Kniga-Online.club

Simenon, Georges - Maigret chez les Flamands

Читать бесплатно Simenon, Georges - Maigret chez les Flamands. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
Перейти на страницу:

On voyait très bien le bâtiment de la douane, le Café des Mariniers…

On voyait surtout l’angle de la ruelle dont la deuxième maison à gauche était celle des Piedbœuf.

Le 3 janvier…

— Il y a longtemps que votre femme est morte ?

— Il y aura douze ans le mois prochain… Elle est partie de la poitrine…

— Que fait Gérard à cette heure-ci ?

La lanterne se balançait au bout du bras du gardien. Il avait déjà introduit une grosse clé dans la serrure. Un train sifflait dans le lointain.

— Il doit être en ville…

— Vous ne savez pas de quel côté ?

— Les jeunes gens se réunissent surtout au Café de la Mairie !

Et Maigret s’enfonça à nouveau dans la pluie, dans l’obscurité. Ce n’était pas une enquête. Il n’y avait aucun point de départ, aucune base.

Il n’y avait qu’une poignée d’humains qui poursuivaient chacun leur vie propre dans la petite ville balayée par le vent.

Peut-être étaient-ils tous sincères ! Mais peut-être aussi l’un d’eux cachait-il une âme tourmentée, effrayée au paroxysme à la pensée de l’épaisse silhouette qui rôdait cette nuit-là par les rues.

Maigret passa devant son hôtel sans y entrer. Il aperçut à travers les vitres l’inspecteur Machère qui pérorait au milieu d’un groupe dont le patron faisait partie. Cela sentait la quatrième ou la cinquième tournée d’alcool. Le patron venait offrir la sienne.

Machère, très animé, gesticulait et devait dire :

— Ces commissaires qui viennent de Paris s’imaginent…

Et l’on parlait des Flamands ! On les mettait en pièces !

Au bout d’une rue étroite, il y a une place assez spacieuse. À un angle, un café à la devanture blanche, aux trois vitrines bien éclairées : Café de la Mairie.

Une rumeur vous accueillant dès l’ouverture de la porte. Un comptoir de zinc. Des tables. Des joueurs de cartes devant les tapis rouges. De la fumée de pipes et de cigarettes et une aigre odeur de bière tiédie.

— Deux demis, deux !

Le bruit des jetons sur le marbre de la caisse. Le tablier blanc du garçon.

— Par ici !

Maigret s’assit à la première table venue, vit d’abord Gérard Piedbœuf dans un des miroirs embués de la salle. Il était très animé, lui aussi, comme Machère. Il s’arrêta net de parler en apercevant le commissaire et son pied dut toucher celui de ses compagnons.

Un compagnon et deux compagnes. Ils étaient quatre à la même table. Les jeunes gens étaient du même âge. Les femmes étaient sans doute de petites ouvrières de l’usine.

Tous se taisaient. Les joueurs de cartes eux-mêmes, aux autres tables, annonçaient leurs points à mi-voix et les regards étaient braqués sur le nouveau venu.

— Un demi !

Maigret allumait sa pipe, posait son melon tout dégouttant d’eau sur la banquette de moleskine brune.

— Un demi, un !

Et Gérard Piedbœuf esquissait un sourire ironique et méprisant, grommelait à mi-voix :

— L’ami des Flamands…

Il avait bu, lui aussi. Ses prunelles étaient trop brillantes. Ses lèvres pourpres faisaient ressortir la pâleur de son teint. On le sentait très excité. Il observait la galerie. Il cherchait quelque chose à dire pour épater ses compagnes.

— Tu comprends, Ninie, quand tu seras riche, tu n’auras plus rien à craindre de la police…

Son ami lui donna un coup de coude pour le faire taire, mais le résultat fut de l’énerver davantage.

— Eh bien ! quoi ? On n’a plus le droit de dire ce que l’on pense ?… Je répète que la police est à la disposition des riches mais que, du moment que vous êtes pauvre…

Il était blême. Au fond, il était effrayé lui-même par ses paroles, mais il voulait garder l’auréole que son attitude lui donnait.

