Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Lécluse n°1

Читать бесплатно Simenon, Georges - Lécluse n°1. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

 

Il regarda son compagnon, fronça les sourcils, lança à la secrétaire :

— Pouvez filer !

Et il tourna en rond dans la pièce, les mains derrière le dos cette fois, avec des coups d’œil inquiets à son compagnon. Celui-ci, cependant, n’avait rien dit.

— Alors ? articula-t-il enfin.

— Rien.

— Cent cinquante mille ? Non ! Ce n’est pas cela.

Il ouvrit la fenêtre, livrant la pièce aux rumeurs de la ville. Il avait chaud. Il lança son cigare dans le vide.

— Pourquoi quittez-vous la police ?

Maigret souriait en fumant sa pipe.

— Avouez que vous n’êtes pas un homme à rester sans rien faire.

Il enrageait, humilié, impatient, et pourtant les regards qu’il lançait à Maigret étaient pleins de respect et de bienveillance.

— Ce n’est pas non plus une question d’argent.

Alors le commissaire regarda la porte du bureau voisin, le plafond, le plancher, murmura doucement :

— Peut-être les mêmes raisons que les vôtres ?

— Il y a de pareils crabes chez vous aussi ?

— Je n’ai pas dit cela !

Le commissaire était de bonne humeur, ou plutôt il était pleinement lui-même. Il se sentait en train. C’était comme un état de réceptivité aiguë, qui lui permettait de penser en même temps que son interlocuteur, parfois avant celui-ci.

Ducrau ne se résignait pas à battre en retraite, mais il perdait confiance, mollissait tandis qu’on lisait l’effort sur son visage.

— Je parie que vous croyez faire votre devoir, grommela-t-il méchamment.

Et, avec un renouveau d’énergie :

— J’ai l’air de vous acheter, c’est entendu. Mais supposons que je vous pose la même question dans huit jours ?

Maigret secoua la tête, et Ducrau l’aurait secoué volontiers, rageusement, affectueusement. La sonnerie du téléphone fonctionna.

— Oui, c’est moi. Et puis après ? Les pompes funèbres ? Je m’en fous, des pompes funèbres. Si on m’embête encore, je n’irai pas à l’enterrement.

Ce qui ne l’empêchait pas d’être pâle.

— Quels chichis ridicules ! soupira-t-il les narines pincées, après avoir raccroché. Ils sont tous autour du petit, qui, s’il le pouvait, les mettrait à la porte. Vous ne devineriez jamais où je suis allé cette nuit. Si je vous le disais, on me traiterait de monstre. Et pourtant, c’est dans une maison close que j’ai pu enfin pleurer comme un veau, au milieu des femelles qui me croyaient soûl et qui barbotaient dans mon portefeuille.

Il n’avait plus besoin de rester debout. C’était fini. Il s’assit, se frotta la tête à rebrousse-poil, mit ses coudes sur le bureau. Il essayait de retrouver le fil de ses idées, et le regard qu’il laissait peser sur Maigret semblait ne pas le voir. Le commissaire lui laissa encore un court répit, murmura enfin :

— Vous savez qu’il y a un nouveau pendu à Charenton ?

Ducrau leva de lourdes paupières et attendit la suite.

— Un homme que vous devez connaître, puisque c’est un des aides de l’éclusier…

— Bébert ?

— Je ne sais pas si c’est Bébert, mais on l’a trouvé ce matin pendu à la porte amont de l’écluse.

Ducrau soupira comme un homme fatigué.

— Vous n’avez rien à déclarer à ce sujet ?

L’autre haussa les épaules.

— On pourra vous demander de préciser où vous avez passé la nuit.

Cette fois, un sourire flotta sur les lèvres de l’armateur, qui faillit parler. Mais il se ravisa à la dernière seconde et haussa à nouveau les épaules.

— Vous êtes sûr que vous n’avez rien à me dire ?

— Nous sommes quel jour ?

— Jeudi.

