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Simenon, Georges - Monsieur Gallet, décédé

Читать бесплатно Simenon, Georges - Monsieur Gallet, décédé. Жанр: Полицейский детектив издательство неизвестно, год 2004. Так же читаем полные версии (весь текст) онлайн без регистрации и SMS на сайте kniga-online.club или прочесть краткое содержание, предисловие (аннотацию), описание и ознакомиться с отзывами (комментариями) о произведении.
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— Le plus extraordinaire, dit-il en chauffant son verre d’armagnac dans la paume de sa main, c’est que cela a tenu à un cheveu que le crime n’ait pas lieu…

— La fête foraine ! s’empressa Grenier en lançant une œillade au commissaire.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire… Non !… Quand M. Clément est arrivé, samedi matin, je lui ai donné la chambre bleue, qui donne sur le chemin des orties, comme nous disons… C’est le chemin que vous voyez à gauche… On l’appelle ainsi parce que, depuis qu’il ne sert plus, il est envahi par les orties…

— Pourquoi ne sert-il plus ? questionna Maigret.

— Vous voyez ce mur, tout de suite après le chemin, n’est-ce pas ?… C’est le mur de la villa de M. de Saint-Hilaire… Dans le pays, on dit plus souvent le petit château, pour le distinguer du grand, l’ancien château de Sancerre, qui est au-dessus de la côte… D’ici, l’on peut apercevoir les tourelles… Il y a un très beau parc… Donc, autrefois, quand l’Hôtel de la Loire n’existait pas, ce parc venait jusqu’ici et l’entrée d’honneur, avec grille en fer forgé, était au fond du chemin des orties… La grille y est encore, mais on ne s’en sert plus, car on a percé une autre entrée sur le quai, à cinq cents mètres…

» Bref, j’avais donné à M. Clément la chambre bleue, dont les fenêtres donnent de ce côté. C’est calme. Il ne passe jamais personne, puis le chemin n’aboutit nulle part…

» Je ne sais pas pourquoi, l’après-midi, quand il est revenu, il m’a demandé si je n’avais pas une autre chambre, avec vue sur la cour…

» Je n’avais rien de libre… L’hiver, on a le choix, parce qu’il ne vient guère que des habitués, des voyageurs de commerce qui font leur tournée à date fixe… Mais l’été !… Croiriez-vous que la plupart de mes locataires sont des Parisiens ?… Rien ne vaut l’air de la Loire…

» Donc, j’ai dit à M. Clément que c’était impossible et je lui ai fait remarquer que sa chambre était la plus agréable…

» Dans la cour, il y a des poules, des oies… A tout moment on va tirer de l’eau du puits et la chaîne a beau être graissée, elle s’obstine à grincer…

» Il n’a pas insisté… Mais supposez que j’aie eu une chambre sur la cour… Il ne serait pas mort !…

— Parce que ?… murmura Maigret.

— On ne vous a pas dit que le coup de feu a été tiré au moins à six mètres ?… La chambre n’en a que cinq… Donc, l’assassin était dehors… Il a profité de ce que le chemin des orties est désert… Il n’aurait pas pu pénétrer dans la cour pour faire son coup… D’ailleurs, on l’aurait entendu… Encore un petit verre, messieurs ? Bien entendu, c’est ma tournée…

— Et de deux ! articula le commissaire.

— Deux quoi ? questionna Grenier.

— Deux hasards ! D’abord, il fallait la fête pour étouffer la détonation. Ensuite il fallait que toutes les chambres donnant sur la cour fussent occupées…

Il se tourna vers M. Tardivon, qui achevait d’emplir les verres.

— Combien de locataires avez-vous pour le moment ?

— Trente-quatre, y compris les enfants…

— Personne n’est parti, depuis le crime ?