Maigret écartait la mousse qui couvrait son verre, buvait une grande gorgée de bière. On entendait des joueurs murmurer, pour rompre le silence :

— Tierce haute…

— Carré de valets…

— À toi !

— Je coupe !

Et les deux petites ouvrières qui n’osaient pas se retourner vers le commissaire s’arrangeaient pour l’apercevoir dans la glace.

— C’est à croire que c’est un crime, en France, d’être Français ! Surtout si l’on est pauvre par surcroît…

À la caisse, le patron fronçait les sourcils, se tournait vers Maigret, qui ne le regardait pas, avec l’espoir de lui faire comprendre que le jeune homme était ivre.

— Et pique !… Et encore pique !… Hein ! vous ne vous attendiez pas à celle-là…

— Des gens qui ont gagné leur fortune en faisant de la contrebande ! poursuivait Gérard avec le souci d’être entendu par toute la salle. Tout le monde le sait à Givet ! Avant la guerre, c’étaient les cigares et la dentelle… Maintenant, comme l’alcool est interdit en Belgique, ils servent du genièvre aux mariniers flamands… Ce qui permet à leur fils de devenir avocat… Ha ! Ha ! Il en aura bien besoin pour se défendre lui-même !…

Et Maigret restait seul à sa table, point de mire de tous les consommateurs. Il n’avait pas enlevé son pardessus. Ses épaules étaient luisantes de pluie.

Le patron s’agitait, prévoyait un drame, s’approchait du commissaire :

— Je vous supplie de ne pas faire attention… Il a bu… Et la douleur…

— Partons, Gérard ! murmurait avec effroi la petite femme qui était à côté du jeune homme.

— Pour qu’il pense que j’ai peur de lui ?

Il tournait toujours le dos à Maigret. Tous deux ne se voyaient que par le truchement des miroirs.

Les autres consommateurs ne jouaient plus que par contenance, oubliaient de marquer les points sur les ardoises.

— Une fine, garçon !… Dégustation !…

Le patron faillit la refuser, mais n’osa pas, étant donné que Maigret feignait toujours de ne pas le remarquer.

— Saloperie de saloperie !… Voilà ce que c’est !… Ces gens-là prennent nos filles, les tuent le jour où ils en ont assez… Et la police…

Le commissaire imaginait le vieux Piedbœuf, avec son uniforme teint, faisant le tour des ateliers en s’éclairant de sa lanterne-tempête, revenant dans son coin tout chaud pour manger ses pommes de terre.

En face, la maison des Piedbœuf : la sage-femme qui avait dû mettre l’enfant au lit et qui attendait l’heure de se coucher en lisant son journal ou en tricotant…

Puis, plus loin, l’épicerie des Flamands, le père Peeters que l’on éveillait et qu’on conduisait vers sa chambre, Mme Peeters qui baissait les volets, Anna, toute seule, qui se déshabillait chez elle…

Et les péniches endormies dans le courant qui tendait les amarres, faisait grincer les gouvernails et s’entrechoquer les canots…

— Encore un demi !

La voix de Maigret était calme. Il fumait lentement, lançait des bouffées de fumée vers le plafond.

— Vous remarquerez tous qu’il me nargue !… Car il me nargue…

Le patron était désolé, à bout d’initiative. C’était le scandale qui éclatait. Car, sur les derniers mots, Gérard s’était levé, faisait face à Maigret. Il avait les traits tirés, les lèvres tordues par la colère.

— Je vous dis qu’il n’est venu ici que pour nous narguer !… Regardez-le !… Il se moque de nous, parce que j’ai bu un verre… Ou plutôt parce que nous n’avons pas d’argent…

Maigret ne bougeait pas. C’en était hallucinant ! Il était aussi immobile que le marbre de sa table. Il avait la main sur son verre. Il fumait toujours.

— Atout carreau !… dit quelqu’un de bonne volonté, avec l’espoir de créer une diversion.

Et alors Gérard prit les cartes sur la table du joueur, les lança à travers la salle.

Du coup, la moitié des consommateurs étaient debout, sans oser s’avancer encore, mais prêts à intervenir.

Maigret restait assis. Maigret fumait.