— Quel jour de la semaine prochaine quittez-vous le service ?

— Mercredi.

— Encore une question : en supposant qu’à ce moment-là votre enquête ne soit pas terminée, qu’arrivera-t-il ?

— Je passerai le dossier à un collègue qui prendra la suite…

Le sourire s’accentua sur les lèvres de Ducrau, qui souffla avec une joie presque enfantine :

— Un crabe ?

Maigret ne put s’empêcher de sourire aussi.

— Il n’y a pas que des crabes.

Ils devaient rester sur cette note de gaieté inattendue. Ducrau se levait, sa grosse patte offerte.

— Au revoir, commissaire. Je vous verrai sans doute encore d’ici là.

Maigret, qui lui serrait la main, plongea son regard dans les yeux clairs de son compagnon, mais il ne parvint pas à faire fondre son sourire, à peine à le rendre – peut-être ? – un peu moins consistant.

— Au revoir.

Ducrau le reconduisit jusqu’au palier, se pencha même sur la rampe. Quand Maigret se trouva plongé dans l’éblouissement tiède des quais, il sentit que, de la fenêtre, on le suivait encore des yeux.

Et ce fut son propre sourire qui se dilua tandis qu’il attendait un tramway.

C’était une idée de la concierge, qui avait cru bien faire : tous les locataires de la maison avaient fermé leurs persiennes en signe de deuil. Quant aux bateaux amarrés dans le port, ils avaient leur pavillon en berne, ce qui donnait un aspect morbide au canal.

Le mouvement lui-même était équivoque. Des curieux traînaient un peu partout, surtout sur les murs de l’écluse, et, gênés, finissaient par demander à quelqu’un en montrant un des crochets :

— C’était là ?

Le corps était déjà à l’Institut médico-légal, un long corps osseux que les familiers de la Marne connaissaient depuis longtemps.

Bébert, venu on ne savait d’où et qui n’avait pas de famille, s’était arrangé un coin à lui sur une drague des Ponts et Chaussées qui, depuis dix ans, rouillait dans un coin du port.

Il attrapait au vol l’amarre des bateaux ; il tournait les vannes et les portes ; il rendait de menus services et ramassait des pourboires. C’était tout.

L’éclusier circulait dans son domaine avec un air important, car trois journalistes l’avaient interrogé le matin même, et l’un d’eux l’avait photographié.

Quant à Maigret, dès sa descente de tramway, il entra dans le bistrot de Fernand, où il y avait plus de monde que d’habitude. On chuchota. Ceux qui le connaissaient apprenaient aux autres sa qualité. Le patron s’approcha, familier.

— Un demi bien tiré ?

D’un coup d’œil, il désigna le coin opposé de la pièce. Le vieux Gassin était là, tout seul, hargneux comme un chien malade, les yeux plus bordés de rouge que jamais. Il regardait Maigret et il ne détourna pas les yeux, mais, au contraire, il esquissa une grimace qui voulait exprimer son dégoût.

Le commissaire, cependant, avalait une grande gorgée de bière fraîche, s’essuyait les lèvres et bourrait une nouvelle pipe. Dans le cadre de la fenêtre, derrière Gassin, il apercevait les bateaux serrés les uns contre les autres, et il était un peu déçu de ne pas voir la silhouette d’Aline.

Le patron se pencha encore, fit mine d’essuyer la table pour se donner le temps de murmurer :

— Vous devriez bien faire quelque chose pour lui. Il ne reprend même plus conscience. Les bouts de papier que vous voyez par terre, c’est l’ordre d’aller charger quai de la Tournelle. Vous voyez ce qu’il en fait !

Le vieux savait fort bien qu’on parlait de lui et il se leva, mal d’aplomb sur ses jambes, s’approcha de Maigret, qu’il regarda dans les yeux d’un air de défi, s’en alla enfin en bousculant le patron du coude.

On le vit hésiter sur le seuil. Un instant on put croire qu’il allait s’élancer sur la chaussée sans voir un autocar qui arrivait. Mais il oscilla et piqua sur le bistrot d’en face, tandis que tous les consommateurs se regardaient.

