Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Maigret et son mort

Читать бесплатно Simenon, Georges - Maigret et son mort. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

— Qui est-ce qui fera le marché ? questionna sa femme.

— Tout à l’heure, vous prendrez un taxi et vous irez aux provisions le plus près possible.

— Du fricandeau à l’oseille, cela vous va ?

Elle avait apporté un tablier blanc. Elle était très gaie, très animée. Cela commençait comme une partie de plaisir, comme un jeu.

— On peut retirer les volets, annonça le commissaire. Si les clients vous posent des questions, répondez que vous êtes des remplaçants.

Il monta dans la chambre, trouva un rasoir, du savon à barbe, un blaireau. Pourquoi pas, après tout ? Le petit Albert paraissait propre et bien portant.

Il fit tranquillement sa toilette, et, quand il descendit, la femme de Chevrier était déjà partie faire son marché. Deux hommes étaient accoudés au comptoir, deux mariniers, qui buvaient des cafés arrosés. Ceux-là ne s’inquiétaient pas de savoir qui tenait le bistrot. Sans doute étaient-ils de passage ? Ils parlaient d’une écluse dont la porte avait failli être défoncée la veille par un remorqueur.

— Qu’est-ce que je vous sers, patron ?

Maigret préférait se servir lui-même. En somme, c’était la première fois de sa vie qu’il se versait la bouteille de rhum derrière le comptoir d’un bar. Il se mit soudain à rire.

— Je pense au juge Coméliau, expliqua-t-il.

Il essayait d’imaginer le juge entrant au Petit Albert et trouvant le commissaire de l’autre côté du comptoir avec un de ses inspecteurs.

Pourtant, si on voulait apprendre quelque chose, il n’y avait rien d’autre à faire. Est-ce que ceux qui avaient tué le patron ne seraient pas intrigués en voyant le bar ouvert comme d’habitude ?

Et Nine, si Nine existait encore ?

Vers neuf heures, la vieille voyante passa et repassa devant le café, collant même son visage à la vitre, et s’éloigna enfin en parlant toute seule, un filet à provisions à la main.

Mme Maigret venait de téléphoner pour prendre des nouvelles de son mari :

— Je ne peux pas t’apporter quelque chose ? Ta brosse à dents, par exemple ?

— Merci. J’en ai fait acheter une.

— Le juge a téléphoné.

— Tu ne lui as pas donné mon numéro, j’espère ?

— Non. Je lui ai dit seulement que tu étais sorti depuis hier après-midi.

La femme de Chevrier descendit d’un taxi, dont elle retira de pleins cageots de légumes et de paquets. Comme Maigret l’appelait madame, elle riposta :

— Appelez-moi Irma. Vous verrez que les clients vont tout de suite m’appeler comme ça. Pas vrai, Émile, que le commissaire peut ?

Il ne venait guère de monde. Trois maçons, qui travaillaient sur un échafaudage, dans la rue voisine, vinrent faire la pause. Ils avaient du pain et du saucisson avec eux et commandèrent deux litres de rouge.

— C’est pas malheureux que ce soit rouvert ! On devait aller à dix minutes d’ici pour trouver à boire !

Ils ne s’inquiétaient pas de voir de nouveaux visages.

— L’ancien patron s’est retiré ?

L’un d’eux affirma :

— C’était un bon zigue !

— Vous le connaissiez depuis longtemps ?

— Juste depuis quinze jours qu’on a un chantier dans le quartier. Nous, vous savez, on a l’habitude de changer de crémerie.

Maigret, pourtant, qu’ils voyaient rôder un peu partout, les intriguait légèrement.

— Qui c’est celui-là ? Il a pas l’air d’être de la maison.

Et Chevrier de répondre avec candeur :

— Chut ! Mon beau-père...

Des choses mijotaient sur le fourneau de la cuisine. La maison prenait vie. Un soleil aigrelet entrait par les larges baies du café. Chevrier, manches troussées et maintenues par des élastiques, avait balayé la sciure.

Téléphone.