— Mais regardez-le donc !… Il nous nargue !… Il sait bien que ma sœur a été assassinée…

Le patron ne savait plus où se mettre. Les deux petites femmes qui étaient à la table de Gérard se regardaient avec effroi et avaient déjà mesuré le chemin qui les séparait de la porte.

— Il n’ose rien dire !… Vous remarquerez qu’il n’ose pas ouvrir la bouche !… Il a peur !… Oui, peur qu’on fasse éclater la vérité !…

— Je vous jure qu’il a bu ! s’écria le patron en voyant Maigret se lever.

Trop tard ! De tous, c’était Gérard, sans doute, qui devait avoir le plus peur.

Cette masse sombre et mouillée qui s’avançait vers lui…

Il eut un mouvement bref de la main droite vers sa poche et ce mouvement fut accompagné d’un grand cri de femme.

C’était un revolver que le jeune homme tirait de la sorte. Mais la main du commissaire l’avait happé au vol. En même temps son pied, en s’avançant, faisait trébucher Gérard.

Un consommateur sur trois tout au plus se rendit compte de ce qui se passait. Et pourtant, maintenant, tous étaient levés. Le revolver était dans la main de Maigret. Gérard se redressait, la mine hargneuse, humilié de sa défaite.

Et, tandis que le commissaire mettait l’arme dans sa poche, d’un geste aussi calme que naturel, le jeune homme haletait :

— Vous allez m’arrêter, hein !

Il n’était pas encore debout. Il se soulevait avec l’aide des mains. Il était pitoyable.

— Va te coucher ! dit lentement Maigret.

Comme l’autre avait l’air de ne pas comprendre, il ajouta :

— Ouvrez la porte !

Ce fut une bouffée d’air frais dans l’atmosphère étouffante. Maigret tenait l’épaule de Gérard, le poussait vers le trottoir.

— Va te coucher !

Et la porte se referma. Il y avait une personne de moins dans la salle : Gérard Piedbœuf.

— Il est ivre mort !… grogna Maigret en se rasseyant devant son demi entamé.

Les clients ne savaient pas encore ce qu’ils devaient faire. Certains avaient repris leur place. D’autres hésitaient.

Alors Maigret, après avoir bu une gorgée de bière, soupira :

— Cela n’a pas d’importance !

Puis, s’adressant à son voisin qui n’y comprit rien, il ajouta :

— Vous aviez annoncé atout carreau…

VI

Le marteau

Maigret avait décidé de faire la grasse matinée, moins par paresse que par désœuvrement. Il était dix heures environ quand il fut réveillé d’une façon désagréable.

D’abord on frappait violemment à sa porte, ce qu’il détestait par-dessus tout. Ensuite ses sens encore engourdis percevaient déjà le crépitement de la pluie sur le balcon.

— Qui est là ?

— Machère.

L’inspecteur lançait son nom comme il eût donné un triomphal coup de clairon.

— Entre !… Va ouvrir les rideaux…

Et Maigret, resté au lit, vit jaillir la lumière glauque d’une sale journée. En bas, une marchande de poissons faisait l’article au patron de l’hôtel.

— Des nouvelles !… C’est arrivé ce matin au premier courrier…

— Un instant ! Veux-tu crier dans l’escalier qu’on me monte mon petit déjeuner, car il n’y a pas de sonnerie de service…

Et, sans quitter le lit, Maigret alluma une pipe qui se trouvait toute bourrée à portée de sa main.

— Des nouvelles de qui ?

— De Germaine Piedbœuf.

— Morte ?

— Tout ce qu’il y a de plus morte !

Machère affirmait cela avec ravissement tout en tirant de sa poche une lettre qui avait quatre pages grand format et qui était ornée au surplus de papillons administratifs.

Transmis par le Parquet de Huy au Ministère de l’intérieur, à Bruxelles.

Transmis par le Ministère de l’intérieur à la Sûreté générale à Paris.

Transmis par la Sûreté générale à la Brigade mobile de Nancy.

Transmis à l’inspecteur Machère, à Givet…

 

— Abrège, veux-tu ?