— Qu’en dites-vous, monsieur le commissaire ?

La conversation devenait générale. On s’adressait à Maigret comme à une vieille connaissance.

— Avec ça, remarquez que le vieux Gassin est le plus honnête homme de la terre. Mais on dirait qu’il lui reste quelque chose de l’histoire de l’autre nuit, et je finis par me demander s’il s’en remettra. Que pensez-vous de Bébert ? C’est la série, quoi ?

Ils étaient cordiaux et familiers, ils ne prenaient pas trop l’événement au tragique, mais ils riaient quand même avec une pointe de nervosité.

Maigret hochait la tête, répondait par des sourires, par des grognements.

— C’est vrai que le patron ne veut pas venir à l’enterrement ?

Ainsi, la nouvelle en était déjà parvenue au bistrot ! Il n’y avait pas une heure que la conversation téléphonique avait eu lieu !

— Il a pourtant la tête solide, lui ! Et une fameuse tête ! Quant à Bébert, vous savez qu’on l’a vu hier au Cinéma Gallia ? Ça doit être après qu’on l’a attaqué, au moment où il remontait sur sa drague.

— J’étais au cinéma aussi, intervint quelqu’un.

— Tu l’as vu ?

— Je ne l’ai pas vu, mais j’y étais.

— Alors, qu’est-ce que cela peut nous faire ?

— Cela veut dire que j’y étais !

Maigret se leva en souriant, paya et adressa à la ronde un signe de la main. Il avait chargé deux inspecteurs de prendre toutes les indications précises et, de l’autre côté de l’eau, il pouvait apercevoir l’un d’eux, Lucas, qui arpentait la drague des Ponts et Chaussées.

Il passa devant la maison de Ducrau. Depuis le matin et peut-être la veille au soir, l’auto des Decharme était au bord du trottoir. Il aurait pu entrer, mais à quoi bon ? Il imaginait si bien ce que Ducrau avait appelé « leur carnaval » !

Il flânait. Il ne savait rien. Il ne réfléchissait pas, mais il sentait que quelque chose prenait corps qu’il ne fallait pas s’obstiner à préciser trop vite.

Il se retourna en entendant héler un taxi. C’était la concierge, et quelques instants plus tard une grosse fille vêtue de soie noire, les yeux rouges, s’y jeta nerveusement tandis que la concierge entassait des bagages sur la banquette.

C’était Rose, évidemment ! Comment ne pas sourire ? Et ne pas sourire encore quand la concierge, à l’approche de Maigret, prit un air pincé.

— C’est la dame du second ?

— Et vous, qui êtes-vous ?

— Le commissaire de la Police judiciaire.

— Dans ce cas, vous le savez aussi bien que moi.

— C’est le beau-fils qui lui a demandé de partir ?

— En tout cas, ce n’est pas moi, et ça les regarde !

C’était si clair ! La famille en deuil, là-haut, chuchotant pendant des heures pour savoir s’il était décent ou non de laisser cette créature dans la maison en des circonstances aussi solennelles. Et le capitaine, sans doute, envoyé en délégation auprès d’elle pour lui signifier la décision du conseil de famille !

C’est par hasard que Maigret s’arrêta devant le mot Bal écrit en blanc sur une grande tôle bleue. Devant la porte en retrait, il y avait des plantes grimpantes qui mettaient une note fraîche de guinguette. À l’intérieur, il faisait sombre et frais, par contraste avec le trottoir éblouissant, et les enjolivures en métal du piano mécanique scintillaient comme des bijoux véritables.

Il y avait quelques tables, des bancs, puis un espace vide et, sur un mur, une vieille toile de fond qui avait dû servir jadis dans un théâtre.

— Qui est là ? cria-t-on du haut de l’escalier.

— Quelqu’un.

