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Simenon, Georges - Maigret et son mort

Читать бесплатно Simenon, Georges - Maigret et son mort. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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— Il ne portait pas de gilet...

— Ce qui me frappe, moi, c’est que le veston n’est pas du même tissu que le pantalon, ni de la même teinte...

— Cela arrive, vous savez...

— Un instant. Examine le pantalon. Il est à peu près neuf. Il fait partie d’un complet. Le veston fait partie d’un autre complet, mais qui, celui-ci, date d’au moins deux ans.

— Cela en a l’air, oui...

— Or l’homme était assez coquet, si on en juge par ses chaussettes, sa chemise et sa cravate... Téléphone aux Caves du Beaujolais et dans les autres bistrots... Essaye de savoir si, au cours de la journée d’hier, il portait un veston et un pantalon dépareillés...

Janvier s’installa dans un coin, et sa voix mit dans la pièce comme un bruit de fond. Il appelait les cafés tour à tour, répétait à l’infini :

— Ici, Police Judiciaire... L’inspecteur que vous avez vu hier... Pourriez-vous me dire si…

Malheureusement, nulle part l’homme n’avait retiré son imperméable. Il l’avait peut-être entrouvert, mais personne n’avait pris garde à la couleur de son veston.

— Qu’est-ce que tu fais quand tu rentres chez toi ?

Et Janvier, qui n’était marié que depuis un an, de répondre avec un sourire narquois :

— J’embrasse ma femme...

— Après ?

— Je m’assieds, et elle m’apporte mes pantoufles...

— Après ?

L’inspecteur réfléchit, se frappa soudain le front.

— J’ai compris ! Je change de veston...

— Tu as un veston d’intérieur ?

— Non... Je passe un vieux veston dans lequel je suis plus à mon aise...

Et voilà que ces mots donnaient soudain une vie plus intime à l’inconnu. On l’imaginait rentrant chez lui et, peut-être, comme Janvier, embrassant sa femme. En tout cas, il retirait son veston neuf pour en endosser un vieux. Il mangeait.

— Quel jour sommes-nous ?

— Jeudi.

— Nous étions donc hier mercredi. Il t’arrive souvent de manger au restaurant ? Dans des restaurants bon marché, comme ceux que devait fréquenter notre homme ?

Maigret, tout en parlant, installait l’imperméable beige sur les épaules du mannequin. La veille, vers la même heure, à peine un peu plus tard, cette gabardine était encore sur le dos d’un homme vivant qui pénétrait aux Caves du Beaujolais, là, presque sous leurs yeux ; ils n’avaient qu’à regarder par la lucarne, de l’autre côté de la Seine pour apercevoir la devanture.

Et il appelait Maigret. Il ne demandait pas à parler à un commissaire ou à un inspecteur, ni, comme quelques-uns qui croient leur cas important, au directeur de la P. J.

C’était Maigret qu’il voulait.

« Vous ne me connaissez pas », lui avait-il pourtant avoué.

Il est vrai qu’il avait ajouté :

« Vous avez connu Nine, ma femme… »

Janvier se demandait où le patron voulait en venir avec son histoire de restaurants.

— Tu aimes la brandade de morue ?

— Je l’adore. Je ne la digère pas, mais j’en mange quand même chaque fois que j’en ai l’occasion...

— Justement !... Ta femme t’en fait souvent ?

— Non. Cela demande trop de travail. C’est un plat qu’on prépare rarement chez soi...

— Donc, tu en manges au restaurant, quand il y en a...

— Oui...

— Il y en a fréquemment au menu ?

— Je ne sais pas... Attendez... Le vendredi, cela arrive...

— Et c’était hier mercredi... Appelle-moi le docteur Paul à l’appareil...

Le docteur, qui était occupé à rédiger son rapport, ne s’étonna pas de la question de Maigret.

— Pourriez-vous me dire s’il y avait des truffes dans la brandade ?

— Certainement pas... J’en aurais retrouvé des morceaux...

