais plus vous écrire, Madame! peut-être suis-je fau-tif envers vous: mais vous, Madame, vous qui êtes une divinité par la figure, par l’esprit, par le cœur, vous devrez aussi avoir une bonté divine, vous devrez pardonner à un homme dont la tête s’égare, dont la raison se trouble, dont le cœur est malade, et malade sans espoir de guérison. Je vous ai conjuré, com-me un signe de grâce, comme un signe de vie de m’écrire petit billet de votre main pour lundi; un billet qui m’aît dit que je ne suis pas encore tout à fait perdu dans votre opinion, que je ne suis pas méprisé, proscrit. — La journée passe, le billet n’arrive point, et je suis dans des transes mortelles qui ne s’apaisent pas même jusqu’en ce moment-ci.

Eh bien, Madame, tout vient à l’appui de mes soupçons; par excès d’hu-manité, seulement, vous n’avez pas voulu me le confirmer en face, pour ne pas réduire au désespoir un homme dont les sentiments ne vous sont que trop con-nus. Vous dirai-je, Madame? c’est exprès que dans ma dernière visite, resté seul auprès de vous, j’ai hasardé ce mot de caresse: c’était une pierre de touche, une espèce de sonde: vous n’avez pas manqué à me demander d’un air grave et d’un ton de voix sévère: Quelle caresse. C’est alors que j’ai balbutié pour vous répondre. Soyez sincère une seule fois avec moi, Madame! Dites que je vous déplais, que je vous ennuie: un aveu de cette nature sera dorénavant la boussole de ma conduite.

C ’est une chose inexplicable que le cœur: torture que j’acquiers, la tris-te certitude de n’être plus agréé, il ne bat que pour vous: mon imagination est rempli de votre image, je me promène, je vois une dame de votre taille, et c’est vous que je crois reconnaître en elle: j’écris sur ma table, je détourne la tête, et c’est vous encore que je vois à côté de moi. C’est une fièvre blanche; je bats la campagne, Madame: n’en soyez point fâchée, plaignez-moi. Hélas! que j’en-vie… je n’ose pas achever: mon père là-haut s’en fâcherait… je me prosterne devant lui.

Malheureux! et j ’ose aussi me traîner à vos pieds

Madame! Votre tr ès-humble et très dévoué serviteur O. Somoff.ДНЕВНИК О. СОМОВА

J’ aurais payé de mon existence si j’avais pu être heureux avec elle une seule fois dans ma vie: oui, je le jure même à prèsent, quand je veux l’oublier, que si on me disait: tu seras comblé de ses faveurs, mais tu seras mort une heure après par le plus cruel des supplices, — je n’aurais point hésité. Elle a beau prêcher contre l’amour sensuel et pour l’amour platonique: elle n’est point faite pour ce dernier. Ces regards provoquants, cette haleine qui respire le plaisir, ces attitudes, ces gestes involontaires si voluptueux, si propres à inspirer et à exciter un amant passionné, ces demi-mots qui entre’ouvrent le paradis; tout cela n’est pas en harmonie avec cette chaleur douce et monotone qu’exige un amour platonique.

Depuis ce temps-l à elle a changé totalement sa conduite à mon égard. Elle me boudait, elle me reprochait même le désir d’être heureux pendant ce fatal tête-à-tête. J’ai vu alors son triomphe et ma défaite; j’at vu que je perdais dans son opinion et qu’elle voulait se prévaloir de l’ombre de faveur qu’elle m’avait une fois accordée. Enfin, donnant la préférence à mes yeux tantôt à celui-là, tantôt à cet autre, elle avait cru me blesser, m’outrager par ses démar-ches. Parlant sans cesse à l’ècart aux autres, elle n’a pas voulu me laisser dire deux mots de suite; si je me trouvais seul avec elle, elle affectait une hauteur et une espèce de mépris, dont elle voulait sans doute m’accabler. Elle s’y trompe: je suis le premier à reconnaître mon peu de mérite; et surtout j’étu-diais bien mon extérieur simple et bénin, que je n’ai jamais pris la peine de composer. Et dernièrement, sachant que je suis venu, elle envoyait sa fille de chambre, tantôt pour prendre un livre, tantôt pour lui apporter un coussin ce qui voulait dire d’une maniére très visible: je sais que tu est là, mais je veux te mortifier, te outrager… Et pourquoi? pour un vain caprice… Oh! cela n’a pas de nom… Mes resolutions sont prises: adieu, Madame! j’ai vingt huit ans et je suis déjà las d’être le jouet de vos fantaisies; il est temps d e se reposer un peu.

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