— C’est pour vous, patron. Moers...

Le pauvre Moers n’avait pas dormi de la nuit. Côté empreintes, il n’avait pas eu beaucoup de succès. Des empreintes, il y en avait de toutes les sortes, sur les bouteilles comme sur les meubles. Pour la plupart, elles étaient déjà vieilles et se superposaient sans ordre. Les plus nettes, qu’il avait transmises au service anthropométrique, ne correspondaient à aucune fiche.

— On a travaillé un peu partout dans la maison avec des gants de caoutchouc. Il n’y a qu’une chose qui ait donné un résultat : c’est la sciure. À l’analyse, j’ai retrouvé des traces de sang.

— Du sang humain ?

— Je le saurai dans une heure. Mais j’en suis presque sûr.

Lucas, qui, ce matin-là, avait eu sa part de travail, arriva vers onze heures, guilleret, et Maigret remarqua qu’il avait choisi une cravate claire.

— Un export-cassis, un ! lança-t-il avec un clin d’œil à son collègue Chevrier.

Irma avait accroché à la porte une ardoise sur laquelle elle avait écrit à la craie, sous les mots « plat du jour » : Fricandeau à l’oseille. On l’entendait aller et venir, affairée, et sans doute n’aurait-elle donné sa place, ce jour-là, pour rien au monde.

— Montons, dit Maigret à Lucas.

Ils s’assirent dans la chambre, près de la fenêtre qu’on avait pu ouvrir tant il faisait doux. La grue fonctionnait au bord de l’eau, extrayant des barriques du ventre d’une péniche. On entendait des coups de sifflet, le grincement des chaînes et toujours, sur l’eau miroitante, un va-et-vient de remorqueurs haletants et affairés.

— Il s’appelle Albert Rochain. Je suis allé aux Indirectes. Il a pris la licence il y a quatre ans.

— Tu n’as pu trouver le nom de sa femme ?

— Non. La licence est à son nom à lui. Je me suis rendu à la mairie, où on n’a pu me donner aucun renseignement. S’il est marié, il l’était déjà en arrivant dans le quartier.

— Au commissariat ?

— Rien. Il paraît que la maison était tranquille. La police n’a jamais eu à intervenir.

Le regard de Maigret se posait sans cesse sur le portrait de son mort qui souriait toujours sur la commode.

— Chevrier en apprendra sans doute davantage tout à l’heure avec les clients.

— Vous restez ici ?

— Nous pourrions déjeuner en bas tous les deux, comme des passants. Pas de nouvelles de Torrence et de Janvier ?

— Ils s’occupent toujours des habitués des courses.

— Si tu peux les rejoindre au bout du fil, dis-leur donc de voir particulièrement à Vincennes.

Toujours la même question : l’hippodrome de Vincennes était pour ainsi dire dans le quartier. Et le petit Albert, comme Maigret, était un homme d’habitudes.

— Les gens ne s’étonnent pas de voir la maison ouverte ?

— Pas trop. Il y a des voisins qui viennent jeter un coup d’œil sur le trottoir. Ils pensent sans doute qu’Albert a revendu son fonds.

À midi, ils étaient attablés tous les deux près de la fenêtre, et Irma en personne les servait. Quelques clients s’étaient assis aux autres tables, notamment les mécaniciens de la grue.

— Albert a enfin touché le gagnant ? dit l’un d’eux en interpellant Chevrier.

— Il est à la campagne pour quelque temps.

— Et c’est vous qui le remplacez ? Il a emmené Nine avec lui ? Peut-être qu’on va manger un peu moins d’ail ; ce qui ne serait pas malheureux ! Ce n’est pas que ce soit mauvais, mais c’est rapport à l’haleine...

L’homme pinça la fesse d’Irma qui passait près de lui, et Chevrier ne broncha pas, subit même, par surcroît, le regard ironique de Lucas.