— Eh bien ! en deux mots, on l’a retirée de la Meuse à Huy, c’est-à-dire à une centaine de kilomètres d’ici. Il y a de cela cinq jours… On n’a pas pensé tout de suite à la demande d’informations que j’avais lancée à la police belge… Mais je vais vous lire…

— On peut entrer ?

C’était la femme de chambre avec le café et les croissants. Quand elle eut disparu, Machère reprit :

Ce vingt-six janvier mil neuf cent…

— Non, vieux ! Dis tout de suite ce qui en est…

— Eh bien ! il paraît à peu près certain qu’elle a été assassinée. Ce n’est plus seulement une certitude morale. C’est une certitude matérielle… Écoutez :

Le corps, autant qu’on en puisse juger, a dû séjourner dans l’eau pendant trois semaines à un mois… Son état de…

 

— En bref ! grogna Maigret qui mangeait.

— … décomposition…

— Je sais ! Les conclusions ! Et surtout pas de description !

— Il y en a une page entière…

— De quoi ?

— De description… Enfin, puisque vous ne voulez pas… Ce n’est pas absolument affirmatif… Pourtant une chose est certaine : c’est que Germaine Piedbœuf était morte longtemps avant d’être immergée… Le docteur dit : deux ou trois jours avant…

Maigret trempait toujours son croissant dans son café, mangeait en regardant le rectangle de la fenêtre, si bien que Machère crut qu’il n’écoutait pas.

— Cela ne vous intéresse pas ?

— Continue.

— Il y a le compte rendu détaillé de l’autopsie… Vous voulez que… ? Non ?… Eh bien ! Il me reste à dire le plus intéressant… Le crâne du cadavre était complètement défoncé et les médecins croient pouvoir affirmer que la mort est due à cette fracture, produite avec un instrument contondant, comme un marteau ou une masse de fer…

Maigret sortit une jambe du lit, puis l’autre, se regarda un moment dans la glace avant de commencer à se savonner les joues à l’aide du blaireau. Pendant qu’il se rasait, l’inspecteur Machère relisait le rapport dactylographié qu’il avait entre les mains.

— Vous ne trouvez pas ça extraordinaire, vous ?… Pas le coup de marteau !… Je parle du fait que le corps n’a été jeté à l’eau que deux ou trois jours après la mort… Il faudra que j’aille faire une nouvelle visite chez les Flamands…

— Vous avez la liste des vêtements que Germaine Piedbœuf portait ?

— Oui… Attendez… Chaussures noires à brides, assez usées… Bas de fil noir… Linge rose de mauvaise qualité… Robe de serge noire, sans marque…

— C’est tout ? Pas de manteau ?

— Tiens ! C’est vrai…

— C’était le 3 janvier… Il pleuvait… Il faisait froid…

Le visage de Machère se rembrunit. Il grogna sans s’expliquer :

— Évidemment !

Перейти на страницу:

Simenon читать все книги автора по порядку

Simenon - все книги автора в одном месте читать по порядку полные версии на сайте онлайн библиотеки kniga-online.club.


Maigret chez les Flamands отзывы

Отзывы читателей о книге Maigret chez les Flamands, автор: Simenon. Читайте комментарии и мнения людей о произведении.


Уважаемые читатели и просто посетители нашей библиотеки! Просим Вас придерживаться определенных правил при комментировании литературных произведений.

  • 1. Просьба отказаться от дискриминационных высказываний. Мы защищаем право наших читателей свободно выражать свою точку зрения. Вместе с тем мы не терпим агрессии. На сайте запрещено оставлять комментарий, который содержит унизительные высказывания или призывы к насилию по отношению к отдельным лицам или группам людей на основании их расы, этнического происхождения, вероисповедания, недееспособности, пола, возраста, статуса ветерана, касты или сексуальной ориентации.
  • 2. Просьба отказаться от оскорблений, угроз и запугиваний.
  • 3. Просьба отказаться от нецензурной лексики.
  • 4. Просьба вести себя максимально корректно как по отношению к авторам, так и по отношению к другим читателям и их комментариям.

Надеемся на Ваше понимание и благоразумие. С уважением, администратор kniga-online.


Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*
Подтвердите что вы не робот:*