— Sept personnes, je vous l’ai dit. Une famille de la banlieue de Paris, de Saint-Denis, je crois… Une espèce de mécanicien, avec sa femme, sa belle-mère, sa belle-sœur et ses gosses… Des gens assez mal élevés, par parenthèse, que je n’ai pas été fâché de voir aller au Commerce… On a chacun sa clientèle… Ici, tout le monde vous le dira, on ne rencontre que des personnes comme il faut…

— A quoi M. Clément employait-il ses journées ?

— Il me serait difficile de vous le dire… Il s’en allait, à pied… Un moment, j’ai cru qu’il avait dans les environs un enfant naturel. Une simple supposition, parce que, malgré soi, on cherche à se rendre compte des choses… C’était un homme très poli, qui avait toujours l’air triste… Jamais je ne l’ai vu manger à la table d’hôte… Car, l’hiver, nous avons une table d’hôte… Il préférait s’installer dans un coin, tout seul…

Maigret avait tiré de sa poche un vulgaire calepin de blanchisseuse couvert d’une toile cirée noire. Il nota au crayon :

1° Télégraphier Rouen.

2° Télégraphier Maison Niel.

3° Visiter la cour.

4° Prendre renseignements sur propriété Saint-Hilaire.

5° Empreintes digitales couteau.

6° Liste des locataires.

7° Famille mécanicien Hôtel du Commerce.

8° Gens ayant quitté Sancerre le dimanche 26.

9° Annoncer par le tambour de ville récompense à ceux qui auront rencontré M. Gallet le samedi 25.

Son collègue de Nevers, un sourire forcé aux lèvres, suivait des yeux ses moindres mouvements.

— Alors ? Vous avez déjà votre idée ?

— Rien du tout ! Deux télégrammes à envoyer, et je me couche…

Il n’y avait plus, dans le café, que des gens du pays qui achevaient leur partie de billard. Maigret alla jeter un coup d’œil au chemin des orties, qui avait été l’allée centrale d’une propriété de maître et qui en avait gardé deux rangées de beaux chênes.

Une végétation touffue avait tout envahi. A cette heure, on n’y voyait rien.

Grenier se disposait à gagner la gare et Maigret revint sur ses pas pour lui serrer la main.

— Bonne chance ! Mais, entre nous, c’est une sale histoire, pas vrai ?… Rien de sensationnel !… Rien non plus à quoi se raccrocher… A vrai dire, j’aime mieux pour vous que pour moi…

On conduisit le commissaire dans une chambre du premier étage où des moustiques commencèrent leur musique autour de sa tête. Il était de méchante humeur. La besogne qu’il avait en perspective était morne, quelconque, peu passionnante.

Et pourtant, une fois couché, au lieu de s’endormir, il se mit à évoquer la figure de Gallet, dont il ne voyait tantôt qu’une joue, tantôt que le bas du visage.

Dix fois il se retourna gauchement dans les draps moites. Il pouvait entendre le murmure de la rivière qui clapotait le long des bancs de sable.

Chaque affaire criminelle a sa caractéristique, qu’on saisit plus ou moins vite et qui donne souvent la clé du mystère.

Est-ce que la caractéristique de celle-ci n’était pas la médiocrité ?

Médiocrité à Saint-Fargeau ! Villa médiocre ! Décor étriqué, avec le portrait du gamin en premier communiant et le père en jaquette trop étroite sur le piano !

Médiocrité à Sancerre ! Villégiature à bon marché ! Hôtel de second ordre !

Tous les détails venaient alourdir cette grisaille.

Représentant de la Maison Niel : fausse argenterie, faux luxe, faux style !

Une fête foraine, un tir et des pétards par surcroît…

Et jusqu’à la distinction empruntée de Mme Gallet, dont le chapeau orné de strass avait roulé dans la poussière de la cour d’école !

Ce fut un soulagement pour Maigret d’apprendre, le matin, que la veuve avait pris le premier train pour Saint-Fargeau et que le cercueil contenant les restes d’Emile Gallet s’acheminait, dans une camionnette de location, vers les Marguerites.

Il avait hâte d’en finir. Tout le monde était parti : le juge, le médecin aux sept invités et l’inspecteur Grenier.