— Un bon type, en somme ! S’il n’était pas si enragé pour les courses... Mais dites donc, puisqu’il avait un remplaçant, pourquoi a-t-il laissé la maison fermée pendant quatre jours ? Surtout sans avertir les clients ! On a dû se trotter jusqu’au pont de Charenton, le premier jour, pour trouver à croûter. Non, mon petit, jamais de camembert pour moi. Un petit suisse, tous les jours. Et, pour Jules, c’est du roquefort...

Ils étaient quand même intrigués, se parlaient à mi-voix. Irma les intéressait tout particulièrement.

— Chevrier ne tiendra pas le coup longtemps, murmura Lucas à l’oreille de Maigret. Il n’y a que deux ans qu’il est marié. Si les types continuent à laisser traîner leurs mains sur le derrière de sa femme il ne va pas tarder à leur flanquer la sienne à la figure.

Ce ne fut pas si grave. L’inspecteur, pourtant s’approchant pour servir à boire, prononça avec fermeté !

— C’est ma femme.

— Félicitations, mon gars... T’en fais pas, va ! Nous on n’est pas dégoûtés.

Ils riaient aux éclats. Ce n’étaient pas de mauvais bougres, mais ils sentaient confusément que le patron n’était pas à son aise.

— Tu comprends. Albert, lui, avait pris ses précautions... Pas de danger qu’on essaie de lui chiper Nine...

— Pourquoi ?

— Tu ne la connais pas ?

— Je ne l’ai pas vue.

— T’as pas perdu, mon pote... Celle-là aurait été en sûreté dans une chambrée de Sénégalais... La meilleure fille du monde, ça oui... N’est-ce pas, Jules ?

— Quel âge a-t-elle ?

— Tu crois qu’elle a un âge, Jules ?

— C’est vrai qu’elle ne doit pas en avoir... Peut-être trente piges ?... Peut-être cinquante ?... Ça dépend de quel côté on la regarde... Si c’est du côté du bon œil, ça passe... Mais si c’est de l’autre...

— Elle louche ?

— Et comment, petit père !... Il demande si elle louche !... Mais elle pourrait regarder en même temps le bout de tes souliers et la pointe de la tour Eiffel...

— Albert l’aimait ?

— Albert, mon garçon, c’est un copain qui aime ses aises, tu comprends ? Le fricot de ta bourgeoise est bon, il est même fameux... Mais je parie que c’est toi qui te trottes vers les six heures du matin pour aller faire les Halles. Peut-être même que t’as donné un coup de main pour éplucher les patates ? Et, dans une heure, c’est pas elle qui s’appuiera toute la vaisselle pendant que tu iras te pavaner sur l’hippodrome...

« Avec Nine, oui !... Albert menait une vie de caïd... Sans compter qu’elle devait avoir du fric... »

Pourquoi, à ce moment-là, Lucas, regarda-t-il Maigret à la dérobée ? N’était-ce pas un peu comme si on avait abîmé le mort du commissaire ?

Le mécano continuait :

— Je ne sais pas comment elle l’a gagné, mais, tournée comme elle l’était, c’est sûrement pas en faisant le business...

Maigret ne bronchait pas. Il y avait même un léger sourire sur ses lèvres. Il ne perdait pas un mot de ce qu’on disait. Les mots se transformaient automatiquement en images. Le portrait du petit Albert se complétait peu à peu, et le commissaire paraissait garder toute son affection au personnage qui se précisait de la sorte.

— De quelle province vous êtes, vous autres ?

— Du Berry, répondait Irma.

— Moi, du Cher, faisait Chevrier.

— Alors, c’est pas dans votre patelin que vous avez connu Albert. Lui, c’est un gars du Nord, un ch’timmi... C’est pas de Tourcoing, Jules ?

— De Roubaix.

— C’est du pareil au même.

Maigret intervint dans la conversation, ce qui n’avait rien de surprenant dans un café d’habitués.

— Il n’a pas travaillé aux environs de la gare du Nord ?

— Au Cadran, oui. Il a été garçon pendant dix ou douze ans dans la même brasserie avant de s’installer ici.