— Je vous remercie... Voilà Janvier !... Il n’y avait pas de truffes dans la brandade... Cela élimine les restaurants de luxe où l’on en met d’habitude... Tu vas descendre au bureau des inspecteurs... Tu te feras aider par Torrence et par deux ou trois autres... Le standardiste va gueuler, car vous occuperez les lignes pendant un bout de temps... Appelez les restaurants les uns après les autres, en commençant par ceux qui se trouvent dans les quartiers où tu as opéré hier. Sache si l’un d’eux avait de la brandade au menu du soir... Attends... Occupe-toi d’abord de ceux qui portent un nom méridional, car c’est là que tu as le plus de chance…

Janvier s’en allait, pas fier ni enchanté du boulot qu’on venait de lui confier.

***

— Tu as un couteau, Moers ?

La matinée s’avançait, et Maigret ne quittait toujours pas son mort.

— Place la pointe dans la déchirure de l’imperméable... Bon... Ne bouge plus...

Il souleva légèrement le tissu afin de voir le veston en dessous.

— Les déchirures des vêtements ne coïncident pas... Maintenant frappe d’une autre façon... Mets-toi à gauche... mets-toi à droite... frappe d’en haut… frappe d’en bas...

— Je comprends...

Quelques techniciens et employés qui avaient pris leur travail dans l’immense laboratoire les regardaient en coin, échangeaient des regards amusés.

— Cela ne colle toujours pas... Il y a cinq bons centimètres entre la déchirure du veston et celle de la gabardine... Apporte une chaise... Aide-moi...

On asseyait le mannequin, ce qui demandait des précautions infinies.

— Bon... Quand un homme est assis, contre une table par exemple, il arrive que le pardessus se soulève... Essaie…

Mais c’est en vain qu’ils tentaient de superposer les deux déchirures qui auraient dû, logiquement, se trouver juste au-dessus l’une de l’autre.

— Voilà ! conclut Maigret, comme s’il venait de résoudre une équation difficile.

— Vous voulez dire que, lorsqu’il a été tué, il ne portait pas son imperméable ?

— C’est à peu près sûr.

— Pourtant, celui-ci est déchiré comme par un coup de couteau...

— On l’a déchiré après, pour faire croire. Or, on ne porte pas un imperméable dans une maison ou dans un restaurant... En se donnant la peine de maquiller la gabardine, on a tenté de nous faire conclure que le coup de couteau avait été donné dehors... Si on s’est donné cette peine...

— ... c’est que le crime a été commis à l’intérieur, acheva Moers.

— Pour la même raison, on a pris le risque de transporter le corps place de la Concorde, où le meurtre n’a pas eu lieu...

Il vida sa pipe en la frappant contre son talon, alla chercher sa cravate, contempla à nouveau le mannequin, qui était encore plus vivant depuis qu’il était assis. De dos ou de profil, quand on ne voyait pas la face sans traits et sans couleur, c’était saisissant.

— Tu as trouvé des indices ?

— À peu près rien, jusqu’ici. Je n’ai pas fini. Dans le creux de la semelle, pourtant, il y a de petites quantités d’une boue assez curieuse. C’est de la terre imprégnée de vin, comme on en trouverait dans une cave de campagne où on vient de mettre un tonneau en perce.

— Continue. Téléphone à mon bureau.

Quand il entra chez le chef, celui-ci l’accueillit en lui lançant :

— Alors, Maigret, et « votre mort » ?

C’était la première fois que le mot était prononcé. On avait dû raconter au directeur de la P. J. que, depuis deux heures du matin, le commissaire n’avait pas lâché la piste.

— Ils l’ont quand même eu, dites donc !... J’avoue qu’hier j’aurais facilement pensé que vous aviez affaire à un farceur, ou à un détraqué...