Si bien qu’il restait seul avec des tâches précises.

D’abord, attendre la réponse aux télégrammes expédiés la veille au soir.

Ensuite, examiner la chambre où le crime avait été commis. Enfin, s’occuper de tous ceux qui auraient pu commettre ce crime et qui, par conséquent, étaient suspects.

La réponse de Rouen ne tarda pas. Elle émanait de la police de cette ville :

Interrogé personnel Hôtel de la Poste. Caissière, Irma Strauss, a déclaré qu’un nommé Emile Gallet lui envoyait sous enveloppe cartes postales à réexpédier. Recevait cent francs par mois. Faisait ce trafic depuis cinq ans et croit savoir que caissière précédente le faisait aussi.

Une demi-heure plus tard, c’est-à-dire à dix heures, arrivait un télégramme de Niel :

Emile Gallet ne fait plus partie maison depuis 1912.

C’était le moment où le tambour de ville commençait sa tournée. Maigret, qui venait de terminer son petit déjeuner, examinait la cour de l’hôtel, qui n’avait rien de particulier, quand on vint lui annoncer que le cantonnier demandait à lui parler.

— J’étais sur la route qui conduit à Saint-Thibaut, exposa-t-il, quand j’ai vu M. Clément en question, que je connaissais pour l’avoir rencontré quelquefois et surtout rapport à sa jaquette. Un jeune homme débouchait justement du chemin de la ferme et ils se sont trouvés face à face. J’étais comme qui dirait à cent mètres d’eux, mais j’ai bien compris qu’ils se disputaient…

— Ils se sont séparés aussitôt ?

— Non ! Ils ont monté la côte un bout de chemin. Puis le vieux est repassé tout seul. Ce n’est qu’une demi-heure plus tard, sur la place, que j’ai revu le jeune à l’Hôtel du Commerce !

— Comment était-il ?

— Un grand maigre… Avec une longue figure et des lunettes…

— Quels vêtements portait-il ?

— Je ne pourrais pas dire… Mais il était plutôt en gris… ou en noir… Est-ce que j’ai droit aux cinquante francs ?…

Maigret les lui remit, se dirigea vers l’Hôtel du Commerce où, la veille au soir, il avait pris l’apéritif.

Le jeune homme y avait déjeuné le samedi 25 juin, mais le garçon qui l’avait servi était en congé à Pouilly, à une vingtaine de kilomètres.

— Vous êtes certain qu’il n’a pas dormi ici ?

— Il figurerait sur notre registre…

— Personne ne se souvient de lui ?

La caissière se rappelait que quelqu’un avait réclamé des nouilles sans beurre et qu’on avait dû les préparer tout exprès.

— Un jeune homme qui était assis là, tenez, à gauche du pilier, et qui avait un teint maladif.

Il commençait à faire chaud et, d’autre part, Maigret n’avait déjà plus sa nonchalance ennuyée du matin.

— Une tête longue ?… Des lèvres minces ?…

— Une grande bouche méprisante, oui !… Il n’a voulu prendre ni café ni liqueurs… Des clients comme ça, vous savez…

Pourquoi Maigret venait-il d’évoquer le portrait du premier communiant ?

Il avait quarante-cinq ans. Il avait passé la moitié de sa vie dans les services les plus divers de la police : aux mœurs, à la voie publique, à la mondaine, à la brigade des gares et à celle des jeux.

C’est assez pour tuer toute velléité de mysticisme et pour enlever la foi dans l’intuition.

N’empêche que, depuis près de vingt-quatre heures, ces deux portraits, celui du père et celui du fils, le hantaient, en même temps qu’une phrase banale de Mme Gallet : « Il était au régime… »

Ce fut sans idée bien arrêtée qu’il se dirigea vers le bureau de poste et demanda au bout du fil la mairie de Saint-Fargeau.

— Allô !… Ici la Police judiciaire… Pouvez-vous me dire quand a lieu l’enterrement de M. Gallet ?