Ce n’était pas par hasard que Maigret avait posé sa question. Il connaissait les gens du Nord qui, quand ils viennent à Paris, semblent avoir toutes les peines du monde à s’éloigner de leur gare, de sorte qu’ils forment une véritable colonie du côté de la rue de Maubeuge.

— Ça ne doit pas être là qu’il a connu Nine.

— Là ou ailleurs, il a gagné le gros lot. Pas pour ce qui est de la bagatelle, bien sûr... Mais pour ce qui est de n’avoir plus à se faire de soucis...

— Elle est du Midi ?

— Vous pourriez dire midi et demi !

— Marseille ?

— Toulouse !... Avé l’assent ! À côté de son accent à elle, celui du type qui fait les annonces à Radio-Toulouse est de la petite bière... L’addition, mon petit... Dis donc, patron, et les bonnes manières ?

Chevrier fronçait les sourcils, dérouté. Maigret, lui, venait de comprendre. C’est lui qui intervint :

— Il a raison ! Quand une maison change de patron, ça s’arrose...

Il ne vint que sept clients en tout pour le déjeuner. Un des cavistes de chez Cess, un homme d’un certain âge, à l’air renfrogné, mangea en silence, dans un coin, furieux de tout, de la cuisine qui n’était plus la même, du couvert qui n’était pas le sien, du vin blanc qu’on lui servait au lieu du rouge auquel il était habitué.

— Ça va devenir une boîte comme les autres, grommela-t-il en partant. C’est toujours la même chose...

Chevrier ne s’amusait déjà plus autant que le matin. Il n’y avait qu’Irma à prendre la vie gaiement, à jongler avec les plats, les piles d’assiettes, et elle se mit à faire la vaisselle en fredonnant.

À une heure et demie, il n’y avait plus que Maigret et Lucas dans le café. Les heures creuses commençaient, pendant lesquelles on ne devait voir un consommateur que de temps en temps, un passant qui avait soif, ou un couple de mariniers qui attendaient la fin de leur chargement.

Maigret fumait à petites bouffées, le ventre en avant, car il avait beaucoup mangé, peut-être pour faire plaisir à Irma. Un rayon de soleil chauffait une de ses oreilles, et il paraissait béat, quand soudain il écrasa sous sa semelle les orteils de Lucas.

Un homme venait de passer sur le trottoir. Il avait regardé avec attention à l’intérieur du café, puis, hésitant, il avait fait demi-tour, s’était approché de la porte.

Il était de taille moyenne. Il ne portait ni chapeau ni casquette. Ses cheveux étaient roux, et il avait des taches de rousseur sur le visage, des yeux bleus, une bouche charnue.

Sa main tourna le bec-de-cane. Il entra, toujours hésitant, et il y avait quelque chose de souple dans son attitude, une étrange prudence dans ses gestes.

Ses souliers très usés n’avaient pas été cirés depuis plusieurs jours. Son complet sombre était élimé, sa chemise douteuse, la cravate mal nouée.

Il faisait penser à un chat pénétrant avec précaution dans une chambre inconnue, observant tout autour de lui, flairant le danger possible. Il devait être d’une intelligence moins que médiocre. Les simples de villages ont souvent de ces yeux-là, où on ne lit qu’une ruse instinctive et de la méfiance.

Sans doute Maigret et Lucas l’intriguaient-ils ? Il se défiait d’eux, s’avançait en biais vers le comptoir, sans cesser de les observer, frappait le zinc d’une pièce de monnaie.

Chevrier, qui mangeait dans un coin de la cuisine, parut.

— Qu’est-ce que c’est ?

Et l’homme hésita encore. Il paraissait enroué. Il émit un son rauque, puis renonça à parler, désigna du doigt la bouteille de cognac sur l’étagère.

C’était Chevrier maintenant qu’il regardait dans les yeux. Il y avait quelque chose qu’il ne comprenait pas, qui dépassait son entendement.

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Maigret et son mort отзывы

Отзывы читателей о книге Maigret et son mort, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*