— Moi, non... J’ai cru ce qu’il me disait dès son premier coup de téléphone…

Pourquoi ? Il n’aurait pu l’expliquer. Ce n’était certainement pas parce que l’homme avait fait appel à lui personnellement. Tout en conversant avec le directeur, il laissait son regard errer sur le quai d’en face, que le soleil inondait.

— Le procureur a chargé le juge Coméliau de l’instruction... Ils se rendent ce matin à l’Institut médico-légal... Vous les rejoindrez ?

— À quoi bon ?

— Voyez quand même Coméliau, ou téléphonez-lui... Il est assez susceptible…

Maigret en savait quelque chose.

— Vous ne croyez pas à un règlement de comptes ?

— Je ne sais pas. Je m’en assurerai, encore que ce ne soit pas mon impression.

Les gens du milieu ne se donnent pas la peine, d’habitude, d’exposer leurs victimes sur la place de la Concorde.

— Enfin !... Faites pour le mieux... Sans doute quelqu’un ne tardera-t-il pas à le reconnaître ?...

— Cela m’étonnerait...

Encore une impression qu’il aurait eu du mal à expliquer. Dans son esprit, cela se tenait. Mais, dès qu’il essayait de préciser, fût-ce pour lui-même, cela devenait confus.

Toujours cette histoire de la place de la Concorde. Donc, on tenait à ce que le cadavre fût découvert, et découvert rapidement. Il aurait été plus facile et moins dangereux, par exemple, de le lancer dans la Seine, avant d’être repêché.

Il ne s’agissait pas d’un homme riche, ni d’une personnalité, mais d’un petit bonhomme insignifiant.

Pourquoi, si on voulait que la police s’occupât de lui, lui écraser la figure après coup et retirer de ses poches tout ce qui pouvait servir à l’identifier ?

Par contre, on n’avait pas décousu la marque du veston. Parce qu’on savait, évidemment, qu’il s’agissait de vêtements de confection vendu à des milliers d’exemplaires.

— Vous avez l’air tracassé, Maigret.

Et il ne pouvait que répéter :

— Ça ne colle pas...

Trop de détails qui ne s’emboîtaient pas. Un détail, en particulier, le chiffonnait personnellement, pour ne pas dire qu’il le vexait.

À quelle heure avait eu lieu le dernier appel ? En somme, le dernier signe de vie que l’homme avait donné était le billet remis au bureau de poste du faubourg Saint-Denis.

C’était en plein jour. Depuis onze heures du matin, l’inconnu ne ratait pas une occasion de prendre contact avec le commissaire.

Dans le billet encore, il faisait appel à lui, d’une façon plus pressante que jamais. Il lui demandait même d’alerter les agents afin que n’importe lequel d’entre eux, dans la rue, fût en mesure de l’aider au moindre appel.

Or il avait été tué entre huit heures du soir et dix heures.

Qu’avait-il fait de quatre heures à huit heures ? Aucun signe de lui, aucune trace. Le silence, un silence qui avait impressionné Maigret, la veille, encore qu’il n’en eût rien montré. Cela lui avait rappelé une catastrophe sous-marine à laquelle le monde entier avait en quelque sorte assisté, minute par minute, grâce à la radio. À telle heure, on entendait encore les signaux des hommes enfermés dans le submersible échoué au fond de la mer. On imaginait les bateaux sauveteurs croisant au-dessus. Les signaux se raréfiaient. Puis, soudain, après des heures, le silence.

L’inconnu, lui, le mort de Maigret, n’avait eu aucune raison valable de se taire. Il n’avait pu être enlevé, en plein jour, dans les rues animées de Paris. Il n’avait pas été tué avant huit heures.

Tout laissait supposer qu’il était rentré chez lui, puisqu’il avait changé de veston.

Il avait dîné à son domicile ou au restaurant. Et il avait dîné en paix, puisqu’il avait eu le temps de manger la soupe, de la brandade et une pomme. Jusqu’à cette pomme qui évoquait une idée de tranquillité !

— Pourquoi s’était-il tu pendant deux heures au moins ?