— Demain, à huit heures…

— A Saint-Fargeau ?

— Ici, oui !…

— Encore une question ! Qui est à l’appareil ?

— L’instituteur…

— Vous connaissez M. Gallet fils ?

— C’est-à-dire que je l’ai vu quelquefois… Il est venu ce matin pour les papiers…

— A quoi ressemble-t-il ?

— Que voulez-vous dire ?

— Il est grand, maigre ?

— Oui… Plutôt…

— Il porte des lunettes ?

— Attendez !… Je me souviens !… Des lunettes d’écaille…

— Vous ne savez pas s’il est malade ?

— Comment le saurais-je ? Il est pâle, bien sûr…

— Je vous remercie…

Dix minutes plus tard, le commissaire pénétrait à nouveau au Café du Commerce.

— Dites, madame, votre client de samedi portait-il des lunettes ?

La caissière chercha dans ses souvenirs, finit par secouer la tête.

— Oui… Non… Je ne sais plus… L’été, il passe tant de monde !… C’est surtout sa bouche qui m’a frappé… Même que j’ai dit au garçon qu’il avait une bouche de crapaud…

Ce fut plus long de retrouver le cantonnier, car il était en train de boire ses cinquante francs en compagnie de camarades dans un petit bistrot caché derrière l’église.

— Vous m’avez dit que votre homme avait des lunettes.

— Le jeune, oui ! Pas le vieux…

— Quelles lunettes ?

— Toutes rondes, vous savez, avec des cercles noirs…

En se levant, le matin, Maigret était tout heureux d’apprendre que le mort était parti, ainsi que Mme Gallet, le juge, le médecin et les policiers.

Il espérait rester enfin aux prises avec un problème objectif et n’avoir plus à évoquer l’étrange tête du vieillard à barbiche.

A trois heures de l’après-midi, il prenait le train pour Saint-Fargeau.

Tout d’abord, il n’avait vu, d’Emile Gallet, qu’une photographie. Il avait aperçu ensuite la moitié du visage.

Maintenant, il ne trouverait qu’un cercueil définitivement clos.

Pourtant, alors que le train se mettait en marche, il avait un peu l’impression gênante de courir après le mort.

A Sancerre, M. Tardivon, déçu, confiait à ses meilleurs clients, tout en leur offrant un verre d’armagnac :

— Un homme qui avait l’air sérieux… Un homme de notre âge !… Et le voilà qu’il file sans même être entré dans la chambre !… Vous voulez voir la place où il est mort !… C’est curieux… Cependant ce ne sont que des policiers de Nevers qui ont fait ça… Quand ils ont emporté le corps, ils ont d’abord dessiné son contour sur le plancher, avec de la craie… Attention de ne toucher à rien, hein !… Ces affaires-là, on ne sait jamais où elles peuvent vous mener.

III

Les réponses de Henry Gallet

Maigret, qui avait passé la nuit chez lui, boulevard Richard-Lenoir, arriva à Saint-Fargeau le mercredi un peu avant huit heures du matin. Il était déjà hors de la gare quand il se ravisa, revint sur ses pas et demanda à l’employé :

— M. Gallet prenait souvent le train ?

— Le père ou le fils ?

— Le père.

— Chaque mois, il s’en allait pour trois semaines. Il prenait une seconde classe pour Rouen…

— Et le fils ?

— Il vient à peu près tous les samedis soir, de Paris, avec un aller-retour de troisième, et repart le dimanche au dernier train… Qui aurait pu prévoir !… Je le vois encore, pas plus tard que le premier dimanche de juin, faisant l’ouverture de la pêche…

— Le père ou le fils ?

— Le père, parbleu !… Tenez ! C’est à lui le bachot bleu que vous apercevez entre les arbres !… Un bachot que tout le monde va vouloir acheter, car il l’a fait lui-même, en cœur de chêne, et il a inventé je ne sais combien de perfectionnements… C’est comme ses engins…

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