On acheva de se laver, car un robinet coulait et des gouttes d’eau éclaboussaient un évier. Une femme descendit, en pantoufles, en peignoir, et murmura :

— Ah ! c’est vous.

Elle aussi, comme tout Charenton, connaissait déjà Maigret. Elle avait été jolie. Un peu épaissie, amollie par cette vie de serre chaude, elle gardait un certain charme fait de nonchalance et de sérénité.

— Vous voulez boire quelque chose ?

— Servez-nous à tous deux un apéritif quelconque.

Elle but de la gentiane. Elle avait une façon bien à elle de poser ses deux coudes rapprochés sur la table, et alors les seins, pressés l’un contre l’autre, jaillissaient à demi du peignoir.

— Je me doutais bien que vous viendriez. À votre santé !

Elle n’avait pas peur. La police ne l’impressionnait pas.

— C’est vrai, ce qu’on raconte ?

— À quel propos ?

— Au sujet de Bébert. Bon ! j’en dis trop. Tant pis ! Sans compter qu’il n’y a rien de moins sûr. On dit que c’est le vieux Gassin…

— … qui a fait le coup ?

— Il en parle en tout cas comme s’il savait. Encore un verre ?

— Et Ducrau ?

— Quoi ?

— Il n’est pas venu hier ?

— Il vient souvent me tenir compagnie. On est de vieux copains, bien que maintenant ce soit un homme riche. Il n’est pas fier. Il s’assied là, à votre place. On prend un verre tous les deux. De temps en temps il me demande de mettre cinq sous pour la musique.

— Il est venu hier ?

— Oui. Il n’y a bal que le samedi et le dimanche, quelquefois le lundi. Les autres jours, je ne ferme pas, par habitude, mais je suis pour ainsi dire toute seule. Du temps de mon mari, c’était différent, parce qu’on faisait le restaurant.

— À quelle heure est-il parti ?

— Vous avez cette idée-là ? Vous avez tort, laissez-moi vous le dire. Je le connais. Il me caressait déjà à l’occasion quand il n’avait que son petit remorqueur. Et jamais, je ne sais pas pourquoi, il n’a essayé d’en faire davantage avec moi. Pourtant d’habitude !… Vous le savez aussi bien que moi ! Hier, il était triste…

— Il a bu ?

— Deux ou trois verres, et cela ne lui fait rien, à lui. Il me disait :

« — Si tu savais, Marthe, ce que ces crabes me dégoûtent ! Je crois bien que je vais traîner toute la nuit dans les bobinards. Quand je pense qu’ils sont tous là autour du petit…

Maigret ne sourit pas, cette fois, en retrouvant les fameux « crabes ». Il regarda autour de lui le décor miteux, les tables, les bancs, la toile de fond, puis la brave femme qui finissait sa seconde gentiane à petites gorgées.

— Vous ne savez pas à quelle heure il est parti ?

— Peut-être minuit ? Peut-être moins ? Avouez que c’est quand même malheureux d’avoir tant d’argent et de n’être pas heureux !

Maigret ne sourit pas davantage.

VI

— Le plus curieux, conclut Maigret, c’est que je suis persuadé que l’histoire est toute simple.

C’était chez le chef de la PJ, à l’heure où les bureaux sont vides. Un soleil pourpre se couchait sur Paris, et la perspective de la Seine enjambée par le Pont-Neuf était barbouillée de rouge, de bleu et d’ocre. Les deux hommes, debout devant une fenêtre, bavardaient à bâtons rompus, distraits par la molle flânerie des passants.

— Quant à mon bonhomme…

Sonnerie de téléphone. Le chef décrocha.

— Bonjour, madame. Vous allez bien ? Je vous le passe.

C’était Mme Maigret, un peu affolée.

— Tu as oublié de me téléphoner. Mais si, il avait été convenu que tu me téléphonerais à quatre heures. Les meubles sont arrivés là-bas, et il faut que je parte. Tu peux venir tout de suite ?

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Lécluse n°1 отзывы

Отзывы читателей о книге Lécluse n°1, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*