Il n’avait pas hésité à déranger le commissaire, à maintes reprises, à le supplier de mettre l’appareil policier en branle.

Puis, tout à coup, après quatre heures, c’était comme s’il avait changé d’avis, comme s’il avait voulu laisser la police hors du jeu.

Cela chiffonnait Maigret. Le terme n’est pas exact, mais c’était un peu comme si son mort lui avait commis une infidélité.

— Alors, Janvier ?

Le bureau des inspecteurs était bleu de fumée, et quatre hommes, l’œil morne, étaient rivés à leur téléphone.

— Pas de brandade, patron ! soupira comiquement Janvier. Pourtant, on est déjà hors du quartier. J’en suis au faubourg Montmartre, et Torrence est arrivé à la place Clichy...

Maigret téléphona, lui aussi, de son bureau, mais c’était pour appeler un petit hôtel meublé de la rue Lepic.

— En taxi, oui... Tout de suite...

Sur son bureau, on avait placé des photographies du mort prises pendant la nuit. Il y avait aussi les journaux du matin, des rapports, une note du juge Coméliau.

— C’est toi, madame Maigret ?... Pas trop mal... Je ne sais pas encore si je rentrerai déjeuner... Non, je n’ai pas eu le temps de me faire raser... Je vais essayer de passer chez le coiffeur... J’ai mangé, oui...

Il alla chez le coiffeur, en effet, après avoir averti le garçon de bureau, le vieux Joseph, de faire attendre un visiteur qui allait se présenter. Il n’eut que le pont à franchir. Il entra dans le premier salon du boulevard Saint-Michel et eut un regard maussade pour les gros yeux pochés que lui renvoyait le miroir.

Il savait qu’en sortant il ne résisterait pas à l’envie d’aller boire un verre aux Caves du Beaujolais. D’abord parce qu’il aimait vraiment l’atmosphère de ces petits cafés-là, où on ne voit jamais personne et où le patron bavarde familièrement avec vous. Il aimait le beaujolais aussi, surtout servi, comme ici, dans des petits cruchons de grès. Mais il y avait autre chose. Il suivait son mort.

— Ça m’a fait un drôle d’effet de lire le journal ce matin, monsieur le commissaire. Je l’ai peu vu, vous le savez. Pourtant, quand j’y repense, il était sympathique. Je le revois entrer en gesticulant. Il était troublé bien sûr, mais il avait une bonne tête. Tenez, je parierais qu’en temps normal c’était un rigolo... Vous allez vous moquer de moi : plus je vais, plus je lui trouve une tête de comique... Il me rappelle quelqu’un... Il y a des heures que je cherche...

— Quelqu’un qui lui ressemble ?

— Oui... Non... C’est plus compliqué... Il me rappelle quelque chose, et je n’arrive pas à savoir quoi... On ne l’a pas encore identifié ?

Cela aussi était curieux, mais pas encore anormal. Les journaux étaient parus depuis le matin. Certes, le visage avait été abîmé, pas au point, cependant, d’être méconnaissable pour quelqu’un de très familier, pour la femme ou la mère, par exemple.

L’homme avait un domicile quelque part, fût-ce à l’hôtel. Il n’était pas rentré chez lui de la nuit.

Logiquement, dans les quelques heures, quelqu’un devait ou reconnaître sa photographie, ou signaler sa disparition.

Pourtant Maigret ne s’y attendait pas. Il franchissait à nouveau le pont, une agréable saveur, un peu rêche, de beaujolais à la bouche. Il gravissait l’escalier terne, où certains le regardaient avec une crainte respectueuse.

Un coup d’œil dans la salle d’attente vitrée. Son homme était là, debout, fumant sa cigarette avec désinvolture.

— Par ici...

Il l’introduisait dans son bureau, lui désignait une chaise, retirait son chapeau et son pardessus sans cesser d’observer son visiteur en coin. Celui-ci, à la place où il était, avait directement sous les yeux les photographies du mort.

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